Le film d’André de Toth, Le Sabre et la Flèche démarre fort. La petite ville de Dry Buttes est attaquée par le chef Comanche Black Cloud (Nuage Noir) et ses guerriers sauvages.
L’attaque de la ville est un moment spectaculaire. André De Toth y combine nuit américaine, plans de nuit en extérieur et en studio. L’attaque est devancée par l’arrivée de chevaux sauvages lâchés dans l’artère principale par les Comanches. Les maisons tremblent, et l’angoisse se lie sur les visages des soldats en faction. Au terme d’une nuit de carnage, il ne reste au petit matin que des cendres… et 6 survivants d’une patrouille de la Cavalerie. Le Sergent Matt Trainor (Broderick Crawford) prend le commandement de la patrouille et décide de rejoindre le Fort Macklin à 200 kilomètres… des kilomètres de désert. En chemin, la patrouille croise une diligence avec pour destination finale Dry Buttes. Elle doit rebrousser chemin et suivre la patrouille… mais les Comanches quadrillent le secteur.
Le scénario de Kenneth Gamet, des plus classiques et linéaires, est transcendé par la mise en scène d’André De Toth. Ce qui en d’autres mains aurait été un western quelconque, devient ici un film surprenant et à plus d’un titre passionnant.
Le Sabre et la Flèche frappe, tout d’abord, par le choix de son héros. Le Sergent est interprété par Broderick Crawford, excellent acteur, mais qui n’a ni l’aura ni la dégaine de la tête d’affiche habituelle. Il est un soldat qui fait ni plus ni moins que son travail. Il s’agit d’un personnage presque antipathique. Il est à deux doigts d’abandonner un jeune indien assoiffé dans le désert pour préserver les chances de survie du petit convoi. Dans les passagers de la diligence l’on retrouve la belle jeune femme de rigueur, qui – convention oblige – est destinée à vivre une histoire d’amour avec le héros… ce qui ne se produira pas dans le film d’André De Toth. Il n’y aura même pas l’esquisse d’une romance.
Et puis, c’est l’admirable photo et cadre du film qui étonne le plus. Il s’agit là sans conteste d’une exigence d’André De Toth. Une fois dans le désert, l’action suit l’évolution de la lumière du jour. Il serait presque possible de déterminer l’heure des différentes péripéties, auxquelles vont être confrontés les protagonistes.
Ainsi les scènes, entre chien et loup et celles à la tombée de la nuit, où les silhouettes des personnages se détachent sur un ciel rougeoyant, sont de toute beauté. Les découpes dans le cadre, fenêtres, murs, ainsi que les amorces, branchages, herbes, sont remarquables. Le film est un régal pour les yeux et une élégante leçon de mise en scène.
La Sabre et la Flèche est la reprise de l’histoire, mais dans un autre contexte de Sahara (1943). Ce film dirigé par Zoltan Korda se déroule pendant la campagne d’Afrique du Nord durant la Seconde Guerre mondiale. On retrouve au générique des deux films l’acteur Lloyd Bridges. Il avait déjà tourné à deux reprises sous la direction d’André De Toth dans Passport to Suez (1943) et Femme de feu (Ramrod, 1947).
Au côté de Broderick Crawford, que l’on retrouvera en escroc pathétique dans l’admirable Il Bidone de Federico Fellini (1955), on trouve Barbara Hale, qui réussit à donner de la consistance à un personnage assez creux. Il faut dire qu’André De Toth la met particulièrement bien en situation, lui donnant ainsi une importance que le scénario ne lui donnait pas.
Le Sabre et la Flèche, très beau titre français, est un vrai moment de pur cinéma par un cinéaste inspiré.
Fernand Garcia
Le Sabre et la Flèche est édité pour la première fois en DVD dans la collection Western Legende par Sidonis/Calysta dans une superbe copie, image et son restaurés. En complément de programmes : une double présentation du Sabre et la Flèche, l’une par Patrick Brion, qui replace le film dans son année de sortie et l’histoire du western (12 mn), l’autre de Bertrand Tavernier, qui revient sur les choix esthétiques et de mise en scène d’André De Toth (27 mn). Interventions toujours aussi instructives et passionnantes. Enfin, une galerie d’affiches et de photos du film.
Le Sabre et la Flèche (Last of the Comanches) un film d’André De Toth avec Broderick Crawford, Barbara Hale, Johnny Stewart, Lloyd Bridges, Mickey Shaughnessy, George Mathews, Hugh Sanders. Scénario : Kenneth Gamet. Directeur de la photographie : Ray Cory & Charles Lawton Jr. Consultant Technicolor : Francis Cugat. Décors : Ross Bellah. Montage : Al Clark. Musique : George Duning. Producteur : Buddy Adler. Production : Columbia Pictures Corporation. Etats-Unis. 1953. 80 mn. Couleur (Technicolor) Format image : 1.37 : 1. Version : VOST et VF. Tous Publics.