Le cadavre d’une jeune femme, en partie brûlé, est retrouvé dans l’épave de Chevrolet abandonnée sur une plage. L’inexpérimenté inspecteur Ramsey, tout juste sortie de l’école de police, mène l’enquête. Un marginal est vite suspecté et mis en examen. Pourtant la résolution de l’affaire laisse perplexe un inspecteur à la retraite, qui devant les failles de l’enquête décide de poursuivre les investigations.
L’Affaire de la fille au pyjama jaune est une curiosité dans l’univers du giallo, il emprunte à plusieurs genres. Point de tueur psychopathe, victime d’un trauma d’enfance dans le film de Flavio Mogherini, mais une intrigue policière assez traditionnelle. Un drame de la jalousie plus qu’une analyse d’un cas pathologique. Le film met en parallèle l’enquête policière sur la mort de la jeune fille et une chronologie des événements qui ont abouti à la tragédie.
Le grand intérêt de L’Affaire de la fille au pyjama jaune est d’avoir situé son histoire dans une communauté d’immigrés européens installés en Australie. Glenda Blythe (Dalila Di Lazzaro), une jeune femme néerlandaise, travaille comme serveuse dans un bateau-restaurant pour touristes. Son mari italien (Michele Placido) supporte mal l’éloignement de la terre natale et encore plus mal les supposées infidélités de sa femme. Or celle-ci entretient des relations extraconjugales avec deux hommes des classes sociales totalement différentes. L’un est le meilleur ami de son mari, un danois (Howard Ross), ouvrier dans une usine. L’autre est un distingué professeur d’université (Mel Ferrer) bien plus âgé qu’elle, marié, bon père de famille. La jeune femme aspire à sortir de sa petite condition d’immigrée invisible et exploitée. Mais tout la ramène inexorablement à son micro-monde et, dans ce pays si vaste, elle reste prisonnière de sa condition, de femme et d’immigrée.
Le film tire ses meilleurs moments et toute sa force des rapports qui unissent Glenda à ses « hommes ». Le seul moment teinté de sincérité que va connaître et dont va se souvenir la jeune femme, est l’esquisse d’une relation homosexuelle à laquelle elle va se refuser.
Le film prend fait et cause pour la jeune femme et se mue en une critique du machisme. De son affirmation la plus grossière, les propos dégradants, les posters porno aux murs, etc. à celle plus « subtile » et « normalisé » du professeur et des policiers. Dans ce contexte, l’exhibition nue du corps de la victime par la police, crée un vrai malaise. Un voyeurisme malsain se dégage de cette longue séquence. Une sorte de viol postmortem, où la jeune femme est réduite à un simple corps, à un objet purement sexuel.
La principale qualité de L’affaire… réside dans son excellent casting. Aux côtés des vétérans du cinéma américain, Ray Milland et Mel Ferrer, qui allaient à l’époque de série B en unitaire télé, on retrouve d’excellents acteurs du cinéma italien.
Dalila Di Lazzaro compose une immigrée tout à fait convaincante. Michele Placido donne chair à un personnage torturé, jaloux, veule, impulsif et influençable, enfoncé dans les limites d’une moralité castratrice – il est excellent. Howard Ross incarne une sorte de double maléfique du mari. Physiquement son contraire, blond aux yeux bleus, c’est une force de la nature. Mel Ferrer avec sa prestance naturelle est à mille lieues de ce lumpenprolétariat, son professeur n’est qu’un jouisseur qui profite « gratuitement » de la belle néerlandaise.
Resté inédit sur les écrans de l’hexagone, L’Affaire de la fille au pyjama jaune est l’œuvre d’un ex-décorateur et costumier passé à la réalisation, Flavio Mogherini. De 1972 à 1994, il dirige quatorze films, dont un seul aura les honneurs d’une sortie discrète en France : Pour aimer Ophélie, coproduction oblige. Sa mise en scène est fonctionnelle sans traits de génie baroques inhérents au genre. L’ensemble se suit sans déplaisir. La musique de Riz Ortolani lorgne sans vergogne du côté du disco, alors en plein boom. Les deux chansons, qui reviennent en leitmotiv, sont interprétées par l’une des reines des night-clubs Amanda Lear, créant au sein du film un étrange décalage.
Le Chat qui fume nous propose en complément de programme un très instructif Giallo en Australie, produit par Freak-O-Rama. L’acteur Howard Ross y évoque le tournage, la grande liberté que Flavio Mogherini donnait à ses acteurs sur le plateau. Nous y apprenons au passage que Dalila Di Lazzaro est doublée pour les scènes de nu, ne se trouvant pas assez en forme pour les assumer !
Fernand Garcia
L’Affaire de la fille au pyjama jaune est édité par Le Chat qui fume dans une très belle édition digipack 3 volets avec en complément de programme Giallo en Australie, un entretien avec Howard Ross réalisé par Federico Caddeo. Le film annonce de L’Affaire… ainsi que ceux de la collection giallo (Journée noire pour un bélier, Le venin de la peur et L’Antichrist).
L’Affaire de la fille au pyjama jaune (La Ragazza dal pigiama giallo), un film de Flavio Mogherini avec Ray Milland, Dalila Di Lazzaro, Michele Placido, Howard Ross, Ramiro Oliveros, Mel Ferrer, Fernando Fernan Gomez, Vanessa Vitale, Monica Rey. Scénario : Flavio Mogherini & Rafael Sanchez Campoy. Directeur de la photographie : Raul Artigot. Décors : Franco Velchi. Montage : Adriano Tagliavia. Musique : Riz Ortolani. Producteur : Giorgio Salvioni. Production : Zodiac (Rome) – Picasa (Madrid). Italie-Espagne. 1977. Couleur. Format image : 1.85 :1. 16/9e. 97 mn.