Michelangelo Merisi ou Merighi ou Amerighi, dit Il Caravaggio, peintre révolutionnaire, de la lignée réaliste et anti humaniste, est l’un des génies de la peinture. Michele Placido reconstitue avec puissance et force un itinéraire humain et artistique hors norme. Caravage est une réussite après celle brillantissime de Michel-Ange (2019) d’Andreï Kontchalovsky.
Caravage est une fresque enlevée dans un tourbillon de couleur et de lumière. A la biographie du Caravage, Michele Placido et ses scénaristes Sandro Petraglia et Fidel Signorile inventent un personnage d’inquisiteur : L’Ombre. Mandaté par le Pape pour enquêter sur le peintre. Il découvre un artiste en rupture totale avec les préceptes de son époque. Le Caravage introduit dans ses créations la vie quotidienne et suprême sacrilège fait incarner des dignitaires religieux et des figures historiques par des prostitués, des voleurs, issus de la faune des bas quartiers. Son interprétation réaliste de tout événement sacré s’éloigne de l’iconographie consacrée et reconnue par l’Eglise. Ses œuvres marquent la naissance du réalisme au sens moderne. Le Caravage choque et bouleverse l’Art pictural. Responsable de la mort à l’épée d’un opportun, Le Caravage est contraint de quitter Rome pour se mettre sous la protection de la puissante famille Colonna à Naples. Il ne désespère pas d’obtenir l’indulgence du Pape, mais L’Ombre poursuit son enquête à charge.
Caravage n’est pas figé dans son époque, mais entretient un dialogue avec la nôtre. Aujourd’hui, la création artistique (quel que soit le secteur) laminée par des années de politiquement correct, de petite morale et de censures et d’autocensure à finit par s’enfoncer dans l’étouffant conformisme des nouvelles valeurs. Placido montre que l’acte de créer, de reproduire concrètement le réel, se heurte de plein fouet aux idées préconçues. Il imagine une rencontre entre Le Caravage et Giordano Bruno, deux esprits libres et révolutionnaires. Deux hommes condamnés par les élites de l’époque. Cette rencontre n’est pas improbable, lors de l’exécution de Giordano Bruno, Le Caravage était présent à Rome. Les « vrais » artistes ont toujours une longueur d’avance sur l’époque et œuvre dans les marges. Face au Caravage, se dresse L’Ombre, figure de l’épouvante, de la stérilité et du pourrissement.
Le cheminement du Caravage, sa volonté de mettre au cœur de ses tableaux des gens du peuple, son réalisme, ses prises de positions jusqu’à sa mort anticipe l’œuvre et la vie de Pier Paolo Pasolini. La liberté, la vérité et la sincérité ont un prix, démesuré. Au réalisme du maître, Placido joue la carte de l’authenticité, des rues sales et crasses, des costumes qui traduisent la place dans la hiérarchie sociale des personnages. L’ombre du Caravage est une superbe reconstitution esthétique (images, décors, costumes) d’une époque.
L’Ombre est formidablement interprété par Louis Garrel dont l’italien est absolument bluffant. Il a la raideur et la noirceur d’un inquisiteur, à faire froid dans le dos. Depuis sa découverte dans Innocents (The Dreamers, 2003) de Bernardo Bertolucci, Louis Garrel confirme film après film l’étendu de son talent et de son désir d’aventures cinématographiques au sein d’univers singulier.
Riccardo Scamarcio est une des grandes vedettes du cinéma italien. Le Caravage est le troisième film qu’il tourne sous la direction de Michele Placido après Romanzo Criminale (2007) et Le Rêve italien (2010). Récemment, il était à l’affiche de Tri Piani de Nanni Moretti. Scarmarcio donne une interprétation exaltée, fascinante et tourmenté du Caravage.
Découvert au début des années 70 comme dans Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas (Moi Dio, come sono caduta in basso !, 1973) de Luigi Comencini et Romances et confidences (Romanzo populare, 1974) de Mario Monicelli, Michele Placido devient rapidement l’un des jeunes premiers les réputés du cinéma italien. Eclectique dans ses choix, il travaille tout autant avec des auteurs, Marco Bellocchio, les Taviani, Rosi qu’avec des signatures des films de genre italiens. Il accède à une notoriété internationale avec la série La Mafia (La piovra, 1984 – 1989)où il incarne le Commissaire Corrado Cattani. En 1990, il signe son premier long-métragePummarò, présenté dans la section Un Certain Regard à Cannes. Il connaît un immense succès avec Romanzo criminale (2005) son 7ème film. Le Caravage est son 14ème film.
Fernand Garcia
Caravage (L’Ombra di Caravaggio) un film de Michele Placido avec Riccardo Scamarcio, Louis Garrel, Isabelle Huppert, Lolita Chammah, Micaela Ramazotti, Tedua, Vinicio Marchioni, Michele Placido… Scénario : Sandro Petraglia, Michele Placido et Fidel Signorile. Image : Michele D’Attanasio. Décors : Tonino Zera. Costumes : Carlo Poggioli. Montage : Consuelo Catucci. Musique : Umberto Iervolino et Federica Luna Vincenti. Producteurs : Rita Rognoni et Vincenzo Bonomo. Production : Goldenart Production – RAI Cinéma – MACT. Distribution (France) : Le Pacte (sortie le 28 décembre 2022). Italie – France. 2022. 118 minutes. Couleur. Format image : 2.35. Son : 5.1. Tous Publics.