Les Colombiens en froid avec le cinéma
Essor économique, émergence d’une nouvelle génération de cinéastes, développement de complexes cinématographiques et tarifs attractifs, tous les feux sont au vert pour que les Colombiens se passionnent pour le 7e art. Alors, qu’est ce qui cloche ?
Conflits armés, drogues et violence, des thèmes récurrents à la société colombienne, mais aussi trop souvent assimilés au cinéma national. Soñar no cuesta nada (Rêver ne coûte rien) de Rodrigo Triana, sorti en 2006, est l’un des plus gros succès, avec ses 1,2 millions d’entrées. La corruption et la violence ont la part belle dans cette fiction et cela déplaît fortement aux Colombiens. Comme si les réalisateurs ne savaient pas faire autre chose.
La domination des blockbusters américains
Depuis quelques années, la production nationale explose : moins de huit films par an au milieu des années 2000 et une grosse trentaine aujourd’hui. On comptait 147 écrans en 2002 et 749 en 2013.
Une production qui voit à l’oeuvre une nouvelle génération de cinéastes. Petit à petit, la Colombie essaye de changer son image. Des fictions connectées à la réalité du pays apparaissent. Pour autant, les longs-métrages nationaux peinent à exister face à l’omniprésence du cinéma yankee en Amérique latine. Les blockbusters hollywoodiens inondent les cinémas nationaux. Malgré un renouvellement thématique, les films colombiens subissent le même sort et ne réussissent pas à fidéliser les spectateurs. Le public semble davantage passionné par les bulldozers à suites comme Iron Man et Batman. Pourtant le nombre de salles et leur fréquentation sont en augmentation constante.
Le cinéma loin derrière la télévision
Selon une étude de 2012, l’industrie cinématographique est le dernier média consommé, loin derrière la télévision.
http://www.elespectador.com/noticias/cultura/cine-colombia-crece-impopularidad-articulo-386516
Un manque d’intérêt manifeste, qui contraste avec une production filmique en nette évolution et des tarifs attractifs. Aujourd’hui, les Colombiens ne vont que très peu au cinéma, préférant regarder un film à la télé ou même sur l’ordinateur. En 2011, la Colombie a totalisé 38 millions d’entrées, soit moins d’une séance par habitant. Un phénomène finalement peu surprenant en Amérique du Sud, tant le petit écran y est omniprésent. Devant l’absence de studios propres au cinéma, les productions sont obligées d’utiliser ceux de la télévision. Des studios d’excellente qualité mais incontournables et qui imposent de fait un style de production. En 2012, l’Etat s’est engagé à construire le premier grand studio de cinéma d’Amérique du Sud, à Medellín, deuxième ville de Colombie. Fin 2014, c’est toujours un projet. Cette avancée primordiale permettrait au 7e art de trouver enfin sa place dans les habitudes nationales face au géant télévisuel.
Histoire de renouer avec le succès de Soñar no cuesta nada. On peut toujours rêver. Il paraît même que ça ne coûte rien.
Alexis Relandeau-Descamps
Article dans le cadre d’un partenariat KinoScript/Preview