La Verónica est un film de notre temps. Verónica Lara (Mariana Di Girolamo) est une influenceuse. Elle se consacre entièrement à mettre des lambeaux de sa vie sur les réseaux sociaux. Sa petite notoriété, elle la doit non pas à ses talents, mais à celle d’être la femme d’une gloire du football local. Verónica profite du passage de son mari dans un club de Dubaï pour communiquer et accroître le nombre de ses abonnées sur Instagram. De retour au Chili, elle a un but devenir l’élégie d’un géant des cosmétiques chinois et en particulier de sa marque de rouge à lèvres.
Verónica manipule son entourage, exigeant de ceux qui sont à son service (il n’y a que des femmes) un dévouement total. Elle est une étoile, un exemple de réussite. La célébrité sur du vide, elle n’est qu’une image, un rêve. Ainsi, une journaliste, entreprend la rédaction d’un livre sur Verónica Lara, afin de livrer au public des « secrets » sur sa vie de riche oisive. La journaliste, fille de communistes (une tare dans une société moderne et néolibérale) avoue à Verónica, que le livre brisera sa relation avec ses parents. Qu’importe, elle est dans un cercle du pouvoir moderne. Verónica n’est pas encore au top de la renommée, elle n’a qu’un « petit » million d’abonnés, loin des deux millions qui lui assureraient le contrat avec la multinationale.
Pour augmenter sa notoriété, Verónica doit forcer le destin, se présenter en victime, pour cela elle va utiliser son mari et sa fille. Elle met en scène les infidélités de son mari, en le forçant à des relations sexuelles avec des filles qu’elle choisit. Elle pousse plus loin encore en posant avec sa fille sur les réseaux. Son rêve de grandeur, de voir son visage (de la taille d’un immeuble) placardé dans tout le pays, a un prix. Elle est prête à tout pour être admis dans l’élite. Une revanche sur la misère de son enfance. Période qu’elle cache, comme sa mère pauvre.
Verónica se « livre » sur les réseaux utilisant son auditoire comme témoin de sa vie, mais elle garde ses confessions pour une morte, la mère de son mari. La sincérité publique n’est qu’une façade. Elle n’a rien de plus à proposer à son public qu’un quotidien fabriqué, un rêve de luxe stérile. Les rencontres de Veronica avec le procureur sont emblématiques d’une époque qui ne raisonne plus. Le procureur, homme de loi, est cultivé, il exerce, entourer de livres, attaché aux faits et à la raison. Mais Leonardo Medel laisse entendre que la justice a fini par capituler et prendre en compte l’aveuglement des masses des décérébrés sur les réseaux sociaux dans ses jugements. Le procureur se soumet au chantage de l’influenceuse pour ne pas compromettre son avancement.
Rapport étrange de désir entre Verónica et ses suiveurs invisibles. Ce que traduit Medel avec finesse par une séquence entre Verónica et deux adolescents. Elle leur prouve qu’elle est totalement à son public, en abaissant son bustier pour leur monter ses seins (ce que la prof d’un des ados avait refusé de faire, la confusion entre les images sur les réseaux et la réalité est quasi totale). Même subjuguer par la nudité exhibée par Verónica, les deux ados sont incapables de décrocher de leur game.
Leonardo Medel adopte un point de vue radical, il place Verónica en plein centre de l’image et n’en dévie qu’une fois avec une fille, au visage difforme, victime de grandes brûlures. Verónica est en permanence au centre de l’image comme si elle était le centre du monde. Elle rejette violemment tout ce qui à ses yeux la pousse dans l’ombre comme ses enfants. Esthétiquement, Medel reprend les codes des youtubeurs et compagnie, il évite la pauvreté de l’image des vignettes pour smartphone grâce à un travail remarquable de Pedro Garcia sur la composition du cadre par la lumière et la couleur. A cela s’ajoutent, les décors de Roberto Torres, d’une grande finesse, caractérisant parfaitement Verónica Lara et les différents personnages qu’elles croissent.
Verónica vient de l’adjectif latin Vero qui signifie « vrai » et « foi » en Slave et du nom grecque eikon, image, icône. C’est cette « image vraie » derrière le visage de Verónica que tente de saisir Leonardo Medel. Ce visage a les traits de Mariana Di Girolamo, qui livre une interprétation absolument remarquable. Une des plus impressionnantes performances d’actrice vue au cinéma ces dernières années. Ce vrai visage se révèle dans le plan final, alors que s’élèvent les cœurs du Live d’Instagram. Exhibition vide de sens, Verónica est simplement au bord de sa piscine sur du Louis Vuitton, satisfaite. Visage et image hyperréaliste derrière laquelle pointe le sinistre paysage de notre temps. La Verónica est une réussite.
Fernand Garcia
La Verónica un film de Leonardo Medel avec Mariana Di Girolamo, Paricia Rivadeneira, Ariel Mateluna, Antonia Giesen, Willy Semler, Coco Paez, Josefina Montané, Gloria Fernandez, Constanza Ulloa… Scénario : Leonardo Medel. Image : Petro Garcia. Direction artistique : Roberto Torres. Son et Montage : Daniel Ferreira. Producteurs : Juan Pablo Fernandez & Daniel Ferreira. Production : Merced. Productions associées : Inmobiliaria e Inversiones – CYF – Cecilia Carteer Manke Ltda – Victor Flores – Upside – Asesorias e Inversiones S.A. Distribution (France) : Moonlight Films Distribution (sortie le 17 août 2022). Chili. 2021. 100 minutes. Couleur. Format image : 2,35 :1. Son : 5.1. Tous Publics.