Prima della Rivoluzione – Bernardo Bertolucci

Adriana Asti Francesco Barilli

Il y a deux choses que j’aime au cinéma : l’élément temps et la lumière.

Toute la vie de Dame O-Haru, jeunesse, âge mûr, vieil­lesse, en 3 000 mètres; l’Allemagne du siècle dernier (le 20e) dans le sublime moyen métrage de Straub; l’unité de temps dans Frontière Chinoise (Seven Women) de Ford : un jour ou deux, comme dans les tragédies; le temps dans les films de Godard, qui sont intemporels…

Et la lumière. On n’oublie pas la lumière d’un film. Il y a une lumière de La règle du jeu, qui annonce le début de la guerre; il y a une lumière de Voyage en Italie, qui annonce L’Avventura d’Antonioni et avec cela tout le cinéma moderne; et une lumière d’A bout de souffle, qui annonce les années soixante. Et je crois qu’il y a aussi, d’une certaine manière, une lumière de Prima della Rivoluzione.

 Barilli

Ce devrait être un film historique; je l’ai tourné en 1963-64, mais l’action se situe en 1962, l’année de la mort de Marilyn Monroe.

Un film historique sur l’ambiguïté et l’incertitude.

Fabrizio, né trop tard pour prendre part à la résistance, et trop tôt pour partager les nouvelles passions des jeunes, est ambigu et incertain; Cesare, son maître idéologique, est ambigu et incertain; même le parti communiste italien de ces années est ambigu et incertain, et la petite bourgeoisie de Parme, où se passe le film est naturellement ambiguë et incertaine. Bref, Prima della rivolu­zione, c’est l’ambiguïté et l’incertitude elles­-mêmes, qui se regardent dans un miroir.

 Asti Francesco

Ce n’avait pas été mon intention. C’est une idée qui est née avec le film lui-même. C’est ce qu’il y a de plus beau au cinéma, en dehors du temps et de la lumière : la création, l’éclosion d’idées pendant le travail, comme tout devient clair autour de tous au moment où la caméra entre en contact avec la réalité, la réalité qui, selon les mots de Pasolini, est déjà en elle-même un long plan-séquence.

Mais la plupart des cinéastes ont encore de faux problèmes. Ils sont comme les gens qui luttent encore contre la tuberculose alors que la stryptomycine a déjà été inventée et que personne ne meurt plus de tuberculose.

Ce que je veux dire par là : il faut redécouvrir chaque fois le cinéma à partir de zéro.

C’est le vrai problème que les cinéastes doivent se poser : qu’est-ce que ça signifie de filmer ?

Une proposition : une loi qui interdise le montage; ou du moins, une loi qui établisse qu’il ne doit pas y avoir plus de vingt coupes dans un film. Et commençons (à propos du son) par dire « allons écouter les images de Week-end » et « allons voir la bande-son du film de Straub sur Bach. »

Bernardo Bertolucci (1968)

PRIMA DELLA RIVOLUZIONE (1964)

Prima della Rivoluzione, un film de Bernardo Bertolucci avec Francesco Barilli, Adriana Asti, Allen Midgette, Morando Marandini, Cristina Pariset, Cecrope Barilli, Gianni Amico. Scénario : Bernardo Bertolucci avec la collaboration de Gianni Amico. Photo : Aldo Scavarda. Camera : Vittorio Storaro. Montage : Roberto Perpignani. Musique : Ennio Morricone. Production : Iride Cinematografica – Cineriz. Noir et blanc. Italie. 1963-64. 115 mn