Cronenberg à propos de la censure

cronenberg photo F. Vila

« On ne sait jamais ce qu’un censeur veut, et bien sûr on s’en fout. Mais pour avoir personnellement souffert de la censure, j’ai toujours pu remarquer que l’on ne pouvait jamais anticiper les reproches des censeurs. D’ailleurs ce serait plutôt dangereux si on y arrivait ! Cela voudrait dire que moi, artiste, j’ai absorbé, intériorisé la censure… Et si vous en êtes arrivé là, cela signifie que vous êtes fini en tant qu’artiste. Car la seule richesse de l’artiste, c’est de pouvoir offrir une liberté intérieure totale, la liberté de son inconscient au spectateur. Ce que j’ai remarqué c’est que la censure était toujours une affaire personnelle. Entre l’artiste et le censeur. Cela n’a rien d’intellectuel ou d’abstrait mais c’est toujours basé sur des rapports de peur et de contrôle. Il n’est jamais question d’esthétique, mais d’une peur panique que les gens reproduisent des choses vues dans mes films. Les censeurs ont donc une appréhension simpliste et pauvre de la psychologie humaine. Le fait d’être censuré est toujours dégradant, humiliant et crée beaucoup de colère. Je ne comprends pas que l’on veuille empêcher des adultes de communiquer les uns avec les autres. D’ailleurs, pourquoi les censeurs seraient-ils autorisés à voir ce qu’ils interdisent aux autres ? Et si c’est si dommageable, nuisible, comment ce fait-il qu’ils n’en souffrent pas ? Sont-ils plus intelligents que le reste ? Il y a donc de l’élitisme mêlé de condescendance dans la censure. On prend les spectateurs pour des adultes infantilisés.
Cependant je suis pour une classification intelligente des films. On ne peut pas tout voir, à n’importe quel âge. Imaginez que des enfants de tous âges puissent entendre chacune de vos paroles d’adultes… »

David Cronenberg

Crash