Washington, jour de l’investigation du nouveau Président. Jay Killian (Charles Bronson) est de retour à la Maison Blanche. A sa grande surprise, il doit protéger Lara Royce Craig (Jill Ireland), la Première Dame. « Tu vas regretter Nancy Reagan », le prévient son chef. Killian retrouve son équipe de gardes du corps et distribue les rôles. Il se charge, avec sa collègue, Charlotte Chang (Jan Gan Boyd), d’accompagner la Première Dame dans la limousine. Tout est en place, mais la Première Dame, en féministe, refuse de se plier aux exigences Killian…
On oublie souvent que Peter R. Hunt est l’un des artisans du succès des James Bond. Monteur de Dr No, Hunt impose un style, que l’on nommera « Crash Cut », un enchaînement dans les scènes d’action, rapide et à la coupe franche. On image mal aujourd’hui à quel point cette manière de faire, originale et innovante, allait l’influencer considérablement et durablement le cinéma d’action. Peter Hunt n’était pas un novice derrière sa Moviola, cela faisait plus de dix ans qu’il exerçait dans ses talents dans les salles de montage. Assistant monteur sur les productions d’Alexander Korda (London Films), où il travaille aux côtés de Charles Crichton (futur réalisateur lui aussi) sur Le Voleur de Bagdad et de John Seabourne Sr pour les productions des Archers de Michael Powell et Emeric Pressburger (Colonel Blimp, La Renarde). Il devient monteur en titre sur un petit film anglais de science-fiction : Stranger from Venus (inédit en France, 1954) réalisé par Burt Balaban et interprété par Patricia Neal. Peter Hunt devient le monteur attitré de Lewis Gilbert (futur réalisateur de trois James Bond) pour L’admirable Crichton (The Admirable Crichton, 1957), Visa pour Hong Kong (Ferry to Hong Kong, 1959), Coulez le Bismarck ! (Sink the Bismark ! 1960), Les mutinés du Téméraires (H.M.S. Defiant, 1962) et s’occupe du montage final de On ne vit que deux fois (You Only Live Twice, 1967). Cheville ouvrière des Bond, il lui fera une petite infidélité en assemblant l’excellent Iprcress – Danger immédiat (The Ipcress File, 1965) de Sidney J. Furie, une aventure d’Harry Palmer, l’anti-James Bond incarné par Michael Caine, mais produit par Harry Saltzman (coproducteur des James Bond).
Peter Hunt, piliers des James Bond, passe tout naturellement à la réalisation en dirigeant Au service secret de Sa Majesté (On Her Majesty’s Secret Service, 1969), l’enjeu est de taille, il s’agit du premier film de la série sans Sean Connery avec un nouveau venu George Lazenby. Le scénario de Richard Maibaum est bon, les scènes spectaculaires, efficaces et impressionnantes, distribution de premier ordre avec Diana Rigg (l’unique femme de Bond) et Telly Savalas, mais la greffe Lazenby ne prend pas. Sean Connery reprendra du service pour Les Diamants sont éternels. Et Peter Hunt s’éloigne des Bond, mais pas complètement…
Peter Hunt passe à la télévision, réalise et monte : Un enchaînement de circonstances (Chain of Evens, épisode 11) son unique contribution à Amicalement vôtre (The Persuaders !) avec Tony Curtis et Roger Moore. Roger Moore qui endosse le smoking de James Bond dès l’année suivante avec Vivre et laisser mourir, dont le succès mérité relance la série. Hunt se lie d’amitié avec Moore et le dirige à deux autres reprises dans Gold (1974) avec son superbe casting : Susannah York, Ray Milland et John Gielgud et dans Parole d’hommes (Shout at the Devil, 1976) avec Lee Marvin. Hunt poursuit dans la voie du grand spectacle d’aventure avec Chasse à l’homme (Death Hunt, 1981), son deuxième film avec Lee Marvin et son premier avec Charles Bronson. L’entente avait dû être bonne, puisque l’acteur d’Un Justicier dans la ville, le valide pour Protection rapprochée. Peter Hunt refuse la proposition de mettre en scène Jamais plus jamais, par fidélité à la famille Broccoli.
Protection rapprochée est le dernier scénario de Richard Sale, il avait précédemment adapté son roman Le Bison blanc (The White Buffalo, 1977), déjà pour Charles Bronson. Deux films à dix ans d’écart. Ce film est aussi le dernier pour le grand écran de Peter Hunt. L’intrigue et sa mécanique n’a que peu d’intérêt. L’histoire d’amour parallèle entre Killing (Bronson) et son assistante Charlotte (Jan Gan Boyd), non plus. L’intérêt se situe entièrement dans la relation entre la Première dame et son bodyguard des services secrets. Pique, détestation, domination et soumission, sous-entendu, le meilleur est dans le ping-pong permanent qui marque leurs rapports. Sale et Hunt n’osent pas aller jusqu’à une relation extraconjugale mettant en cause la Première dame, dommage cela aurait été pour le moins gonflé (et d’une certaine manière moderne). Il est toutefois évoqué la sexualité défaillante du Président nouvellement élu.
