Dans un paysage enneigé à l’infini deux silhouettes se détachent. Un homme, Essex (Paul Newman), et sa femme enceinte Vivia (Brigitte Fossey) avancent péniblement. Devant eux, une cité de béton. Des Rottweilers dévorent un cadavre. Une oie sauvage survole le couple. « Je ne savais pas qu’il en restait. » avoue l’homme. Vivia y voit un signe positif du destin. Essex retourne dans la ville. Dans un abri de fortune, ils se reposent. La femme demande à l’homme de lui raconter, une nouvelle fois, la vie dans la ville. Il lui explique qu’elle a vingt-cinq niveaux et se divise en cinq secteurs. Un parc au centre avec un lac, des arbres… Les paroles d’Essex sont réconfortantes, Vivia s’endort paisiblement, heureuse… Dans le secteur Un, où ils pénètrent, survit une maigre population. Au sein de la cité un étrange jeu aux règles mystérieuses occupe les interminables journées des notables, le Quintet. Essex tente d’y prendre part…
L’action se déroule dans un étrange lieu de béton et de glace déshumanisé, où errent des Rottweilers parmi des hommes en déshérences. Dans ce monde qui se fige peu à peu dans une froideur extrême, le jeu du Quintet agit comme un excitant et offre une perspective d’avenir dans un monde, qui touche pourtant à sa fin. Dans cet espace clos, des êtres humains d’origines diverses et à l’identité incertaine survivent dans un « chacun pour soi », qui reproduit à petite échelle les conditions de la catastrophe. Il est évident pour Robert Altman que l’homme n’a jamais agit que pour sa propre destruction s’éliminant petit à petit de la surface de la terre. Au final, l’Homme n’aura été qu’un charognard ne pouvant refréner ses pulsions autodestructrices. Il émane de cette œuvre pessimiste sur le destin de l’humanité un profond sentiment de mélancolie.
Auteur d’une œuvre sur la comédie humaine souvent taxé à tort de cynique, Robert Altman est un observateur d’une grande justesse des dérives de l’être humain et de la société d’hyper-médiatisation et de consommation. Mais c’est par le biais de la science-fiction que l’auteur de M.A.S.H. pousse son analyse de la condition humaine jusque dans ces derniers retranchements. L’excellent distribution cosmopolite de Quintet réunissant : l’américain Paul Newman, la française Brigitte Fossey, l’espagnol Fernando Rey, l’italien Vittorio Gassman, la suédoise Bibi Andersson et la canadienne Monique Mercure entre autres, répond à la vision de Robert Altman, d’une humanité où la solidarité entre les êtres d’où qu’ils viennent à totalement disparu au profit d’un individualisme violent qui ne connait qu’une seule limite, son propre plaisir basé sur l’élimination de l’autre. L’image elle-même, au diapason de cette absence de sentiments chez les personnages, et par un mimétisme avec le propos général, se retrouve contaminée par une sorte de givre qui en mange les bords. L’admirable long plan final traduit parfaitement la disparition de la nature humaine au « profit » du silence relatif de la nature. Une vision optimiste pour la planète, en quelque sorte.
Fernand Garcia
Quintet est disponible pour la première fois en DVD dans la collection Hollywood Legends de ESC Conseils. Il est proposé uniquement en version originale et sans bonus, ce que compense amplement le bonheur d’avoir dans sa DVDthèque ce remarquable film.
Quintet un film de Robert Altman avec Paul Newman, Fernando Rey, Vittorio Gassman, Bibi Andersson, Craig Richard Nelson, Monique Mercure, Nina Van Pallandt. Scénario : Frank Barhydt. Robert Altman et Patricia Resnick. Histoire : Robert Altman, Lionel Chetwynd et Patricia Resnick. Directeur de la photo : Jean Boffety. Musique : Tom Pierson. Montage : Dennis M. Hill. Producteurs : Robert Altman & Tommy Thompson. Production : Lion’s Gate – 20th Century Fox. USA. 1979. Panavision. 1,85 :1. Couleurs. 118 mn.