Les Maîtres de l’univers – Gary Goddard

« Au cœur de l’univers, à la frontière de l’ombre et de la lumière, se dresse le château de Grayskull (Crâne gris). Depuis la nuit des temps, la sorcière de Grayskull y exerce son règne, en maintenant l’harmonie dans l’univers. Mais les armées des ténèbres songent plus que jamais à l’annexer, car contrôler Greyskull ouvre les portes du pouvoir, du pouvoir d’être supérieur, de celui qui vous rend tout puissant, celui d’être les Maîtres de l’univers. » L’introduction claque avec sa puissante voix (en off) sur un superbe matte painting que n’aurait pas renié Conan, le barbare et digne de Frank Frazetta. Dès le générique avec son style et sa musique, qui rappelle furieusement le Superman de Richard Donner, le film de Gary Goddard éclate ensuite en un melting-pot d’influences, au premier rang desquels l’incontournable Star Wars.

Le diabolique Skeletor (Frank Langella) vient enfin de mettre la main sur le château Grayskull sur la planète Eternia. La Sorcière (Christina Pickles) est sa prisonnière. Les habitants de la planète, les Eterniens, sont tués ou mis en esclavage. Un homme, He-Man (Musclor en VF / Dolph Lundgren), résiste aux soldats de Skeletor. Dans ce chaos, il rencontre le soldat Duncan / Man-At-Arms (Jon Cypher) et sa fille, Teela (Chelsea Field), qui vont le suivre dans le combat contre Skeletor. Emprisonné dans un filet, ils libèrent le serrurier et inventeur nain Gwildor (Billy Barty). Celui-ci a en sa possession une clé cosmique de son invention, qui peut ouvrir un portail vers n’importe quel endroit de l’univers. Mais l’appareil a été volé par la redoutable, Evil-Lyn (Meg Foster), commandant en second de Skeletor…

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on peut éprouver du plaisir à se laisser emporter par Les Maîtres de l’univers. Étiqueté nanar, la plus importante production de la Cannon, dégage un charme qui rend cette aventure absolument sympathique. Une sorte de plaisir coupable qui saura plaire aux grands et petits. Les Maîtres de l’universest né d’un accord entre le fabricant de jouets Mattel et la Cannon. La société de Menahem Golan et Yoram Globus a remporté la mise face à Universal. Le film devait mettre en valeur les personnages de Mattel afin de redresser les ventes des figurines en magasin. 50 % du budget était à sa charge, les autres 50 % à charge de la Cannon. Mattel verse sa part et le tournage se déroule sous les meilleurs auspices. A la fin des liquidités versées par Mattel, Cannon, ne retrouve plus le chéquier, obligeant son partenaire à remettre la main à la poche sous peine de voir le film ne jamais sortir sur les écrans. Une sorte d’accident industriel difficile à avaler, alors que le film doit permettre de relancer les figurines.

Malgré les difficultés, Gary Goddard continue le tournage sous la double pression de ses producteurs. Il doit renoncer à beaucoup de choses et réduire au fur et à mesure ses ambitions. Il arrivera toutefois au bout de son projet. La Cannon déclare un budget final de 22 millions de dollars, une énorme somme (à l’époque), qui représente la plus grosse production de l’histoire de la Cannon. Mais pour finir le film, Golan et Globus ont réduit les investissements sur d’autres productions en tournage. Celui qui en souffrira le plus est Superman IV, dont l’absence de budget, se fera cruellement ressentir à l’écran.

C’est le producteur Edward R. Pressman qui a engagé Gary Goddard après vu son spectacle scénique consacré à Conan, le barbare. Un bon choix, Gary Goddard s’applique à donner une cohérence artistique aux Maîtres de l’univers. Il réunit un excellent casting que dominent Frank Langella sous le masque de Skeletor, et Meg Foster aux yeux blues éclatants, vraiment deux magnifiques méchants, qui visiblement s’amusent beaucoup. Malin, Goddard construit l’intrigue autour d’eux. Les meilleurs scènes, les plus intéressantes et les mieux dialoguées sont avec l’un ou l’autre des méchants.

Dolph Lundgren, Musclor, débute au cinéma dans Dangereusement vôtre (A View to a kill, 1985), le dernier James Bond avec Roger Moore. Son impressionnante carrure est immédiatement remarquée. Il décroche le rôle d’Ivan Drago, le boxeur soviétique qui affronte Rocky Balboa dans un combat d’anthologie dans Rocky IV (1985). Les Maîtres de l’univers, est son premier rôle en vedette. Il refusera de redevenir He-man pour une suite, qui finalement ne verra jamais le jour, préférant enfiler l’uniforme du Lt. Nikolai Rachenko dans Le Scorpion rouge (Red Scorpion, 1988) de Joseph Zito. Dolph Lundgren va devenir l’un des « Action Man » et enchaîne les personnages violents.

