Entretien avec Laurence Briaud monteuse de Jimmy P. (Psychothérapie d’un indien des plaines). Assistante monteuse sur le premier film d’Arnaud Desplechin La Vie des Morts présenté à la Semaine de la Critique il y a 22 ans, Laurence Briaud a travaillé sur tous ses autres films.
KinoScript : Comment êtes-vous devenue la monteuse attitrée d’Arnaud Desplechin ?
Laurence Briaud : Je n’aime pas beaucoup le terme « attitrée » ! J’ai été assistante monteuse auprès de François Gédigier sur La Vie des Morts, La Sentinelle et Comment je me suis disputé. Martine Giordano puis Hervé De Luze ont monté Esther Kahn sur lequel je suis venue en renfort quelques semaines. Plus tard, Arnaud m’a contacté pour monter Léo, en jouant dans la compagnie des hommes puis tout doucement les films suivants jusqu’au dernier, Jimmy P. qui a été tourné en langue anglaise.
KS : Jimmy P. a été tourné aux Etats-Unis et vous avez monté le film à Paris. Comment avez-vous fonctionné pour les rushes ?
L.B. : Le film a été tourné à Monroe, une ville du Michigan durant 5 semaines, puis pendant une semaine dans le Montana, à Browning, une petite ville qui fait partie de la réserve indienne des Blackfoot. L’équipe de tournage était entièrement américaine à l’exception du directeur de la photo Stéphane Fontaine et d’un assistant. Arnaud voulait tourner en pellicule. Le négatif 35 mm (3 perf) fut développé à New York chez Deluxe qui procéda à la numérisation des rushes. Le laboratoire se chargea ensuite d’envoyer les rushes en France via internet et la société Aspera. A Paris, Digimage récupérait les rushes et les transférait sur des disques durs qui nous étaient livrés à la salle de montage, chez Why Not. Avec l’aide du décalage horaire, ce système nous a permis d’avoir les rushes aussi rapidement que si le tournage avait eu lieu à Paris !
KS : Avez-vous fait un premier bout à bout ou un premier montage en parallèle du tournage? Quelles étaient les directives d’Arnaud Desplechin ?
L.B. : J’ai commencé le montage à Paris une semaine après le début du tournage. Arnaud ne voulait pas voir un premier montage « classique ». Il voulait voir à son retour en France, donc au bout de 6 semaines, un montage qui se rapproche un peu plus que d’habitude de la durée finale du film. Il m’avait dit au téléphone « tu dessines la cour de récréation et après on pourra jouer tous les deux à l’intérieur ». C’était l’idée de dessiner un cadre pour ensuite construire le film. Cela voulait dire faire déjà des choix, par exemple couper du texte, une tache toujours délicate à faire habituellement sans en parler avec le réalisateur au préalable, ou inverser l’ordre de certaines scènes.
KS : Le film traite d’un cas célèbre qui donna naissance à l’ethnopsychanalyse, mais pour mettre en place au niveau du montage cette thérapie, aviez-vous eu des films en référence ?
L.B. : Avant chacun de ses tournages, Arnaud montre un film à toute l’équipe. Pour Jimmy P., il s’agissait de Let there be Light de John Huston de 1946. C’est un documentaire en noir et blanc qui montre le traumatisme (amnésie, paralysie psychologique) des soldats américains de retour de guerre.
KS : Pour Un Conte de Noël, Arnaud Desplechin raconte s’être inspiré du travail de Thelma Schoonmaker, la monteuse de Martin Scorsese, ce fut aussi le cas pour Jimmy P. ?
L.B. : Arnaud n’a pas prononcé son nom pendant le montage, mais peut-être y pensait-il très fort ! Il faudrait lui demander.
KS : A quel moment du montage, vous posez-vous la question du son ?
L.B. : La question du son intervient dès qu’on travaille l’image. Dès le début du montage, J’ai dû solliciter le monteur son, Sylvain Malbrant car j’avais besoin de sons pour travailler certaines séquences. Notamment les scènes « à effets » qui avaient été tournées muettes, par exemple l’arrivée de Devereux à la gare sous une pluie d’orage avec des effets d’éclairs à l’image. Il a fallu rajouter des sons rapidement. Quant au montage son, il a duré 9 semaines et il s’est fait en parallèle des dernières semaines du montage image. Nicolas Cantin s’est occupé lui, du montage des sons directs.
KS : La musique est signée par Howard Shore, c’est sa deuxième composition pour Arnaud Desplechin après Esther Kahn, comment avez-vous procédé avec lui ?
L.B. : L’envie pour Arnaud de travailler avec Howard Shore était là dès le début du tournage. Howard Shore a composé la musique de Jimmy P. après avoir vu le film terminé. Pour le montage, on s’est servi de certaines B.O d’Howard Shore comme de maquette. A la fin du montage, Arnaud s’est rendu à New York pour une séance de « spotting ». Howard Shore et lui ont regardé le film tout en discutant du sens de la musique sur les scènes. Ensuite Howard Shore a écrit la musique. Arnaud est retourné à New York plusieurs fois pour écouter les premières maquettes, puis pour assister à l’enregistrement de la musique.
KS : A quelle étape de travail regardez-vous le montage dans une salle de projection ?
L.B. : La première projection dans une vraie salle a eu lieu environ deux mois après le retour d’Arnaud. Puis les suivantes se font à peu près toutes les 2 semaines.
KS : Assistez-vous au mixage ?
L.B. : Je suis présente au mixage tout en faisant des aller-retour à la salle de montage pour finaliser les trucages, les génériques, l’étalonnage.
KS : Combien de temps a duré le montage et combien y a-t-il de plans dans Jimmy P. ?
L.B. : Environ 8 mois et à mon souvenir il y a 1 400 plans dans le film.
KS :Le montage final de Jimmy P. s’éloigne-t-il beaucoup du scénario d’origine ?
L.B. : Beaucoup, je ne sais pas. Il y a déjà parfois une petite différence entre ce qui est écrit et ce qui est tourné, puis au montage certaines scènes ont été supprimées.
KS : Avez-vous déjà un autre projet avec Arnaud Desplechin ?
L.B. : Chut !!!!
Jimmy P. (Psychothérapie d’un indien des plaines) un film d’Arnaud Desplechin Montage : Laurence Briaud. Post – Production : Béatrice Mauduit. Monteur son : Sylvain Malbrant. Monteur paroles : Nicolas Cantin. Bruiteur : Philippe Penot. Mixeur : Stéphane Thiébaut. Assistantes montage : (en alternance) Julie Lena, Laure Meynet et Marie Estelle Dieterle. Directeur de la photographie : Stéphane Fontaine. Etalonneuse : Isabelle Julien. Développement négatif 35 mm : Deluxe (New York) ; Scan, conformation image, étalonnage : Digimage (Montrouge). Mixage : Technicolor Boulogne (Boulogne Billancourt). Vfx : Mikros Image (Levallois-Perret). Durée : 1h56 Sortie le 11 Septembre 2013.
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