Toute la mémoire du monde : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.
Après deux (trop) longues années d’absence, le tant attendu des cinéphiles, festival Toute la mémoire du monde, fait enfin son grand retour. Moment privilégié de réflexion, d’échange et de partage qui met l’accent sur les grandes questions techniques et éthiques qui préoccupent cinémathèques, archives et laboratoires techniques mais aussi, bien évidemment (on l’espère encore !), éditeurs, distributeurs, exploitants et cinéphiles, le festival Toute la mémoire du monde, né dans le contexte de basculement du cinéma dans l’ère du numérique, propose une fois de plus, cette année encore, une programmation exceptionnelle en donnant à voir aux spectateurs les chefs-d’œuvre comme les œuvres moins connues (curiosités, raretés et autres incunables) du patrimoine du cinéma. Avec toujours un élargissement « Hors les murs » dans différentes salles partenaires de la manifestation à Paris et banlieue parisienne, puis, dans la continuité du festival francilien, en partenariat avec l’ADRC (Agence nationale pour le développement du cinéma en régions), 14 films qui tourneront dans 12 villes en régions du 6 au 12 avril, pour sa neuvième édition, le Festival International du film restauré Toute la mémoire du monde s’affirme comme étant l’immanquable rendez-vous dédié à la célébration et à la découverte du patrimoine cinématographique mondial.
Créé par La Cinémathèque française en partenariat avec le Fonds Culturel Franco-Américain et Kodak, et avec le soutien de ses partenaires institutionnels et les ayants droit essentiels aux questions de patrimoine, ce festival est incontournable pour les cinéphiles passionnés, les amoureux du patrimoine cinématographique, les archivistes, les historiens, les chercheurs et autres curieux. Riche et foisonnante, la programmation du festival nous propose un panorama très éclectique des plus belles restaurations réalisées à travers le monde et salue ainsi non seulement le travail quotidien des équipes des différentes institutions, mais nous fait également prendre toute la mesure de la richesse incommensurable de cet Art qui n’a de cesse de témoigner tout en se réinventant tout le temps.
Succédant à Isabella Rossellini et Philip Kaufman, ce sont la comédienne française Carole Bouquet et le cinéaste hongrois Béla Tarr qui cette année seront respectivement la Marraine et l’Invité d’honneur du festival. Cette édition leur rendra hommage en projetant non seulement certains des films les plus importants de leurs carrières qu’ils présenteront eux-mêmes au public, mais aussi, en leur proposant des cartes blanches, ou encore en organisant des rencontres privilégiées, leçons de cinéma, dialogues et Master Class.
Carole Bouquet présentera certains chefs-d’œuvre qui ont jalonné son admirable carrière d’actrice comme par exemple, pour l’ouverture du festival, Cet obscur objet du désir (1977), le dernier film de l’immense cinéaste espagnol Luis Buñuel qui a marqué le début fracassant de la carrière de la comédienne, ou encore Trop belle pour toi (1989) du très grand Bertrand Blier, Travaux (2005) de la réalisatrice Brigitte Roüan, Grosse Fatigue (1994) réalisé par Michel Blanc et Double messieurs (1984) du tant regretté Jean-François Stévenin. Un « Dialogue avec Carol Bouquet » aura lieu à La Cinémathèque française le dimanche 3 avril à l’issue de la projection du film Double messieurs (1984) réalisé par Jean-François Stévenin.
En plus de l’occasion de revoir son œuvre monumentale et d’une puissance rare sur grand écran, avec entre autres, les impressionnants Le Cheval de Turin (A Torinói Ló, 2011) ou Sátántangó (1994), pièce maîtresse de l’œuvre du cinéaste apocalyptique, Béla Tarr nous fera quant à lui découvrir, le versant resté caché de sa filmographie, avec, avant leur (res)sorties en salle le 6 avril prochain par Carlotta Films, les dernières restaurations en 2K et 4K de trois de ses premières œuvres : Les inédits Le Nid familial (Családi tüzfészek, 1979) et L’Outsider (Szabadgyalog, 1981) au travers desquels Béla Tarr dresse de saisissants portraits tout en couleurs de la jeunesse et de la classe ouvrière hongroise, et la ressortie de Damnation (Karhozat, 1987), première partie de la « trilogie démoniaque », avant Sátántangó (1994) et Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister harmoniak, 2000), qui marque un tournant manifeste dans l’œuvre du réalisateur.
Pour sa carte blanche le cinéaste a choisi pour nous trois de ses films favoris, Les Sans-Espoir (Szegenylegenyek, 1965) du réalisateur hongrois Miklós Jancsó, American Torso (Amerikaï Anzix, 1976) du réalisateur russe Gabor Body et Twilight (Szürhület, 1990) du réalisateur hongrois György Fehér. Béla Tarr assurera une Master Class à La Cinémathèque française le samedi 2 avril à l’issue de la projection de son film Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister harmoniak, 2000) d’après le roman La Mélancolie de la résistance de László Krasznahorkai, restauré en 4K d’après le négatif image original.
