L’Étrange Festival fête sa 30e édition (déjà), que le temps passe vite. Je me souviens de ma première projection, Schizophrenia, et d’un verre avec Gaspar Noé sur une table de bistro devant l’écran. Dans mon souvenir, Le Passage du Nord-Ouest, à l’époque le repaire du festival, avait son entrée au milieu d’une cour et la salle était sous terre. Tout ça, c’est bien loin, c’était au siècle dernier, l’époque était riche en diversité de films. Chaque salle, dans chaque quartier parisien, avait ses habitués. Les grands boulevards étaient en version française avec tout un pan du cinéma populaire, du grand spectacle au Grand Rex, où l’on pouvait fumer, en tout cas à l’orchestre, aux comédies sexy italienne et bidasseries de Jacques Leitienne au Maxeville, à l’indémodable Il était une fois dans l’Ouest aux 3 Haussmann et Midnight Express au Capri.
De l’autre côté de la rue, le mythique Hollywood Boulevard et les films de René Chateau. Boulevard de Strasbourg, c’était le règne des doubles programmes et des pornos du Broadway. Barbès-Rochechouart, les doubles de Karaté, c’est-à-dire les films de la Shaw Brothers en particulier, et les Bollywood du Delta. Les Champs-Élysées grouillaient de salles et proposaient les meilleures copies 35 et 70 mm. Entre deux sex-shops, rue Saint-Denis, une salle très arty proposait des films underground et gay. Les salles Olympic de Frédéric Mitterrand oscillaient entre art et essai et péplum. A cela s’ajouter la Cinémathèque française à Chaillot et la salle Garance à Beaubourg (on ne disait pas Centre Pompidou). Quand on arrivait de banlieue ou de province, Paris était alors le paradis des futurs cinéphiles…
Trente ans après, il ne reste plus rien. Tout s’est professionnalisé, standardisé, ce cinéma hors norme, populaire, underground, marginal, érotique, spectaculaire, a été relégué dans les travées de l’infréquentable. Les nouveaux critères de la médiocrité et de l’inculture ont submergé le cinéma. Année après année, L’Étrange Festival est devenu un bastion important pour la (re)découverte de ces films, mais aussi, il offre l’opportunité de découvrir de nouveaux auteurs et de nouvelles perspectives artistiques qu’elles viennent de France ou ailleurs dans le monde. L’Étrange Festival a ainsi permis la découverte de cinéastes majeurs comme les Japonais Sono Sion, Takeshi Miike, le danois Nicolas Winding Refn, le philippin, Khavn, le britannique Ben Wheatley, ou l’espagnol Eloy de la Iglesia, parmi tant d’autres. L’Étrange Festival est un authentique et rare espace de liberté.
Trente ans, pour cet anniversaire, L’Étrange Festival a choisi d’offrir six cartes blanches à quatre personnalités en vue du cinéma de genre (au sens ancien et actuel) français, la comédienne et réalisatrice Noémie Merlant (35 ans, Curiosa, La Jeune fille en feu, L’Innoncent), la réalisatrice et scénariste Coralie Fargeat (48 ans, Revenge, The Substance) les réalisateurs et scénaristes Alexis Langlois (35 ans, films queer et militant, Les Reines du drame) et Stephan Castang (51 ans, Vincent doit mourir) et à deux artistes incontournables de la scène musicale mondiale, le musicien-réalisateur américain Flying Lotus (41 ans) et le producteur et compositeur australien Jim Thirlwell (64 ans) aka Fœtus, qui feront redécouvrir 12 films emblématiques de l’histoire de la manifestation.
Disparue depuis quelques éditions, L‘Étrange Musique fait son grand retour pour une soirée qui s’annonce détonante avec Larège (France), Ndox Électrique (France – Sénégal) et une création mondiale : Fœtus (US) Plays Harry Smith’s Heaven & Earth Magic.
Outre ses deux compétitions internationales, la 15e compétition Grand Prix Nouveau Genre Canal+ pour les longs métrages et la 29e Compétition Court Métrage Canal+.
Une nouveauté pour cet édition, le lancement du premier appel à projets de longs métrages français de genre en partenariat avec Logical Pictures, acteur incontournable de la production internationale.
Et bien sûr la section Nouveaux Talents permettant la découverte des futurs autrices et auteurs de demain, véritable panorama mondial des meilleurs films de l’année, la toujours passionnante section documentaire, les incontournables Pépites de L’Étrange, plus que jamais à l’honneur via la redécouverte d’un nombre important de films restaurés ou tout simplement honteusement oubliés.
INA Fantastica 2, deux ans après une première plongée dans les archives étonnantes et si bien gardées des trésors de l’INA, L’Étrange Festival renforce son partenariat avec cette institution précieuse pour davantage de redécouvertes épatantes, tout droit sorties de l’histoire audiovisuelle française.
Les séances Découvertes Canal+ (gratuites) : 3 séances offertes par la chaîne et composées d’avant-premières de longs et courts métrages choisis aux petits oignons par les équipes éditoriales de la chaîne cryptée, avant leur diffusion prochaine sur l’antenne.
Une soirée avec Christophe Bier, toujours très attendue, composée des pellicules les plus insolites ou improbables du cinéma français ; les fameuses Séances spéciales de l’Étrange…
Enfin, d’un anniversaire l’autre, Métal Hurlant a 50 ans et l’Étrange Festival a prévu une soirée exceptionnelle en présence de nombreuses et nombreux invités afin de fêter comme il se doit cette mythique revue, internationalement respectée.
Signalons, afin d’être complet, la superbe affiche de la 30ème édition signée par Marc Bruckert.
La rédaction de KinoScript avec le concours du service presse de L’Étrange Festival
L’Étrange Festival se tiendra du 3 au 15 septembre dans les salles du Forum des Images (Paris).