La section « Restaurations et Incunables », propose une sélection de raretés incontournables et de restaurations menées récemment en France et dans le monde. Un programme éclectique par nature qui, des classiques aux trésors cachés, comprend des projections de grands films absents des écrans depuis longtemps et des ciné-concerts. Cette section qui réunit aussi bien des classiques hollywoodiens, des films d’auteurs, des films muets, des films expérimentaux ou encore des films documentaires, met principalement en valeur le travail des archives, des ayants droit et des laboratoires.
Section « Restaurations et Incunables » partie 3/3 :
Tamango (1957) de John Berry d’après la nouvelle Tamango de Prosper Mérimée – 98 min – Avec Alex Cressan, Curd Jürgens, Dorothy Dandridge…
Séance en partenariat avec la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. L’évocation d’une révolte d’esclaves sur un négrier.
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Adaptation d’une nouvelle de Mérimée, la révolte d’un groupe d’esclaves africains, à bord d’un navire négrier aux conditions inhumaines. Marqué par la censure et les divisions politiques en pleine période de décolonisation, avant Queimada (1969) de Gillo Pontecorvo et Mandingo (1975) de Richard Fleischer, Tamango reste aujourd’hui un témoignage précieux sur les horreurs de la traite des Noirs et sur la complexité des rapports entre la France et ses anciennes colonies. Malgré un accueil critique très réservé lié à sa dimension politique, avec plus de 2 millions d’entrée en France (hors outre-mer où l’interdiction du film a déclenché une vive polémique), Tamango sera un succès public.
Restauration 4K par StudioCanal, avec la participation du CNC, au laboratoire TransPerfect. Séance présentée par Armelle Chatelier, responsable culture à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et Souria Adèle, comédienne.
Trois sublimes canailles (Three Bad Men, 1925) de John Ford d’après le roman Over the Border de Herman Whitaker – 92 min – Avec George O’Brien, Olive Borden, Lou Tellegen, J. Farrell MacDonald…
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En 1870, trois hors-la-loi recherchés décident de se joindre à la rue vers l’or. En chemin, ils prennent sous leur protection une jeune fille du Sud égarée.
« Il y avait dans le film une course à la terre et plusieurs membres de notre équipe avaient participé à une course du même genre. Ils étaient à l’époque des enfants et s’y trouvaient avec leurs parents. J’en ai profité pour parler avec eux. Ainsi, l’incident du bébé ou le journaliste qui participe à la course avec sa presse et imprime les nouvelles au cours de celle-ci ont réellement existé. Nous avons tourné la scène en deux jours. » John Ford.
Pendant la ruée vers les terres du Dakota en 1876, trois hommes viennent au secours d’une jeune femme dont le père vient d’être tué. Les « bad men » du titre original sont en réalité trois gentils méchants, qui l’aideront à se venger d’un shérif corrompu. Avec ses superbes chevauchées, ses paysages grandioses et ses intertitres qui font mouche, l’un des meilleurs westerns muets de Ford, et l’un des plus méconnus.
Restauration 4K par le MoMA avec le soutien du Celeste Bartos Fund for Film Preservation. Accompagnement musical par Nicolas Giraud et Gabriel Cazes.
Tueur de flics (The Onion Field, 1979) de Harold Becker, d’après le roman The Onion Field de Joseph Wambaugh – 122 min – Avec John Savage, James Woods, Franklyn Seales, Ted Danson, Ronny Cox…
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A Los Angeles, deux malfaiteurs sont surpris par deux agents de police lors d’un banal contrôle. Capturés, les deux officiers sont amenés dans un champ afin d’y être exécutés, mais l’un d’eux réussit à s’échapper.
D’après un fait divers survenu en 1963 en Californie, la prise d’otage de deux policiers par deux malfrats dans un champ d’oignons. Avec une approche documentaire, l’exploration des traumatismes psychologiques et des dilemmes moraux d’un crime qui bouleverse la vie des différents protagonistes. Imprévisible, froid, machiavélique, James Woods livre une performance énorme, qui lance sa carrière.
Restauration 4K par StudioCanal. Ressortie en salles par Tamasa sous le titre The Onion Field. Séance présentée par Jean-Baptiste Thoret.
