Elias Combes (William Lebghil) n’a pas le moral. Écrivain sans le sou, il est seul en ce soir de réveillon. Alors que la nouvelle année 1977 se profile, Elias déprime. Il n’est qu’un nul qui n’aura jamais le Nobel de littérature pour ses idées à la con couchés sur le papier. Par la fenêtre de son appartement, il voit des constellations de flocons blanchir Paris. Elias, désespéré, enjambe la balustrade et saute dans le vide… Son suicide est aussi raté que ses derniers écrits, Elias habite au rez-de-chaussée…
Il n’est pas si simple de diriger une comédie musicale. Il faut réussir à maintenir un équilibre souvent délicat entre la parole et l’entrée du chant dans le plan. L’ensemble visuel doit immédiatement immerger le spectateur dans un univers à mi-chemin entre réalité et artifice. Diastème, avec une esthétique peut-être désuète pour le XXIe siècle, réussit pourtant à livrer avec Joli Joli un spectacle absolument charmant auquel on adhère avec gourmandise.
Joli Joli s’ouvre sur un mélange subtil de tragique et de comique, accentué par la beauté de décors factices et kitsch (le film étant entièrement tourné en studio). Dans un bar, Léonore (Clara Luciani), une mystérieuse inconnue, porte un toast « à la paix dans le monde » avec Elias. C’est le coup de foudre. Après une nuit d’amour, Elias découvre, par sa femme de ménage, Myrette (Laura Felpin), amoureuse transie de lui, que Léonore est en réalité une actrice de cinéma. Leur histoire d’amour démarre alors, pleine de malentendus, oscillant entre peine et espoir. Le film souligne que chacun a droit à un grand amour, même si les chemins pour y parvenir sont souvent sinueux.Joli Joli fonctionne sur les code de la comédie musical en jouant sur une rencontre entre l’univers de Frank Capra et celui de Jacques Demy.
Le film se déroule en 1977, une année marquante pour le cinéma, une époque où régnait encore une véritable envie de vivre le cinéma intensément, aussi bien du côté des cinéastes que des spectateurs. C’était l’époque où Cinecittà, haut lieu du cinéma, conservait son aura mythique. Dans la logique de son récit, Diastème abandonne les rues bleutées et enneigées de Paris pour la chaleur dorée d’un plateau romain. Ce contraste de lieux devient un miroir inversé des vies affectives des personnages : un amour brûlant se consume sous la neige, tandis que la dépression amoureuse s’épanouit sous l’incandescence des projecteurs. Tous cherchent désespérément l’amour, mais se heurtent à des obstacles.
La belle actrice tourne un film, Joli Joli, sous la direction d’un metteur en scène, Gabriel Faure (Grégoire Ludig), éperdument sous le charme de son acteur, Sacha Loyaco (Vincent Dedienne). Le scénario du film est écrit par Elias, qui, par les jeux pervers de l’amour, n’arrive pas à joindre la comédienne, bloqué par les manigances de Myrette. Sentant l’abandon de l’écrivain, l’actrice devient l’objet d’un amour non réciproque de la part du producteur, Klaus (José Garcia). Tous ces personnages sont engagés dans une quête effrénée d’amour. Qu’il s’agisse d’amours entre hommes, entre femmes ou entre hommes et femmes. L’amour est un est le plus fort des carburants.
Joli Joli fredonne une mélodie profondément nostalgique. Il ressemble à une boule à neige que l’on secoue, faisant revivre une succession d’images gravées sur la rétine. Les Parapluies de Cherbourg, La Vie est belle, Amarcord, Chantons sous la pluie, Le Mépris, et tant d’autres films se rappellent à notre mémoire à travers ce geste cinéphile.
L’humour n’est pas absent, comme en témoigne cette scène savoureuse où le réalisateur, excédé par l’apparition intempestive de la perche dans le cadre, part réprimander la perchwoman italienne. Mais sa colère s’apaise lorsqu’il découvre qu’elle a travaillé avec Federico Fellini. Le temps semble suspendu, et tandis que les souvenirs de ces films fabuleux lui reviennent, il lui demande, avec l’enthousiasme d’un enfant les yeux pleins d’étoiles : « As-tu travaillé sur 8 ½ ? »
Le dernier acte du film se déroule lors de l’avant-première de Joli Joli sur les Champs-Élysées. Dans le hall du cinéma, des affiches de quelques titres de 1977 sont exposées : Annie Hall, Providence, L’homme qui aimait les femmes, et même La Coccinelle à Monté-Carlo. En raison d’un oubli de Myrette, qui n’a pas inscrit le nom de la salle sur les cartons d’invitation, aucun invité ne se présente. Il faut dire qu’à l’époque, le choix ne manquait pas pour les spectateurs. Les cinémas étaient nombreux sur la plus belle avenue du monde : le Marignan, le Triomphe, l’Ambassade, le Colisée, le Mercury, etc. Aujourd’hui, ce formidable paysage culturel c’est transformé en un champ de bataille perdu. Les salles de cinéma, une à une, ont laissé place à des lieux sans âme, de vulgaires boutiques aux devantures criardes, destinées à des consommateurs-zombies.
Les chansons d’Alex Beaupain et de Diastème sont de petites bulles délicates, en apparence légères mais subtilement profondes, qui subliment cet hommage vibrant au cinéma. Elles font avancer l’intrigue tout en révélant les sentiments cachés des personnages. Dans cette balade lumineuse, sous la lumière des sunlights ou dans le faisceau du projecteur 35 mm, un formidable groupe de comédiens évolue avec un sens du tempo impeccable.
All You Need Is Love.
Fernand Garcia
Joli Joli un film de Diastème avec Clara Luciani, William Lebghil, José Garcia, Laura Felpin, Grégorie Ludig, Vincent Dedienne, Victor Belmondo, Thomas VDB, Alban Lenoir, Jeanne Rosa, Anne Serra, Carolina Jurczak… Scénario : Diastème et Alex Beaupain. Image : Philippe Guilbert. Décors : Chloé Cambournac. Costumes : Alexandra Charles. Chorégraphie : Marion Motin. Montage : Chantal Hymans. Musique : Alex Beaupain. Arrangements : Valentine Duteil. Chansons : Alex Beaupain & Diastème. Producteurs : Mathieu Ageron, Maxime Delauney et Romain Rousseau. Production : Nolita – Les Canards Sauvages – Hors-Champ Productions – Pierre Hubert Films By Ice – uGo&Play – Versus Production – Marcel Films – Disney + – TMC – TV5 Monde – Ginger & Fed – Ciné + OCS – Mediawan Rights Distribution (France) : Haut et Court Distribution (sortie le 25 décembre 2024). France – Belgique. 2024. 1h57. Couleur. Format image : 2,39:1. Tous Publics.