Ce cinéma d’action estampillé années 80/90 disparaît des écrans à l’orée des années 2000 pour le direct-to-video. Dolph Lundgren passe à la réalisation en 2004 avec La sentinelle (The Defender) après la défection de Sidney J. Furie. Sa dernière réalisation Wanted Man en 2024, reste fidèle au cinéma d’action et à la grande joie de ses fans. Dolph Lundgren n’a pas aimé incarner He-Man contrairement à son partenaire Frank Langella qui a adoré Skeletor.

Frank Langella fait ses débuts à la télévision au milieu des années 60. Il apparaît pour la première fois au cinéma dans Le journal intime d’une femme mariée (Diary of a Mad Housewife) de Frank Perry en 1970. Le film est un succès et sa prestation couverte d’éloges. René Clément le dirige dans le thriller, La maison sous les arbres, où il incarne le mari de Faye Dunaway, qu’il tourne en France. Le film est présenté au Festival de Cannes en 1971. Anne Bancroft convainc son mari Mel Brooks de l’engager pour son adaptation du roman russe Le Mystère des douze chaises (The Twelve Chairs, 1970). Il part au Mexique pour le tournage de La colère de Dieu (The Wrath of God, 1972) western épique de Ralph Nelson avec Robert Mitchum et dernière apparition à l’écran de la magnifique Rita Hayworth. Curieusement, alors que sa carrière décolle au cinéma, Frank Langella s’oriente vers la télévision. Mais surtout pour la scène, il remporte à quatre reprises le Tony Awards du meilleur acteur.

Il ne revient sur le grand écran que pour incarner Dracula dans le film de John Badham en 1979. Il donne une des plus belles et intéressantes interprétations du prince des ténèbres, sensuel et érotique, sans les canines, après l’avoir incarné au théâtre. Dans la suite de sa carrière, nous pouvons détacher Sphinx de Franklin J. Schaffner avec Lesley-Anne Down, Maurice Ronet et John Gielgud. Son Clare Quilty dans la relecture de Lolita, film maudit et pour le moins raté, d’Adrian Lyne. Il termine le siècle sur un bien meilleur film, La Neuvième Porte (1999) de Roman Polanski. Acteur respecté, il décroche une nomination comme meilleur acteur pour son interprétation de Richard Nixon dans Frost / Nixon, de Ron Howard en 2008. Frank Langella considère Les Maîtres de l’univers comme l’un de ses films préférés.

Meg Foster, c’est d’abord d’incroyables yeux bleus, d’un transparence quasi-surnaturelle. Cette particularité lui permettra d’être dans de nombreux films fantastiques. Elle a dû porter des lentilles de contact afin d’en atténuer l’effet. Dans Les Maîtres de l’univers, elle est quasiment au naturel. Elle débute au cinéma aux côtés de Michael Douglas dans Adam at Six A.M. (inédit) en 1970. Meg Foster avait une longue expérience au théâtre. Elle tourne dans les meilleures séries des années 70, Mannix, Le Sixième sens, Cannon, L’homme qui valait trois milliards, Hawaii police d’Etat et retrouve Michael Douglas dans Les rues de San-Francisco (1975). Après beaucoup de seconds rôles à la TV, elle décroche enfin un premier rôle récurant, celui de la détective Chris Cagney dans la série Cagney et Lacey. Mais au bout de six épisodes, elle est remplacée par Sharon Gless, à la demande du diffuseur qui ne la trouve pas assez féminine. Cette mésaventure aura un impact négatif sur sa carrière, la condamnant à des rôles secondaires. Le cinéma toutefois à nouveau appel à elle, pour des rôles intéressants, Osterman Weekend (1983), le dernier film de Sam Peckinpah et La Forêt d’émeraude (The Emerald Forest, 1985) de John Boorman. Mais, Meg Foster va rester dans les mémoires pour un film qui ne connaît pas un grand succès à sa sortie, mais qui va s’imposer au fil du temps, Invasion Los Angeles (They Live, 1988) de John Carpenter. La même aventure va se produire avec Les Maîtres de l’univers, ces deux films vont lui apporter une notoriété auprès des fans de SF. Sa carrière depuis les années 90 se divise en guest star pour la télévision et séries B pour le cinéma et la télévision par câble. Meg Foster, afin de rendre plus complexe et intéressant le personnage de Evil-Lyn, calque son interprétation sur Lady Macbeth, avec une progression similaire, de totale dévotion amoureuse à Skeletor. Elle finit par se rendre compte de son mépris à son égard, s’en détache et termine en héroïne tragique.

