La panthère noire est un film maudit qui sort des oubliettes du 7e Art grâce à la perspicacité d’UFO distribution qui a eu la bonne idée de le sortir en salles et en DVD. J’avoue n’avoir jamais eu connaissance de ce film. Il faut dire aussi qu’en Angleterre son exploitation fut réduite à peau de chagrin suite à l’interdiction du film dans plusieurs villes avant que celle-ci ne s’étende à tout le pays. Ian Merrick fut accusé de tirer profit de l’exploitation de l’épouvantable histoire de l’ennemi public n°1, Donald Neilson. Encore un sinistre exemple de l’aveuglement des remparts de l’ordre moral qui aboutit à un acte de censure pur et simple. Évidemment, La panthère noire est un film hautement recommandable tant il s’avère passionnant de bout en bout.
Au petit matin, un homme en treillis court son barda sur le dos. Dans son sac, dans ses poches, des kilos de pierres. Donald Neilson s’entraîne, il se met en condition dans un bois en bordure de la petite ville anglaise d’Heywood. Donald se prépare comme pour une opération de commando. Le 16 février 1972, il entre par effraction et de nuit dans l’épicerie – bureau de poste de la ville. Au premier étage, le préposé est réveillé par un bruit inhabituel… ce premier larcin pour Donald se termine de manière pathétique…
Ian Merrick avec une incroyable économie de moyens nous dresse le portrait glaçant d’un tueur psychotique. Le film est tiré d’un fait-divers qui défraya la chronique dans les années 70. Dans une Angleterre de petites villes grises, Donald Neilson va sévir pendant plusieurs années. Le film suit pas à pas son parcours entre son quotidien de père de famille à ses escapades nocturnes de plus en plus violentes. Ex-soldat, il se comporte comme tel avec sa femme et sa fille avec ses exigences absurdes. Donald a été un soldat particulièrement zélé, mais ce qu’il y a d’étonnant c’est qu’avec toute sa préparation, ses repérages, ses cartes, etc. tout se termine à chaque fois de manière lamentable. Personnage pétri d’ambition et imbus de lui-même, rien ne l’arrête.
Tout sonne juste, l’interprétation de Donald Sumpter est magistrale, il donne une crédibilité de chaque instant à son personnage. Tous les seconds sont impeccables et semblent tous sortir du quotidien le plus morose de ces villes tristes. Les lieux semblent être ceux où l’action a réellement eu lieu, encore une fois tout sonne parfaitement juste, les petits bureaux de poste, l’escalier qui monte à l’étage, les lits deux places, la petitesse des pièces…
Ian Merrick met en scène son film avec un grand soin, pas un plan inutile. Il avance avec précision et ne nous donne à voir que l’essentiel, aussi bien des actions crapuleuses de Donald Neilson que de sa vie de famille. Par ce biais, il tente de comprendre le fonctionnement d’un monstre. Aucune complaisance d’aucune sorte. Le rythme est alerte. Si le film est glaçant, il n’en est pas moins exempt d’un humour très noir. On discerne même dans sa réalisation une filiation avec Alfred Hitchcock et plus particulièrement avec une autre histoire de tueur mis en scène par le maître du suspense en Angleterre, Frenzy. Il reprend même un effet de montage du film, et l’applique sur la séquence de la cabine téléphonique. Quant à la séquence, où Donald Neilson dissimule sur lui des armes face à un miroir, il est impossible de ne pas penser au Travis Bikles de Taxi Driver, autre ex-soldat, mais Donald fonctionne d’une toute autre manière.
La première partie de La panthère noire s’attache à suivre Donald Neilson, la seconde partie élargie la vision. A partir du kidnapping d’une jeune fille, Ian Merrick et son scénariste Michael Armstrong mettent en cause les lacunes et les ratés de la police mais aussi l’utilisation de l’événement par la presse. Ian Merrick et son scénariste Michael Armstrong ont abordé le sujet avec une grande honnêteté et lucidité. C’est en tout point une réussite.
La panthère noire est dans la droite ligne des polars anglais réalistes et sociaux comme Get Carter de Mike Hodges ou The Offence de Sidney Lumet. Une perle du genre et une importante découverte à voir absolument.
Fernand Garcia
La Panthère noir est distribué en salles et édité en DVD par UFO distribution dans une impeccable version restaurée. En complément dans l’édition DVD, François Guérif, éditeur et directeur de la collection Rivages/Noir, grand connaisseur du film noir, revient sur l’histoire de Donald Neilson et sur celle bien singulière du film (17 mn).
La panthère noire (The Black Panther) un film d’Ian Merrick avec Donald Sumpter, Debbie Farrington, Marjorie Yates, Sylvia O’Donnell, Andrew Burt, David Swift, Alison Key… Scénario : Michael Armstrong d’après un traitement de Joanne Leighton. Directeur de la photographie : Joe Mangine. Décors : Carlotta Barrow. Montage : Teddy Darvas. Musique : Richard Arnell. Musique Electronique : David Hewson. Producteur : Ian Merrick. Production : Impics Ltd. Distribution : UFO distribution (sortie en salles le 13 juillet 2016) Grande-Bretagne. 93 mn. Couleur (Technicolor)