Aussi étonnant que cela puisse paraître La planète des vampires est inédit dans les salles de l’hexagone. Étonnant car le film de Mario Bava est devenue au fil des années une référence dans l’univers de la science-fiction. Les prémices de sa notoriété sont nées à la sortie du film de Ridley Scott, Alien. Ainsi des similitudes entre les deux films ont été relevées. Outre l’atmosphère, c’est le squelette géant vestige d’une ancienne civilisation qui rapproche les deux films. La Planète des vampires sort dans une superbe version restaurée – le moment pour nous d’un alunissage sur Aura.
Deux vaisseaux spacieux Argos et Galliot reçoivent de mystérieux signaux en provenance de la planète Aura. Soudain, ils sont pris dans le champ d’une force d’attraction magnétique, qui les attire sur la planète. Les membres de l’équipage de l’Argos perdent connaissance à l’exception de son commandant, Mark Markary (Barry Sullivan). Aussitôt après l’alunissage sur Aura, les hommes deviennent fous et attaquent le commandant. Pourtant, très vite, ils reprennent leurs esprit sans comprendre ce qui s’est produit. Sans nouvelle du Galliot, le commandant décide de partir à sa recherche…
La société de production et de distribution AIP (American International Pictures) avait sorti aux Etats-Unis Le masque du démon (La Maschera del demonio, 1960) et Les trois visages de la peur (I Tre volti della paura, 1963). Ses deux films de Mario Bava avaient fait de rondelettes recettes. Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson, les patrons de l’AIP, décident de prendre sous contrat Mario Bava. Ils décident de mettre en chantier un film de science-fiction. C’est la filiale européenne de l’AIP, l’Italien International Film, que dirige le producteur Fulvio Lucisano, qui le produit.
Mario Bava développe son scénario à partir d’une petite nouvelle dont il avait acheté les droits Una notte di 21 ore de Renato Pestriniero paru dans un petit magazine italien de SF en 1960. Quatre scénaristes travaillent avec Bava à mettre au point l’histoire de l’équipage de l’Argos, mais peu satisfaite du scénario, l’AIP charge le scénariste-réalisateur danois Ib Melchior de réécrire le script. Les américains demandent à Louis M. Heyward, leur représentant en Europe, de suivre le tournage. Il retravaille le script avec Melchior, au jour le jour, durant les prises de vue. Si l’entente entre Melchior et Bava est excellente, Bava refuse toutefois la fin qu’il lui propose. Les deux survivants trouvent refuge sur une autre planète et refonde une nouvelle Humanité, tel Adam et Eve. Bava conçoit alors un retournement final absolument génial.
L’AIP propose l’acteur Barry Sullivan en tête d’affiche. Ce solide acteur navigue entre seconds rôles solides dans des films de studio : les formidables Les ensorcelés (The Bad and the Beautiful, 1952) de Vincente Minelli et Quarante voleurs (Forty Guns, 1957) de Samuel Fuller, mais aussi en vedette dans des films de série B.
Par un incroyable concours de circonstances, c’est la jeune actrice brésilienne Norma Bengell qui incarne le premier rôle féminin. L’actrice initialement prévue, Susan Hart, venait d’épouser le producteur James H. Nicholson. Or, celui-ci considère le film de Bava comme une production de seconde zone indigne du talent de sa nouvelle épouse! Norma Bengell avait débuté au cinéma en 1959 dans O Homem do Sputnik, comédie de Carlos Manga, où un satellite soviétique tombe sur le poulailler d’un couple modeste. La belle brésilienne fait sensation en apparaissant nue dans La plage du désir (Os Cafajestes, 1962), chef-d’œuvre du Cinema Novo signé par Ruy Guerra. Pour Mario Bava, impossible de développer une romance entre Barry Sullivan et Norma Bengell, car l’acteur américain fait bien plus que son âge, 53 ans.
Le budget accordé à Mario Bava est minuscule. Il dispose du plateau 5 de Cinecittà, celui de Fellini, mais vide. Avec des bouts de décors vestiges du tournage d’un péplum, Bava aménage un semblant de décor. Bava fait alors preuve d’une incroyable ingéniosité. Les deux vaisseaux, l’Argos et le Galliot sont identiques – idée géniale qui permet non seulement une énorme économie, mais aussi de tourner rapidement. Bava tourne pour la première fois avec Antonio Rinaldi, qui va devenir son chef opérateur attitré (Operazione Paura, Danger Diabolik, Une hache pour la lune de miel, L’île de l’épouvante…).
En grand maître du cinéma gothique, Mario Bava noie le décor de la planète sous d’épais nuages de brume. Il crée une atmosphère étrange remplie de danger. Il ponctue son décor de touches de couleurs par une installation d’éclairages particulièrement étudiée. En grand maître du sadisme, Mario Bava habille l’équipage de combinaison de cuir, des relents de fétichisme à ne pas en douter. Sa mise en scène est d’un grand dynamisme. Ses travellings latéraux sont majestueux. Bava réussi à maintenir une tension diffuse. La résurrection des morts est un moment d’une grande poésie morbide.
La planète des vampires fut aussi exploité sous le titre de La planète des monstres, et, aussi curieux que cela puisse paraître, le film est l’unique incursion dans le cinéma de science-fiction de Mario Bava.
Cinquante ans après sa réalisation, La planète des vampires s’affirme définitivement comme une date dans l’histoire de la science-fiction. Après sa présentation à Cannes Classics il est enfin possible au plus grand nombre de découvrir ce classique sur grand écran. Le film a été restauré sous la supervision de Lamberto Bava, fils du maître, à l’époque assistant sur le film. Le DCP obtenu à partir du négatif original 35 mm est magnifique. Grand admirateur du film, le cinéaste Nicolas Winding Refn (Pusher, Drive, The Neon Demon) s’est associé au producteur Fulvio Lucisano pour mettre à bien cette restauration. Winding Refn, qui considère La planète des vampires comme le plus grand film de science-fiction de l’histoire du cinéma, ce qui est un poil excessif, introduit le film par une courte présentation. Un belle reprise pour La Rabbia après celle de Sorcerer (Le convoi de la peur) de William Friedkin, l’année dernière. La planète des vampire est un must de la science-fiction à découvrir cet été !
Fernand Garcia
La planète des vampires (Terrore nello spazio) un film de Mario Bava avec Barry Sullivan, Norma Bengell, Angel Aranda, Evi Marandi, Fernando Villena, Ivan Rassimov, Stelio Candelli. Scénario : Alberto Bevilacqua, Callisto Cosulich, Antonio Roman, Mario Bava, Rafael J. Salvia, Ib Melchior et Louis M. Heyward d’après la nouvelle Una note di 21 ore de Renato Pestriniero. Directeur de la photographie : Antonio Rinaldi. Décors : Giorgio Giovannini. Costumes : Gabriele Mayer. Musique : Gino Marinuzzi, Jr. & Antonio Perez Olca. Producteur : Fulvio Lucisano. Production : Italien International Film (Rome) – Castilla Cinematografica Cooperativa (Madrid). Distribution (France) : La Rabbia – BAC Films. Sortie en salles le 6 juillet 2016. Italie – Espagne. 1965. 86 mn. Couleur. Pathécolor. Coloroscope. Format image : 1.85: 1. Tous Publics.