Parmi la distribution, la jeune Courtney Cox, remarquée pour la première fois dans le clip de Bruce Spingsteen, Dancer in the Dark, où elle danse sur scène avec le boss, réalisé, excusez du peu, par Brian De Palma. Les Maîtres de l’univers est son premier film pour le cinéma. Elle incarne, avec conviction, la jeune teenager des films SF de l’époque. C’est bien sûr, son rôle de Monica Geller dans la série Friends qui va en faire une énorme vedette. Elle devient l’actrice de télévision la mieux payée de tous les temps avec un salaire d’un million de dollars par épisode ! Elle connaît le succès au cinéma avec la franchise Scream de Wes Craven.

Avec Les Maître de l’univers, Gary Goddard a voulu rendre hommage à Jack Kirby, immense dessinateur de BD. On lui doit, entre autres, un chef-d’œuvre, la saga Les Quatre Fantastiques contre le Docteur Fatalis. Il n’est donc pas étonnant de découvrir au générique, un autre grand de la BD, Jean ‘Moebius’ Giraud, story-board de nombreuses séquences du film.

Goddard réalise un film dynamique avec une caméra toujours en mouvement. Il faut reconnaître l’excellent montage d’Anne V. Coates, une des plus grandes, Lawrence d’Arabie (1962), Le crime de l’orient-Express (1974), Elephant Man (1980), Greystoke (1984), Erin Brocovitch (2001), etc. Elle est décédée en 2018, son dernier montage est 50 nuances de Grey (2015). Elle était mariée au réalisateur Douglas Hickox. Les Maîtres de l’univers est l’unique réalisation de Gary Goddard. Il va se consacrer à la création d’attractions pour les grands parcs à travers le monde et à la production de films ou de séries d’animation toujours en lien avec la BD et l’univers de la fantasy. Les Maîtres de l’univers a fini par atteindre le statut de film culte.

Allez, vivez l’aventure !

Fernand Garcia

Les Maîtres de l’univers, une édition collector combo (DVD + Blu-ray) et unitaire DVD, de Sidonis Calysta, avec en compléments : Dans les coulisses de la légende Maîtres de l’univers, clip promotionnel d’époque, avec des interventions de Gary Goddard, Dolph Lundgren, un document sympathique (4’35). Making-of du 25ème anniversaire, retour sur la fabrication des Maîtres de l’univers. « Ce qu’on ne sait pas, c’est que, quand on a commencé, je me suis rapidement rendu compte que le studio allait faire faillite. Je ne savais pas non plus que la société produisant les jouets Mattel avait perdu 400 millions de dollars avec la figurine He-Mann. Il y avait donc deux grosses sociétés qui espéraient que ce film allait régler tous leurs problèmes. » C’est le début d’une production chaotique où « tous les jours, il y avait une catastrophe » Gary Goddard avec les témoignages de Joe Morrison, William Stout, producteur exécutif Mattel, John Weems, Richard Edlund (11’47). Deux bandes-annonces, une en version française (1’37), l’autre en anglais (1’43).

Les Maîtres de l’univers (Masters of the Universe), un film de Gary Goddard avec Dolph Lundgren, Frank Langella, Meg Foster, Courteney Cox, Billy Barty, Jon Cypher, Chelsea Field, James Tolkan, Christina Pickles… Scénario : David Odell. Directeur de la photographie : Hanania Baer. Décors : William Stout. Costumes : Julie Weiss. Spécial design : Jean « Moebius » Giraud. Matte painting : Matthew Yuricich. Création maquillage : Michael Westmore. Effets spéciaux visuel : Richard Edlund. Montage : Anne V. Coates. Musique : Bill Conti. Producteur exécutif : Edward R, Pressman. Producteurs Mattel : Joe Morrison, John Weems et Leslie Levine. Producteurs : Yoram Globus et Menahem Golan. Production : Golan-Globus Productions – Pressman Film – Cannon Films – The Cannon Group – Cannon International. Etats-Unis. 1987. 106 minutes. Metrocolor. Panavision. Format image : 1,85:1. 16/9e Son : Version originale sous-titres en français et Version française. Tous Publics.