Un léopard s’échappe d’un cabaret. Des victimes supposées de l’animal son retrouvées. La psychose s’empare d’une petite ville du Nouveau Mexique.
The Leopard Man est le troisième et dernier chef-d’oeuvre du couple Val Lewton (producteur) – Jacques Tourneur (réalisateur), il vient après La féline (Cat People) et Vaudou (I walked with a Zombie). L’homme-léopard est contrairement aux deux précédents films moins un film fantastique qu’un film policier. Il est l’adaptation de l’Alibi noir (Black Alibi) d’un des maîtres du polar, William Irish, écrit sous le pseudonyme de Coornell Woolrich.
L’enquête, que mène Jerry Manning en parallèle de la police, se dilue dans une ambiance fantastique et découle de la peur qu’inspire aux différents personnages la bête qui rôde. Ruelle dans une semi pénombre, lieux déserts, tunnel inquiétant, des bruits qui rompent le silence de la nuit. Tout concours à créer un climat de panique et de menace invisible. Les personnages n’étant pas seulement victimes de leur peur mais d’eux-mêmes, pourtant le mal existe bel et bien et il frappe…
Tourné entièrement en studio, L’homme-Léopard témoigne d’une maîtrise artistique hors pair de Jacques Tourneur. Au fil de scènes parfaitement construites, remarquable travail de montage du futur réalisateur Mark Robson, et utilisation d’une gamme monochromatique d’une force d’évocation sans faille, le film distille une angoisse et un mystère permanent. C’est aussi le reflet d’une époque, nous sommes en pleine guerre mondiale (1943), les lendemains sont incertains. La société civile vit dans l’angoisse, et comme souvent s’il y a une base réelle à cette angoisse, elle plonge rapidement dans l’irrationnel. L’homme-Léopard est cela et bien plus que cela, le film s’interroge sur une société, où domine les relations de classes, où s’affiche des désirs de réussite sociale et/ou financière, mais où les individus sont le jouet non seulement des forces du destins, mais des mesquineries et jalousies, qui tissent les relations humaines. Le film dévoile par petites touches toute la violence et le racisme latent en œuvre dans cette petite ville du Nouveau Mexique, microcosme social d’un pays bien plus grand.
L’homme-Léopard est non seulement un film d’une grande richesse par la variété des thèmes et sous thèmes abordés, mais aussi une œuvre d’une grande virtuosité, où l’utilisation du hors champ, visuel et sonore, atteint une sorte de perfection.
August Tino
L’homme-Léopard (The Leopard Man), un film de Jacques Tourneur avec Dennis O’Keefe, Margo, Jean Brooks, Isabel Jewell, James Bell, Margaret Landry, Abner Biberman. Scénario : Ardel Wray d’après L’alibi noir de Coornell Woolrich (William Irish) . Direction Artistique : Albert S. D’Agostino et Walter E. Keller. Directeur de la Photo : J. Roy Hunt. Montage : Mark Robson. Musique : Roy Webb. Producteur : Val Lewton. Production : RKO Radio Pictures. USA. 1943. Noir et blanc. 66 mn. Collection RKO, Editions Montparnasse.