Le Vent (The Wind, 1928) de Victor Sjöström d’après le roman The Wind de Dorothy Scarborough – 72 min – Avec Lillian Gish, Lars Hanson, Dorothy Cumming, Montagu Love…
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Le vent ne cesse de souffler dans cette région du désert américain ou une jeune fille récemment devenue orpheline, Letty, vient s’installer chez ses cousins. Poussée par une parente jalouse, elle épouse un modeste cow-boy, Lige. Tandis que celui-ci part en expédition, laissant seule sa femme, monte une tempête de sable. Livrée a elle-même, Letty est rejointe par un ancien soupirant.
« Étrange film qui est très éloigné du romanesque des films de Hollywood, tout proche des thèmes de Pabst, du naturalisme implacable, du sens de la nature des Nordiques et de la complexité de sujets auxquels seule la littérature nous avait habitués jusqu’alors. Le Vent est une alliance admirable de toutes les qualités du cinéma suédois et du meilleur du cinéma américain. Lars Hanson y côtoie Lillian Gish et le cheval fantôme des Rocheuses y évoque sans cesse les rennes fous de Stiller. » Henri Langlois.
Chef-d’œuvre de la fin du muet avec Lillian Gish, confrontée à l’isolement et aux éléments impitoyables du désert texan. Omniprésent et menaçant, le vent devient un personnage à part entière, symbole des pressions qui accablent l’héroïne, venue vivre dans le ranch de son cousin. Au sommet de son art, Sjöström signe une œuvre d’une intensité dramatique rare, visuellement époustouflante. Un monument de l’histoire du cinéma muet. Somptueux.
Restauration 4K par le MoMA, avec le soutien du Lillian Gish Trust for Film Preservation. Clôture du Festival. Ciné-concert. Accompagnement musical Delphine Dora, Mocke et Emmanuelle Parrenin.
Viol en première page (Sbatti il mostro in prima pagina, 1972) de Marco Bellocchio – 88 min – Avec Gian Maria Volonté, Fabio Garriba, Jacques Herlin, Laura Betti…
Le rédacteur en chef d’un grand quotidien milanais exploite un fait divers à des fins politiques.
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Quatrième long métrage d’une filmographie militante, qui voit le rédacteur en chef d’un quotidien milanais choisit d’exploiter un fait divers à des fins politiques. Dans un mélange de fiction et d’images documentaires, le film dénonce sans détour tous les rouages d’une classique manipulation médiatique. Viol en première page s’inscrit en outre dans un courant politiquement engagé (ouvertement à gauche) de la cinématographie italienne du début des années 1970. Acteur emblématique de cette veine, Gian Maria Volonté incarne un personnage au cynisme tout à fait comparable à celui qu’il joua dans le film oscarisé Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (1970) d’Elio Petri. Bellocchio signe ici un thriller implacable sur la désinformation et la manipulation médiatique, où la démocratie se disloque lentement.
Restauration 4K par la Fondazione Cineteca di Bologna, en collaboration avec Surf Film et Kavac Film, sous la supervision de Marco Bellocchio. Négatifs originaux image et son scannés par Augustus Color et restaurés par le laboratoire L’Immagine ritrovata en 2024. Séance présentée en vidéo par Marco Bellocchio.
Les Voyous (Los Golfos, 1959) de Carlos Saura – 84 min – Avec Manuel Zarzo, Luis Marín, Juanjo Losada, Oscar Cruz…
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L’histoire d’un groupe de vauriens, désœuvrés, marginalisés par une société qui en finit avec sa crise, et dont l’avenir consiste à financer l’ambition d’un des leurs de devenir toréador, à se donner à travers un héros une raison de vivre.
Portrait d’un groupe de délinquants de la banlieue madrilène ; ou l’impossible conquête du centre-ville par les plus démunis. Inspiré de la Nouvelle Vague française et du néoréalisme italien, le premier long métrage de Saura subit les coupes de la censure franquiste. Sa restauration propose aujourd’hui une nouvelle version, fidèle à l’œuvre originelle qui révolutionna le cinéma espagnol d’après-guerre.
Les Voyous a été présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 1960. Restauration 4K en 2024 par la Filmoteca española, en collaboration avec Films 59, au laboratoire Digital and Electronic Systems.
