Borom Sarret, est non seulement un film important mais aussi une date dans l’histoire du cinéma. Il s’agit du premier film d’Afrique noir réalisé par un noir, en l’occurrence d’Ousmane Sembène, le père du cinéma africain. Autodidacte, Sembène combat dans les tirailleurs sénégalais durant la Seconde Guerre Mondiale. A la libération, il devient docker à Marseille, adhère à la CGT et prend sa carte au Parti Communiste Français. Persuadé que sans culture on n’est rien, il apprend à lire et à écrire. Il publie à la fin des années cinquante, un roman semi-autobiographique Le Docker noir. Opposé au colonialisme et soutenant les luttes de libération, il rentre au Sénégal à la déclaration de l’indépendance. Il comprend très vite qu’écrire pour une population qui ne sait pas lire ne sert à rien. Le cinéma étant l’art le plus proche de la tradition orale africaine, il décide de suivre une formation en cinéma en Union Soviétique. De retour à Dakar, Ousmane Sembène entreprend la réalisation de Borom Sarret.
Le film raconte, en voix off, la journée d’un jeune charretier, sa vie de misère. Par le biais de son personnage, Sembène, aborde les problèmes de classe, d’urbanisme, de traditions, du modernisme, de la condition de la femme, de la corruption, de la misère, en vingt minutes concises. Borom Sarret est tout simplement un chef-d’œuvre.
Le film tourné en 16 mm a bénéficié d’une remarquable restauration sous l’égide de la World Cinéma Fondation de Martin Scorsese et de l’INA par les Laboratoires Eclair et la Cineteca di Bologna/L’immagine Ritrovata Laboratory et le soutien de la famille et d’Alain, le fils de Sembène. Un pan d’histoire qu’il est bon de voir revenir sur les écrans.
Fernand Garcia
Borom Sarret, un film d’Ousmane Sembène avec Ly Abdoulay, Albourah. Scénario et narration : Ousmane Sembène. Photo : Christian Lacoste. Assistant caméra : Ibrahima Barro. Montage : André Gaudier. Noir et blanc. Sénégal. 1963. Durée : 22 mn. Sélection Cannes Classics. 36e Festival des 3 Continents.