Disparu en 1998, Akira Kurosawa est l’un des auteurs majeurs de la deuxième partie du XXe siècle. Son Art de la mise en scène a révolutionné le cinéma. Il est propulsé sur la scène internationale avec Rashōmon et décroche le Lion d’Or de la Mostra de Venise en 1951, une première pour un cinéaste asiatique. Cette adaptation de plusieurs nouvelles d’Akutagawa Ryunosuke est exceptionnelle à plus d’un titre.
Kurosawa y raconte un même événement : l’attaque d’un samouraï et de sa femme par un bandit, vue par ses différents protagonistes. Le film est impressionnant. Akira Kurosawa innove en matière de narration et il ose techniquement des effets interdits jusque-là dans la grammaire cinématographique comme de filmer le soleil de face.
Kurosawa c’est aussi un incroyable sens du rythme cinématographique, il faut rappeler qu’il est le monteur de la plupart de ses films. Ce sens de l’image, du plan utile, va le conduire à de nouvelles innovations. Ainsi, Kurosawa utilise plusieurs caméras sous des axes bien précis pour les scènes d’action des Sept Samouraïs. Il n’est pas le premier à le faire, mais la virtuosité de son installation frappe les cinéastes du monde entier. Il innove en utilisant pour la première fois le ralenti dans une scène d’action pour la mort d’un des personnages. Hollywood transpose le film au Mexique et en donne une version, certes sympathique, mais à des années-lumière de Kurosawa, avec Les Sept mercenaires, que dirige John Sturges avec une flopée de futures stars : Steve McQueen, James Coburn, Charles Bronson, etc.
Akira Kurosawa aura avec ses films très japonais une influence énorme sur le cinéma populaire occidental. Sergio Leone transpose Yojimbo à nouveau dans l’univers du western avec Pour une poignée de dollars. Le succès considérable du film lance la vague des westerns spaghettis. George Lucas reprend la trame de La Forteresse cachée en la transposant dans l’espace pour La Guerre des étoiles (Star Wars, 1977). L’incroyable succès du film ouvre la voie au space opéra et à toute une série de déclinaisons qui perdurent jusqu’à nos jours. Grand admirateur de Kurosawa, qu’il considère comme l’un des rares génies qu’il a rencontrés durant sa vie, Francis Ford Coppola produit avec George Lucas Kagemusha. Ce chef-d’œuvre obtient la Palme d’Or du Festival de Cannes.
Ce qui est rarement dit est que Kurosawa est un cinéaste communiste. Il croyait en des valeurs universelles d’humanisme mais était parfaitement lucide sur l’homme, ses travers, ses faiblesses, sa soif de pouvoir. Il est l’un des rares cinéastes japonais à avoir adapté des auteurs issus d’autres cultures, comme Dostoïevski ou Gorki.
En cinquante ans de cinéma, Kurosawa a abordé tous les genres avec un talent toujours intact. De la fresque historique, qui a bâti sa gloire, au polar en passant par le drame intimiste.
Ce printemps, Carlotta Film distribue en salles, 9 chefs-d’œuvre d’Akira Kurosawa magnifiquement restaurés. Il s’agit des inédits : Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946), Qui marche sur la queue du tigre (1949), Vivre dans la peur (1955), Le Château de l’Araignée (1957), Les Bas-fonds(1957), Les Salauds dorment en paix (1960), Yojimbo (1961), Entre le ciel et la terre (1963) et Dodes’ka-den (1970). Il s’agit là de la première partie d’une rétrospective des œuvres de Kurosawa que nous pourrons (re)découvrir en salle. Ses films sont également disponibles pour la première fois en éditions Blu-ray et DVD, en HD chez Wild Side.
Fernand Garcia