Lorenza Mazzetti :
Incursion dans l’œuvre singulière de l’Italienne Lorenza Mazzetti, à travers ses trois courts métrages anglais, récits introspectifs qui invitent à explorer l’absurdité de la vie, la perte de raison et le mal-être dans le monde de l’après-guerre. Un univers qu’elle emprunte à Kafka, à l’aube du Free Cinema, dont elle jette les fondements aux côtés de Lindsay Anderson et Tony Richardson.
The Country Doctor (1953) de Lorenza Mazzetti – 11 min – Avec Victor Willing…
Un médecin appelé au chevet d’un patient au mal incurable. Adaptation d’une nouvelle de Kafka, une perle surréaliste et cauchemardesque, qui refait surface après 70 ans de disparition. Restauration par le BFI.
K (1954) de Lorenza Mazzetti d’après le roman La Métamorphose de Franz Kafka – 29 min – Avec Michael Andrews, Claude Rogers, Mary Rava…
La terreur animale d’un homme qui, un matin, se réveille sans pouvoir quitter son lit. Un essai d’avant-garde, que Mazzetti tourne clandestinement pendant ses études à la Slade School of Art, comme un récit d’aliénation, inspiré de La Métamorphose de Kafka. Restauration par le BFI.
Together (1955) de Lorenza Mazzetti – 52 min – Avec Eduardo Paolozzi, Michael Andrews…
Déambulation dans l’East End londonien, sur les pas de deux dockers sourds-muets. Considéré comme l’un des tout premiers films du Free Cinema, Together reçoit la Mention spéciale du Film de recherche au Festival de Cannes. Restauration par le BFI.
Cinq jours durant, dans 9 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Christine Cinéma Club, L’Ecole Cinéma Club, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Centre Wallonie-Bruxelles) le Festival de la Cinémathèque propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son douzième anniversaire.
Le Festival de la Cinémathèque (ex « Toute la mémoire du monde »), le Festival international du film restauré fête ses 12 ans avec une riche sélection de restaurations prestigieuses accompagnées d’un impressionnant programme de rencontres, de ciné-concerts et de conférences.
Moment privilégié de réflexion, d’échange et de partage qui met l’accent sur les grandes questions techniques et éthiques qui préoccupent cinémathèques, archives et laboratoires techniques mais aussi, bien évidemment (on l’espère encore !), éditeurs, distributeurs, exploitants et cinéphiles, le Festival de la Cinémathèque, né dans le contexte de basculement du cinéma dans l’ère du numérique, propose une fois de plus, cette année encore, une programmation exceptionnelle en donnant à voir aux spectateurs les chefs d’œuvre comme les œuvres moins connues (curiosités, raretés et autres incunables) du patrimoine du cinéma. Avec toujours un élargissement « Hors les murs » dans différentes salles partenaires de la manifestation à Paris et banlieue parisienne, puis, dans la continuité du festival francilien, en partenariat avec l’ADRC (Agence nationale pour le développement du cinéma en régions), plusieurs films qui tourneront après le festival dans des cinémas en régions, pour sa douzième édition, le Festival International du film restauré, renommé depuis l’année dernière « Festival de la Cinémathèque », s’affirme comme étant l’immanquable rendez-vous dédié à la célébration et à la découverte du patrimoine cinématographique mondial.
Créé par La Cinémathèque française en partenariat avec le Fonds Culturel Franco-Américain et Kodak, et avec le soutien de ses partenaires institutionnels et les ayants droit essentiels aux questions de patrimoine, ce festival est incontournable pour les cinéphiles passionnés, les amoureux du patrimoine cinématographique, les archivistes, les historiens, les chercheurs et autres curieux. Riche et foisonnante, la programmation du festival nous propose un panorama très éclectique des plus belles restaurations réalisées à travers le monde et salue ainsi non seulement le travail quotidien des équipes des différentes institutions, mais nous fait également prendre toute la mesure de la richesse incommensurable de cet Art qui n’a de cesse de témoigner tout en se réinventant tout le temps.
Afin de ne rien manquer de cet évènement, rendez-vous à La Cinémathèque française et dans les salles partenaires du festival du 5 au 9 mars.
Steve Le Nedelec
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Festival de la Cinémathèque : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.
Festival de la Cinémathèque – 12ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 5 au 9 mars 2025 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».