C’est dans la grande salle de cinéma de l’UGC Normandie en haut des Champs-Elysées que Thierry Frémont, accompagné de Pierre Lescure, a présenté les sélections officielles du 69e Festival de Cannes (Compétition, Hors Compétition, séances spéciales et Un Certain Regard). Après une édition 2015 extrêmement décevante, avec des choix pour le moins surprenants et un palmarès à l’image de la sélection, l’édition 2016 semble être beaucoup plus recentrée autour d’auteurs que de films passepartouts. Il y a là peut-être aussi la volonté de ne pas laisser filer, comme l’année dernière, les films les plus passionnants vers la Quinzaine des Réalisateurs? Voici donc la sélection des films en compétition avec les avis de la rédaction.
Les 21 films en Compétition
AGASSI (The Handmaiden) de Park Chan-Wook (Corée du Sud)
Retour sur la croisette de l’un des plus grands cinéastes coréens en activité, son prodigieux Old Boy (Grand Prix en 2004) reste l’une des œuvres cinématographiques les plus influentes des années 2000. Son étonnante incursion dans l’univers des vampires Thirst avait raflé le Prix du Jury en 2009. Il dirige dans son nouveau film les acteurs Jung-woo Ha, impressionnant dans deux chefs-d’œuvre du thriller coréen The Chaser (2008) et The Murderer (2010), et Min-hee Kim formidable dans Un jour avec, un jour sans le dernier film son compatriote Hong Sang-soo (2015).
AMERICAN HONEY d’Andrea Arnold (Royaume-Uni)
Découverte avec le formidable Red Road (Prix du Jury, 2006), Ardrea Arnold est une réalisatrice de talent même si ses films suivants, Fish Tank (Prix du Jury, 2009) et Les hauts de Hurlevent (2011), nous ont quelque peu déçus.
AQUARIUS de Kleber Filho Mendonça (Brésil)
Beaucoup d’espoir en Kleber Filho Mendonça tant son premier film Les bruits de récifs nous a enthousiasmés.
BACALAUREAT (Baccalauréat) de Cristian Mungiu (Roumanie)
Palme d’or avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours en 2007, et double prix d’interprétation pour ses actrices ainsi que le prix du scénario pour Au-delà des collines en 2012, récompenses hautement méritées pour Cristian Mungui, l’un des plus brillants metteurs en scène de cette génération exceptionnelle de cinéastes roumains.
ELLE de Paul Verhoeven (Pays-Bas)
Auteur d’une œuvre assez incroyable et inconcevable dans la production uniformisée de ce début de XXIe siècle, le Néerlandais Paul Verhoeven arrive en compétition avec une coproduction franco-allemande. Elle est l’adaptation d’un roman de Philippe Djian (37,2 le matin) avec une distribution des plus surprenantes puisque au côté d’Isabelle Huppert l’on trouve Virginie Efira, Anne Consigny, Vimala Pons et Laurent Lafitte, somme toute, des petites pointures si on se rappelle que Paul Verhoeven a eu devant sa caméra Arnold Schwarzenegger, Sharon Stone, Michael Douglas, Rutger Hauer, etc. Heureux de revoir un film de Paul Verhoeven.
I, DANIEL BLAKE de Ken Loach (Royaume-Uni)
Ken Loach est le plus grand cinéaste britannique, on ne le dit pas assez, trop de gauche sans doute. Palme d’Or en 2006 pour le superbe Le vent se lève, et multi primé à juste raison à Cannes, Ken Loach sur un scénario Paul Laverty, il dirige Hayley Squires, Micky McGregor et Dave Johns, acteurs nouveaux sur le grand écran.
JULIETA de Pedro Almodovar (Espagne)
Nous avons un peu perdu de vu l’auteur de Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Il revient à Cannes après la présentation de l’intéressant La piel que habito en 2011. Adriana Ugarte est la Julieta du titre, à ses côtés Emma Suarez et Rossy de Palma, une habituée de l’univers d’Almodovar (La loi du désir, Femmes au bord de la crise de nerfs, Attache-moi !…).
JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan (Canada)
On entend déjà le fan-club du cinéaste frémir d’impatience. Adaptation d’une pièce de Jean-Luc Lagarce avec le top des acteurs pour les magazines ciné en perte de vitesse, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Gaspard Ulliel, Nathalie Baye et l’incontournable Marion Cotillard.
LA FILLE INCONNUE de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne (Belgique)
Les Dardenne, c’est avant tout deux films magnifiques, La promesse (1996) et Rosetta (Palme d’or en 1999) mais depuis petit à petit on ressent dans leur production une sorte d’épuisement. Un cinéma plus de la constatation sociale que de la contestation. La fille inconnue annonce-t-elle un renouveau pour les cinéastes à la double Palme d’or ? L’excellente Adèle Haenel est en tête d’affiche aux côtés de deux fidèles, Olivier Gourmet et Jérémie Renier.
