Cinéaste, poète et historien du cinéma, Mark Cousins, nous propose avec A Story of Children and Film, un voyage en 53 films et 25 pays dans l’enfance au cinéma. A Saint-Remy, de la pièce où logeait Vincent van Gogh, Mark Cousins, cadre ce que le peintre hollandais voyait de sa fenêtre. Son espace de vision était réduit, pourtant quelle force et quel univers dans chaque dessin. Des petits autoportraits dont la subtilité chromatique et la beauté du geste renvoie le spectateur à des émotions sans sentimentalisme d’aucune sorte. Chez lui, Mark Cousins pose sa caméra et filme ses deux jeunes neveux, un garçon et une fille. Van Gogh et ses deux neveux vont être le fil conducteur de cette histoire d’enfants dans les films. Ainsi par rapport à la réaction et les attitudes de ses neveux, Mark Cousins, va au fil de l’histoire du cinéma, sans ordre chronologique, retrouver dans différentes cultures et époques, des équivalences. Ainsi nous allons d’Ozu à Spielberg, de l’Afrique à l’ex-bloc de l’Est, du noir et blanc à la couleur, pour développer toute une gamme de sentiments, – la solitude, la joie, l’angoisse -, de dispositifs, – la vie comme une avant-scène -, de rapports de classe et de couleurs à l’instar du peintre hollandais.
Parmi les films retenus se dégagent bien sûr la puissance et l’émotion de certains extraits. Parmi les films les plus célèbres citons, l’œuf que jette l’enfant en direction de la caméra de Los Olvidados de Luis Bunuel, premier acte punk de l’histoire du cinéma d’après Mark Cousins. Les extraordinaires mouvements de caméra et plans fixes du Miroir d’Andreï Tarkovski entremêlent la réalité de l’enfant, ses rêves et les souvenir de l’adulte, qu’il va devenir. L’entrée du conte dans La nuit du chasseur et le voyage des enfants, imparable. Par trois fois, Mark Cousins place E.T. mais hélas celui ne tient pas le choc: la juxtaposition de la scène où l’enfant est contraint par les militaires de quitter l’extra-terrestre avec la séquence de séparation du chef-d’œuvre de Chaplin, The Kid. Mais il y a aussi de très beaux liens, que Mark Cousins analyse avec une grande subtilité, entre Le Rouleau compresseur et le violon de Tarkovski et Kes de Ken Loach. Le grand mérite de A Story of Children and Film est la redécouverte de films peu ou pas connus du grand public, signalons, entre-autres, l’extraordinaire extrait du film de Djibril Diop Mambety, La petite vendeuse de soleil. Le film de Mark Cousins n’est pas une anthologie de l’enfance au cinéma, il n’y a, par exemple, pas un seul film italien, mais plutôt une promenade dans un art qui n’a que 120 ans. Un enfant en somme.
Fernand Garcia
A Story of Children and Film, un film de Mark Cousins. Recherches : Neil McGlone. Scénario : Mark Cousins. Montage : Timo Langer. Producteurs : Mary Bell, Adam Dawtrey. Production : Bofa Productions – BFI – Film4 – HanWay Films Durée : 101 mn. Couleur et noir et blanc. Grande-Bretagne. 2013. Sélection Cannes Classics – Documentaire sur le cinéma.