Jill Ireland, l’épouse de Charles Bronson, souvent décrié, est excellente dans ce jeu du chat et de la souris, aux répliques cinglantes. Elle avait un petit don pour la comédie. Elle incarne de manière assez réaliste une Première dame, au caractère bien trempé et pour ainsi dire franchement antipathique. Il doit y avoir du vrai là-dedans. Au moment du tournage, Jill Ireland souffrait d’un cancer du sein qui allait l’emporter quelques mois plus tard. La connivence entre elle et Bronson, ce plaisir de jouer ensemble, est l’un des charmes indéniables du Protection rapprochée. Fille de l’acteur John Ireland, Jill Ireland rencontre Charles Bronson sur le tournage de La Grande évasion, dans lequel joue son mari de l’époque, David McCallum. Elle divorce et épouse Charles Bronson en 1968. Elle joue dans quasiment tous les films Bronson des années 70/80. Elle est décédée en 1990. Protection rapprochée est leur dernier film en commun.
Protection rapprochée est une comédie policière réalisée avec sérieux dans le cadre étroit du budget mis à la disposition de Peter Hunt par la Cannon. Ce manque de moyen se ressent, mais Hunt sait donner du rythme à ses scènes et place judicieusement sa caméra afin de dynamiser ses séquences d’action (réduite parfois à peau de chagrin, deux motos, quelques voitures, etc.). Le montage ressemble parfois à un rafistolage, la musique de début est celle de l’improbable Invasion USA, un Chuck Norris, paranoïaque, produit par Golan et Globus. Hunt a du métier et un savoir-faire évident, il fait avec ce qu’il a en poche. Si tout n’est pas réussi (faute, encore une fois, d’un vrai budget), Protection rapprochée se suit avec plaisir parce que Hunt et Sale, son scénariste, rendent la confrontation entre la Première dame et son garde-du-corps spirituel et conflictuel, tout en glissant un hommage cinéphilie à Alfred Hitchcock et plus particulièrement à La mort aux trousses (la matrice des James Bond). Le dosage de course-poursuite avec son lot de dialogues à double-sens est savoureux. Curiosité dans le casting : Peter Lupus, le grand musclé de la série Mission impossible, en présentateur TV (il faut avoir l’œil) et Billy Hayes, le « héros » de Midnight Express.
Protection rapprochée se situe dans la carrière de Charles Bronson entre Act of vengeance, un film produit par Lorimar pour HBO et réalisé par John Mackenzie, inspiré d’une histoire vraie, sur la machination dont un mineur est victime (on oublie souvent la fibre « classe ouvrière » l’acteur) et Le justicier braque les dealers (Death Wish 4 : The Crackdown) de J. Lee Thompson, quatrième aventure de Paul Kersey. Son plaisir d’être dans une comédie policière est évident. Ce trait de caractère, plus léger (et teinté d’un humour second degré), a été moins mis en avant que l’aspect dur et brutal de son attitude. Bronson est dans un registre plus cool, avec en ligne de mire les comédies avec Cary Grant. Bronson forme avec Jill Ireland, dans ce film, un beau couple, tout comme dans Le Bagarreur (Hard Times, 1975) sur un mode tragique.
Protection rapprochée, film d’action mineur, divertissement sans prétention, est avant tout un film d’adieu, sans sentimentalisme, ni larmes, pour Jill Ireland et Charles Bronson.
Fernand Garcia
Protection rapprochée une édition Sidonis/Calysta dans sa collection Charles Bronson, master HD dans défaut en complément : le critique Gérard Delorme revient sur la genèse et la réalisation du film (9 minutes env.). Et la bande-annonce d’origine de Protection rapprochée.
Protection rapprochée (Assassination) un film de Peter R. Hunt avec Charles Bronson, Jill Ireland, Stephen Elliott, Jan Gan Boyd, Randy Brooks, James Lemp, Michael Ansara, James Staley, Kathryn Leigh Scott, James Acheson, Billy Hayes… Scénario : Richard Sale. Directeur de la photographie : Hanania Baer. Décors : William Cruse. Costumes : Shelley Komarov. Montage : James T. Heckert. Musique : Valentine McCallum et Robert O. Ragland. Producteurs exécutifs : Menahem Golan & Yoram Globus. Producteur : Pancho Kohner. Production : The Cannon Group – Golan – Globus Productions – Major Studio Partners. Etats-Unis. 1987. 88 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. 16/9e. Son : Version original avec ou sans sous-titres français et Version française. Tous Publics.