Cinéaste rare, Jim McBride est l’auteur d’une poignée de films peu ou mal distribués en France, à ce titre la sortie DVD de The Big Easy chez Sidonis / Calysta est un véritable événement.
Une jeune assistante du procureur général, Anne Osborne (Ellen Barkin) est chargée d’une enquête sur la corruption au sein de la police. Elle s’installe dans les locaux de la police et fait la connaissance d’un jeune lieutenant Remy McSwain (Randy Quaid). Il enquête sur des meurtres qui frappent la pègre locale et ne prend pas très au sérieux les investigations de la jeune femme. Beau parleur et séducteur, McSwain agit comme si le monde lui appartenait.
Anne Osborne est de nature distante, complexé, opiniâtre et incorruptible. Ils tombent sous le charme l’un de l’autre. Mais très vite des tensions naissent mettant à mal leur relation amoureuse.
Sur un postulat des plus classiques, la corruption en milieu policier, The Big Easy en offre une variante passionnante. The Big Easy alterne avec un rare bonheur des scènes de pure comédie avec le réalisme brute de l’enquête policière. Jim McBride se permet une combinaison inédite dans le genre. D’un côté, la Screwball Comedy, rapidité et intelligence des dialogues, situations burlesques centrées sur un couple, de l’autre, la Nouvelle Vague, liberté de ton, nonchalance de l’interprétation, approche réaliste et utilisation de la musique comme ponctuation. Pari risqué de mise en scène, totalement réussi. The Big Easy est la rencontre du cinéma de Capra / Hawks / Walsh avec celui de Truffaut / Godard / Bertolucci. L’autre grande idée de Jim McBride est de situer son intrigue à la Nouvelle-Orléans, la ville elle-même étant un mixte de culture américaine et française. Un autre élément est tout à fait étonnant dans le contexte du cinéma américain, les scènes d’amour. Elles échappent à la forme convenue des relations sexuelles hétérosexuelles basiques, et sont d’une liberté de ton des plus réjouissantes.
The Big Easy fonctionne grâce au formidable couple que constituent Dennis Quaid et Ellen Barkin. Dennis Quaid est formidable en jeune lieutenant imbu de lui-même qui découvre au fil du récit la toile d’araignée qui l’emprisonne dans des certitudes biaisées. Il trouve là le meilleur rôle de sa carrière. Ellen Barkin n’est pas en reste. Avec un sens du jeu, d’une grande variété de nuances sans excès, elle est une jeune procureur impeccable et une femme soumise à toutes les contradictions des sentiments. The Big Easy est son premier grand rôle en tête d’affiche. Elle accèdera à une véritable reconnaissance publique par le biais d’un autre polar, Mélodie pour un meurtre (Sea of Love, 1989) au côté d’Al Pacino et d’une comédie Dans la peau d’une blonde (Switch, 1991) d’un maître en la matière, Blake Edwards. A ce duo virtuose s’ajoutent de remarquables seconds rôles dont l’excellent Ned Beatty (le Citadin violé de Délivrance), truculent et ambigu, flic proche de la retraite et John Goodman en flic parano et raciste. Ils sont tous admirablement dirigés par Jim McBride.
The Big Easy est un pur moment de plaisir.
Fernand Garcia
The Big Easy est édité dans une très belle copie restaurée chez Sidonis / Calysta avec deux bonus passionnants et complémentaires, un premier revient sur le film et la carrière de Jim McBride par M. Cinéma de Minuit, Patrick Brion et un second sur les rapports entre le film et le genre par François Guérif.
The Big Easy (Le flic de mon cœur), un film de Jim McBride avec Dennis Quaid, Ellen Barkin, Ned Beatty, John Goodman, Lisa Jane Persky, Ebbe Roe Smith, Tom O’Brien, Charles Ludlam, Grace Zabriskie, Marc Lawrence. Scénario : Daniel Petrie Jr. Directeur de la photo : Affonso Beato. Décors : Jeannine Oppewall. Montage : Mia Goldman. Musique : Brad Fiedel. Producteur : Stephen J. Friedman. Production : Kings Road Entertainment. USA. 1986. Couleurs. 1,85 :1. Ratio 16/9. 102 mn. Grand Prix du Festival du film policier de Cognac.