Une jeune femme, enfermée dans un hôpital psychiatrique est le cobaye d’une expérience scientifique. Derrière une glace sans teint, deux chercheurs, un homme et une femme, observent ses réactions à des stimulations électriques. La jeune femme entre deux revendications incantatoires plonge dans un monde de fantasmes…
Nightdreams est l’une des plus grandes réussites du cinéma pornographique et nous pouvons même ajouter du cinéma tout court. L’action du film est découpée en plusieurs séquences qui chacune renvoie à un genre de cinéma, fantastique, thriller, exotisme, science-fiction, et même au film publicitaire. La séquence des cow-girls autour d’un feu faisant l’amour sur Ring of Fire de réinterprétation de Johnny Cash par Wall of Voodoo est l’un des moments les plus célèbres du film. Mais la plus belle séquence reste celle des cheikhs. Au sol, sur un tapis, une femme nue, derrière elle, quatre hommes fument le narguilé. Deux hommes se lèvent et rejoignent la femme. Elle se donne à eux, tandis que sur la bande son, murmures et paroles indistinctes se mélangent. Comme pour toutes les séquences, il y a une utilisation des éléments de décor, le strict minimum, des costumes et surtout de la lumière tout à fait remarquable. Une seule source de lumière est utilisée, droite cadre par une ouverture, plongeant l’ensemble dans une semi pénombre. Chaque cadre, d’une grande précision, délimite champ dans cet espace réduit. Le montage alternant, plan moyen, gros plan, plongé, est d’une grande fluidité. L’érotisme « oriental » qui émane de cette séquence n’a que peu d’équivalent dans le cinéma, si ce n’est dans certaine page du Thé au Sahara de Paul Bowles. Parfaitement agencé, Nightdreams, progresse avec intelligence dans un renouvellement des scènes érotiques aboutissant à une dernière séquence d’où se dégage une forme de mélancolie devant ce mouvement perpétuel fantasmagorique de recherche du plaisir.
Tourné pour un minuscule budget de 16 000 dollars en 6 jours par une équipe réduite à 6 personnes, Nightdreams, et réalisé sous pseudonyme, comme le précise Stephen Sayadian (photo) « à l’époque faire un film pornographique était un acte illégale ». La plupart des comédiennes que rencontra Sayadian refusèrent le scénario, par chance Dorothy LeMay accepta. Elle est de toutes les séquences et son interprétation est excellente. A la sortie du film dans le circuit X, Sayadian, ce rendit dans une salle et rencontra le gérant. Le film fut un échec, et le gérant lui précisa que pour la première fois de la carrière d’exploitant, les spectateurs demandèrent à être remboursés. Un des spectateurs mécontents alla même jusqu’à des menaces physiques sur le gérant. Nightdreams est au-delà du simple film pornographique, il atteint une vraie dimension de l’art cinématographique, un geste de création.
Fernand Garcia
Nightdreams, film américain de Francis Delia (F.X. Pope) et Stephen Sayadian (Rinse Dream), avec Dorothy LeMay, Loni Sanders, Jennifer West, Kevin James, Paul Berthell, Ken Starbuck, Jacqueline Lorians, Andy Nichols, Danielle, Stephen Sayadian, Michelle Bauer. Scénario : Jerry Stahl (Herbert W. Day) et Stephen Sayadian (Rinse Dream). Photo et production : Francis Delia (F.X. Pope). Couleurs. 1981. 78 mn.