L’œuvre de Wes Craven est marqué sous le sceau de la psychanalyse pour ses meilleurs films. Il débute en 1972 par un film sauvage, La dernière maison sur la gauche (The Last House on the Left), relecture en pleine guerre du Vietnam de La Source d’Ingmar Bergman. Film brutal, où Craven fusionne dans son personnage féminin principal les caractères de la fille violée et du père vengeur du film du maître suédois. Cinéma de l’extériorisation des peurs, des fantasmes et des frustrations, les meilleurs films de Wes Craven explore la psyché féminine. Inscrit dans un genre à code ultra-défini, le fantastique et l’horreur, et à pure vocation commerciale, Wes Craven fait œuvre d’artisan et s’astreint à une certaine tenue psychologique. Rigueur scénaristique et profondeur humaine des personnages lui permettent de surnager dans l’environnement d’un cinéma d’exploitation.
A la suite du succès inattendu de La dernière maison sur la gauche, Craven creuse son sillon avec l’étrange La Colline a des yeux (The Hills Have Eyes, 1977) dans un esprit assez proche de celui de Tobe Hooper et de son fabuleux Massacre à la tronçonneuse (1974). Craven accède à une notoriété mais reste catalogué comme un cinéaste déviant et ses films comme de sombres slashers pour un public malsain à la recherche de sensations fortes. Entre ses deux films, Craven réalise sous le pseudonyme d’Abe Snake un film pornographique The Fireworks Woman (1975) sur les désirs « coupables » d’une jeune femme jusqu’à sa rencontre avec le diable lui-même (incarné par Wes Craven). A la fin des années 70, il réalise pour la télévision L’Eté de la peur (Stranger in Our House/Summer of Fear, 1978) avec la possédée de L’Exorciste, Linda Blair; le film connaît une diffusion en salles. Deux films dans les années 70, si l’on excepte The Fireworks Woman, et un téléfilm, Wes Craven tente de sortir de son statut de cinéaste marginal.
Les années 80 lui permettront d’accéder à une notoriété plus grand public. Le ferme de la terreur (Deadly Blessing, 1981) avec la jeune Sharon Stone s’inscrit dans un courant plus traditionaliste dans la forme, mais décrit en filigrane les dérives sectaires, thème que l’on retrouvera fréquemment dans son œuvre. La créature du marais (Swamp Thing, 1982) est interprétation classique du personnage de monstre en milieu aquatique. Wes Craven entre dans le mainstream du genre et les portes des festivals spécialisés s’ouvrent à lui. Retors Craven revient à ses premiers amours autant par opportunisme que par affirmation de son cinéma trash, La Colline a des yeux 2 (The Hills Have Eyes part II, 1984) mélange foireux de la rage de ses débuts et des épouvantables conventions du cinéma d’exploitation des années 80. Le film est un échec sur tous les plans.
C’est l’incontournable Les Griffes de la nuit (A Nightmare on Elm Street, 1984) qui réussit la synthèse de tout l’acquis de Wes Craven. Dans ce film à destination d’un public adolescent friand de films d’horreur, Craven truffe son scénario d’éléments psychanalytiques liés aux peurs du passage de l’enfance à l’adolescence. Le film est un énorme succès et donne naissance à une franchise en faisant de son personnage de pédophile, Freddy Krueger, le cauchemar des millions d’adolescents.
Son nom devient synonyme de film d’horreur. Il alterne les réalisations pour le grand et pour le petit écran. Deux films sont à retenir de cette période de la fin des années 80 et du début des années 90, le drolatique Shocker (1989), qui par le biais d’un film de genre s’oppose à la peine de mort dans une Amérique qui la pratique à tour de bras et Le Sous-sol de la peur (The People Under the Stairs, 1991), métaphore d’une société qui s’accommode de toutes les saloperies.
Scream est en 1996 un choc. Cet excellent scénario de Kevin Williamson est une formidable réalisation de Wes Craven, très certainement sa meilleure. La scène d’ouverture, une jeune femme au téléphone, alors que rode un tueur, est un modèle de mise en scène. Ce jeu de rôles mortels porte en lui toutes les préoccupations du cinéaste et s’interroge sur le rôle de la fiction dans une société saturée de représentations. Scream donne naissance à une franchise que Craven contrôlera toujours face à ses tyranniques producteurs les frères Weinstein.
Ses succès permettent à Wes Craven un film hors genre, La Musique de mon cœur (Music of the Heart, 1999) avec Meryl Streep, mélodrame s’appuyant sur le destin d’une professeur de musique luttant pour la survie de son école. Le film ne rencontre pas son public, mais Meryl Streep obtient une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. En 2011, il retrouve Kevin Williamson pour son dernier film, Scream 4. L’œuvre de Wes Craven, comme pour beaucoup de cinéastes de genre des années 70, est à revisiter en tenant compte des évolutions et des bouleversements de l’époque.
Wes Craven est né le 2 août 1939 et décédé le 30 août 2015.
Fernand Garcia
Wendy Robie, Wes Craven et Everett McGill sur le tournage du Sous-sol de la peur.