FORUSHANDE (Le Client) de Asghar Farhadi (Iran)
Découvert par le grand public avec Une Séparation (2011), Asghar Farhadi est l’un des grands noms actuels du cinéma iranien. En 2013, son film Le passé tourné à Paris avait permis à Bérénice Bejo de décrocher le prix d’interprétation à Cannes. Forushande marque son retour en Iran pour cette coproduction avec la France. Le film a été rajouté en dernière minute à la compétition.
LOVING de Jeff Nichols (USA)
Les amours contrariés d’un blanc et d’une noire dans l’Amérique des années 50, sujet classique pour un cinéaste talentueux dont la forme épouse le classicisme des années 80 (Take Shelter, Mud, Midnight Spécial). On retrouve en tête de distribution son acteur fétiche, Michael Shannon.
MA LOUTE de Bruno Dumont (France)
Bruno Dumont est sans conteste le plus grand cinéaste français en activité. Cinéma exigeant dont les rapports ont été le plus souvent houleux avec une partie de la critique et du public cannois. Pourtant que de grands films vus à Cannes, La vie de Jésus (Quinzaine des Réalisateur, 1997), L’Humanité (Grand Prix et prix d’interprétation masculin et féminin, 1999), Flandres (Grand Prix, 2006), Hors Satan (Un Certain Regard, 2011) et P’tit Quinquin (Quinzaine des réalisateurs, 2014)…
MA’ ROSA de Brillante Mendoza (Philippines)
Brillante Mendoza fait partie de ces cinéastes dont nous suivons la carrière. Son dernier film, Taklub (2015), était quelque peu alourdi par son côté oratorio pour ONG. Espérons retrouver avec son nouvel opus toute la hargne de l’auteur de Kinatay (Meilleure réalisation, 2009) et de Serbis (2008).
MAL DE PIERRES de Nicole Garcia (France)
Film duquel nous n’attendons rien ! Adaptation d’un roman de l’italienne Milena Agus, prix du livre d’évasion des Relais H en son temps. Avec Marion Cotillard en quête d’amour absolu et c’est bien le minimum pour elle. De belles photos de la montée des marches en perspective pour les magazines people.
PATERSON de Jim Jarmusch (USA)
Cinéaste rock, Jarmusch poursuit son bonhomme de chemin en semant de-ci de-là quelques merveilles qui résistent merveilleusement au temps. On retrouve en tête d’affiche Adam Driver et Golshifteh Farahani. Jarmusch est doublement présent cette année sur la Croisette puisque son doc sur Iggy Pop Gimme Danger est présenté hors compétition en séance de minuit.
PERSONAL SHOPPER d’Olivier Assayas (France)
Le film le plus attendu du grand cercle des amis d’Olivier Assayas ! Mais qui se souvient de la moindre image d’un film d’Assayas ? Ah oui peut-être Irma Vep ! L’ami de tous les cinéastes célèbres, vivants ou morts, est une nouvelle fois en compétition. Olivier Assayas dirige pour la seconde fois la star de Twilight, Kristen Stewart.
RESTER VERTICAL d’Alain Guiraudie (France)
Depuis ses débuts dans le court-métrage dans les années 90, Alain Guiraudie poursuit une carrière tout à fait remarquable. Avec L’inconnu du lac en 2013, il accède à une reconnaissance amplement méritée. Son nouveau film ouvre la compétition.
SIERANEVADA de Cristi Puiu (Roumanie)
Un autre grand du cinéma roumain, Cristi Puiu. Il fait sensation avec son deuxième long-métrage La mort de Dante Lazarescu (2005) puis confirme son immense talent avec Aurora (2010) dans lequel il incarne le personnage principal, deux films aux impressionnants plans-séquences. Sieranevada est le film le plus long (2h53).
THE LAST FACE de Sean Penn (USA)
Acteur et metteur en scène bulldozer, Sean Penn fait rarement dans la finesse. The Last Face affiche une distribution hétéroclite et internationale puisqu’on y trouve la Sud-africaine Charlize Theron, l’Espagnol Javier Bardem, les Français Adèle Exarchopoulos et Jean Reno, entre autres…
THE NEON DEMON de Nicolas Winding Refn (Danemark)
Le grand public et une bonne partie de la critique découvrent Nicolas Winding Refn avec Drive (2016), polar transcendé par une fabuleuse mise en scène. L’auteur de la trilogie Pusher, de Bronson (2008) et du Guerrier silencieux (2009) revient avec ce que l’on annonce comme un thriller horrifique dans les milieux du mannequinat.
TONI ERDMANN de Maren Ade (Allemagne)
Ours d’argent à Berlin en 2009 pour Everyone Else, la réalisatrice Maren Ade est pour la première fois en compétition à Cannes avec son troisième long métrage. On retrouve dans la distribution l’actrice Sandra Hüller que nous avions découverte dans l’étonnant Requiem de Hans-Christian Schmid (2006).
C’est le dimanche 22 mai que le jury présidé par George Miller dévoilera son palmarès.