Comme pour chacune des éditions précédentes, le festival propose une journée de rencontres et d’études internationales consacrée cette année à la thématique : « Nouvelles approches de la restauration du cinéma muet ». Des débats, des rencontres, des conférences et des tables rondes en présence de professionnels (directeurs de la photographie, réalisateurs, plasticiens, restaurateurs, chercheurs, historiens, documentaristes et universitaires du monde entier) sont organisés pour tout savoir sur les méthodes et les technologies utilisées aujourd’hui pour la restauration des films.
Cinq jours durant, le festival Toute la mémoire du monde propose cette année encore, plus d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés répartis en différentes sections.
Les sections « Raretés des collections de La Cinémathèque française » et « Restaurations et Incunables » nous proposent de plonger au cœur des collections avec différentes sélections de raretés incontournables et de restaurations menées récemment en France et dans le monde. Un programme éclectique par nature qui, des classiques aux trésors cachés en passant par des séances pour le jeune public, une séance spectaculaire consacrée à Georges Méliès ou encore des courts métrages d’animation, comprend des projections de grands films absents des écrans depuis longtemps et des ciné-concerts. Ces sections qui réunissent aussi bien des classiques hollywoodiens, des films d’auteurs, des films muets, des films expérimentaux ou encore des films documentaires, mettent principalement en valeur le travail des archives, des ayants droit et des laboratoires.
D’Un chien andalou (1928) et L’Âge d’or (1930) de Luis Buñuel à The Truman Show (1998) de Peter Weir en passant par La Règle du jeu (1939) de Jean Renoir, Psychose (Psycho, 1959) d’Alfred Hitchcock, Les Dragueurs (1959) de Jean-Pierre Mocky, Accattone (1961) de Pier Paolo Pasolini, Vérités et Mensonges (F for Fake, 1973) d’Orson Welles, Enfin l’amour (At Long Last Love, 1974) de Peter Bogdanovich, Dites-lui que je l’aime (1977) de Claude Miller ou encore As Tears Go By (Wong gok ka moon, 1988) le premier long métrage de Wong Kar-wai, Toute la mémoire du monde offre une occasion unique de voir ou revoir dans des conditions exceptionnelles des films prestigieux, fondamentaux et incontournables.
On retrouve également pour cette nouvelle édition de nombreux hommages. Un hommage à André Antoine, le premier metteur en scène moderne dont les films à caractères sociaux datant de la période de la Première Guerre mondiale sont d’incroyables docu-fictions poétiques à grande valeur ethnographique, précurseurs du néoréalisme. Un hommage à l’avant-gardiste cinéaste expérimental autrichien Gustav Deutsch ou encore un hommage à la Deutsche Kinemathek avec une sélection de longs métrages qui célèbre les collections de nos voisins allemands. Mais aussi un hommage à Yûzô Kawashima qui met la lumière et permet la redécouverte d’un cinéaste méconnu, trait d’union entre le classicisme d’avant-guerre et la Nouvelle Vague japonaise.
La section « Trésors de la Warner, années 40 » nous proposera trois classiques des collections Warner : Le Vaisseau fantôme (The Sea Wolf, 1941) de Michael Curtiz, Hantise (Gaslight, 1943) de George Cukor et Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray, 1944) d’Albert Lewin.
De nombreuses séances proposées, dont le « ciné-Mix » de Maud Geffray pour la projection de Cadet d’eau douce (Steamboat Bill, Jr., 1928) réalisé par Buster Keaton et Charles F. Reisner en clôture du festival, seront accompagnées musicalement.
Avant leur (res)sorties en salle le 13 avril prochain par The Jokers Films, une « Nuit Japan Horror – Les quatre visages de la peur » aura lieu le samedi 2 avril à La Cinémathèque française pour (re)découvrir en version restaurée, quatre jalons incontournables de la J-Horror, prolongations aussi effrayantes que réussies d’une longue tradition de l’épouvante dans le cinéma japonais. Au programme de cette nuit qui annonce le retour de la J-Horror sur grand écran : Ring (Ringu, 1998) et Dark Water (Honogurai mizu no soko kara, 2002), deux films indispensables du maître du genre Hideo Nakata qui ont terrifié le monde entier. L’histoire d’amour la plus dingue et terrifiante du cinéma japonais, Audition (Ôdishon, 1999), traumatisant thriller horrifique réalisé par le plus punk des cinéastes japonais contemporains, Takashi Miike. Et enfin, Inunaki : Le Village oublié (Inunaki Mura, 2019) réalisé par Takashi Shimizu, le célèbre auteur de la saga horrifique culte Ju-On (The Grudge).
Notons également qu’à l’occasion du festival seront programmés cinq films rares sur HENRI, la plateforme VOD de La Cinémathèque française, parmi lesquels un carnet de Voyage à Moscou, inédit de Chris Marker.
Steve Le Nedelec
Toute la mémoire du monde – 9ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 30 mars au 03 avril 2022 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».