Il existe une véritable tradition du cinéma fantastique et d’horreur dans le cinéma anglais. Evidemment la Hammer, qui par la qualité de ses productions éclipsait les autres sociétés, qui produisaient dans la même catégorie, certes avec moins de moyens, mais avec autant de talents. La poupée diabolique fait partie de cette seconde catégorie, devenue invisible. Le film de Lindsay Shonteff revient dans une excellente édition DVD d’Artus Films. Le temps est venu de (re)découvrir cette petite perle du cinéma d’horreur.
Le grand Vorelli est un nom dans le music-hall, son numéro d’hypnotisme et celui avec sa marionnette Hugo l’ont rendu célèbre. A chaque représentation, il fait salle comble. Son numéro avec Hugo intrigue et fascine tout autant le public. A la demande de son journal, le journaliste Mark English doit démonter le mystère Vorelli dans un article. Son cobaye pour la séance d’hypnose se défile à la dernière minute et le journaliste se voit contraint d’utiliser sa petite amie, Marianne Horn. La jeune femme frappe dans l’œil de Vorelli, il faut dire qu’elle est l’héritière d’une des plus grosses fortunes d’Angleterre…
La poupée diabolique mélange avec succès hypnotisme et possession diabolique. Les scènes d’hypnotisme sont intenses et fort bien réalisées. Mais le meilleur reste les liens sadiques qui unissent Vorelli à Hugo. Leurs scènes distillent une véritable angoisse. L’interprétation est d’excellente qualité. Le grand Vorelli est incarné avec une grande intensité par Bryant Haliday. Sa froideur, son regard pénétrant, son visage qui semble détaché de tous sentiments humains ainsi que sa diction, claire, nette et précise, ajoute au malaise.
Le journaliste, qui va malencontreusement mettre sa fiancée Marianne dans les bras du grand Vorelli, est incarné par William Sylvester. Grand, svelte et élégant, il est impeccable dans la peau d’un sceptique, qui au terme de son enquête va faire une incroyable découverte. Très belle présence au jeu sûr, qui repéré et dirigé par Stanley Kubrick dans 2001 : l’odyssée de l’espace (1968), où il incarnera le Dr. Heywood R. Floyd, scientifique pour le moins ambiguë.
Yvonne Romain, la jeune héritière sous l’emprise de Vorelli, avait déjà une belle carrière quand elle endosse le rôle. Cette charmante et pulpeuse actrice avait débuté par de petits rôles dans productions fantastiques, Le cirque des horreurs (Circus of horrors, 1960) de Sidney Hayers, et petit à petit, arrivait au premier plan avec des personnages plus présents comme celui de la mère d’Oliver Reed dans La nuit du loup-Garou (The Curse of the Werewolf, 1963), chef-d’oeuvre de Terence Fisher. Elle est plus que convainquante en belle victime d’un être sans scrupules.
Lindsay Shonteff va aussi loin qu’il le peut dans la perversité, mais aussi dans l’érotisme. Ainsi le grand Vorelli abuse de Marianne sous hypnose. La collaboratrice de Vorelli est tuée par le pantin dans son lit, alors qu’un simple drap blanc couvre sa nudité.
Dans les très intéressantes scènes coupées et alternatives du film, que nous propose Artus en complément, une première, assez longue, Vorelli sur la scène hypnotise une jeune femme et lui demande de faire un strip-tease. Cette séquence osée n’existe pas dans la version anglaise et était destinée au marché américain. Une deuxième est une discussion téléphonique entre Mark English et un confrère en Allemagne.
Dans la version anglaise, la jeune femme, qui est dans la chambre du journaliste, est en soutien-gorge et petite culotte noire; dans la version destinée aux salles américaines, elle est seins nus. Un exemple de l’état de la censure à l’époque des deux côtés de l’Atlantique.
Sur un postulat fantastique La poupée diabolique se teinte dans sa résolution d’une dimension horrifique étonnante. Cet excellent scénario est cosigné par George Barclay (Ronald Kinnoch), coauteur du Village des damnés (Village of the Damned, 1960), et par Lance Z. Hargreaves (Charles F. Vetter), scénariste et producteur de série B (Le pionnier de l’espace, en 1959).
La poupée diabolique est une excellente surprise qui ravira tous les amateurs de grands frissons.
Fernand Garcia
La poupée diabolique est édité en DVD par Artus Films dans la collection British Horror. En suppléments : Pantins et Ventriloques, Alain Petit évoque les films avec ventriloques et marionnettes au cinéma et à la télévision et bien sûr La poupée diabolique, intervention toujours aussi instructive (38 mn). Scènes coupées et une scène alternative, un diaporama d’affiche et de photos du film et enfin les films annonces de la collection (Le Sang du vampire, La Nuit des maléfices, Horror Hospital, La Tour du diable et La poupée diabolique).
La poupée diabolique (Devil Doll), un film de Lindsay Shonteff avec Bryant Haliday, William Sylvester, Yvonne Romain, Sandra Dorne, Nora Nicholson, Alan Gifford. Scénario : Ronald Kinnoch (George Barclay) et Charles F. Vetter (Lance Z. Hargreaves) d’après une histoire de Frederick Escreet Smith. Directeur de la Photographie : Gerald Gibbs. Décors : Stan Shields. Montage : Ernest Bullingham. Producteurs éxecutifs : Kenneth Rive & Richard Gordon. Producteur : Lindsay Shonteff. Production : Galaworldfilm Productions – Gordon Films. Grande-Bretagne. 1964. 77 mn. Noir et blanc. Versions : français et anglais. Sous titres : français. Format image : 1.66 original respecté 16/9ème compatible 4/3. Interdit aux moins de 12 ans.