Jour de l’an. Houston. En plein forage, un puits de pétrole s’enflamme. Prévenue, Irène (Barbara Stuart) rameute les troupes de la Buckman Compahy, afin de les envoyer en catastrophe sur place. Chance Buckman (John Wayne), le patron, prend les opérations en main. Le camion-régie de la télévision est déjà sur place et transmet les images de l’impressionnante colonne de feu. L’équipe de la Buckman arrive au compte-gouttes. Greg Parker (Jim Hutton), le tombeur du groupe, atterrie en hélicoptère accompagné d’une nouvelle conquête : Helen Meadows (Lareine Stephens). Le feu circonscrit, Chance se blesse gravement coincer entre deux bulldozers. En froid depuis longtemps, sa femme, Madelyn (Vera Miles) et sa fille Tish (Katherine Ross) sont prévenus…
Les feux de l’enfer, peut se voir comme un des premiers échelons vers les films catastrophes d’Universal des années 70. Genre (re)lancé sur les écrans par Airport, et les productions d’Irwin Allen, L’aventure du Poséidon et La tour infernale, ce dernier est très certainement le chef-d’œuvre du film catastrophe.
Comme souvent, le film fonctionne sur l’attente des scènes spectaculaires, dans le cas présent de phénoménaux incendies de puits de pétrole. Le film décrie le processus mis en œuvre pour l’extinction de ces feux, c’est instructif et évidemment particulièrement spectaculaire. Universal n’a pas lésiné sur les moyens. Le film s’inspire du mode d’intervention de Red Adair, peut-être à l’époque, le seul homme (avec son équipe) capable de telles interventions. Le film de McLaglen n’est pas une biographie de Red Adair. Il s’agit avant tout d’un film à grand spectacle conçu pour John Wayne.
John Wayne, qui fête ses 61 ans sur le tournage, se retrouve entouré d’une équipe qu’il connaît bien. Le réalisateur Andrew V. McLaglen, fils de l’acteur Victor McLaglen, l’avait déjà dirigé dans Le grand McLintock en 1963. Le Duke retrouve pour la troisième et dernière fois Vera Miles après : La prisonnier du désert et L’homme qui tua Liberty Valence, deux chefs-d’œuvre de John Ford.
Les feux de l’enfer est un film entre deux feux, celui d’un cinéma hollywoodien en manque d’oxygène, engoncer dans les années 50, et celui plus en phase avec son époque, plus libre de style, porter par une nouvelle génération de cinéastes, John Frankenheimer, Arthur Penn, Frank Perry… issu pour la plupart de la télévision. Le style de McLaglen est daté, le scénario de Clair Huffaker (un fidèle de Wayne), conventionnel. Les rapports humains sont marqués par des « valeurs » en fin de course. Les femmes sont là pour soutenir et attendre leurs héros. Les hommes sont des concentrés de bons sens, d’héroïsme et de virilité, pas une mauvaise chose en soi, mais cela tourne à la caricature. Le personnage de John Wayne est poussif, d’un bloc sans nuances. Wayne restera égal à lui-même, mais apportera bien des nuances dans ses films des années 70. Jouant sur le décalage de son attitude avec l’époque, jusqu’à son magnifique chant du cygne, Le Dernier des géants de Don Siegel en 1976.
Dans ce magna, Katherine Ross apporte un peu de fraîcheur et de jeunesse. Curieux de la voir dans un rôle en déphasage avec son époque. Tish (son personnage) revendique une certaine liberté de mœurs, mais se retrouve rapidement dans les cases de la bienséance. Ainsi, avant de coucher avec Greg (enfin on l’imagine), Tish l’épouse, les derniers feux du sinistre code Haye. Les Feux de l’enfer se trouve dans la carrière de Katherine Ross entre Le Lauréat et Butch Cassidy et le kid, deux films d’une autre trempe. Les Feux de l’enfer, permet à Katherine Ross de retrouver Andrew V. McLaglan qui l’avait dirigée dans Les prairies de l’honneur, mais aussi d’élargir son public grâce à John Wayne.
1968, année de sortie des Feux de l’enfer, le monde est en ébullition, en feu, tout explose de partout, peut -être trouve-t-on là, le sens caché du film. John Wayne, les valeurs de l’Amérique éternel, pour éteindre ce qu’il est encore possible. L’interventionnisme américain en action. Chance Buckman (Wayne) se retrouve au Venezuela en proie à un soulèvement, les puits de pétrole flambent. Intolérable. Il intervient avec son équipe, qu’importe le régime politique en place, l’important, ce sont les intérêts américains. Le film anticipe l’intervention bien réelle de Red Adair au Koweït lors de la première guerre du Golfe. Tout cela semble sortir d’un épisode de Mission Impossible, avec son anticommunisme de pacotille et sa vision unilatérale du monde.
Andrew V. McLaglen, 5 films avec le Duke : Le Grand McLintock (1963), Les feux de l’enfer (1968), Les Géants de l’Ouest (1969), Chisum (1970) et Les cordes de la potence (1973), quatre westerns sur cinq. McLaglen est un homme de western, au cinéma ou à la télévision où il réalise 6 épisodes de Rawhide avec Clint Eastwood, mais surtout 96 épisodes de Gunsmoke avec James Arness et rien de moins que 116 épisodes de Have Gun – Will Travel avec Richard Boone ! Il dirige au cinéma des gloires du genre perpétuant ainsi le western dans les cinémas : James Stewart dans Les prairies de l’honneur (Shenandoah, 1965) et Rancho Bravo (The Rare Breed, 1966), William Holden dans Bandolero ! (1968), le carré d’as : Kirk Douglas, Robert Mitchum et Richard Widmark dans La route de l’Ouest (The Way West, 1967), George Peppard dans Le dernier train pour Frisco (One More Train to Rob, 1971), Dean Martin dans Rio Verde (Something Big, 1971), et enfin, Charlton Heston et James Coburn dans La loi de la haine (The Last Hard Men, 1976), son dernier western pour le grand écran. Le western perdant petit à petit de son attrait, McLaglen se tourne vers le polar et le film de guerre. Il réalise un polar musclé efficace : Liquidez l’inspecteur Mitchell avec Joe Don Baker. Mais c’est en Europe qu’il trouve un second souffle à la fin des années 70.
Il enchaine en quatre ans : Les oies sauvages (1978), l’un des meilleurs films de commando de la fin du siècle dernier avec un casting royal : Richard Burton, Roger Moore, Richard Harris, Hardy Krüger, Stewart Granger. Il poursuit avec l’inégale La Percée d’Avranches (Steiner – Das Eiserne Kreuz, 1979) avec Richard Burton et Rod Steiger, sorte de suite à Croix de fer de Sam Peckinpah. Les loups de haute mer (North Sea Hijack, 1980) avec Roger Moore, James Mason et Anthony Perkins et enfin Le Commando de Sa Majesté (The Sea Wolves, 1980) avec Gregory Peck, Roger Moore (pour la troisième fois) et David Niven. Des films efficaces et solidement réalisés qui tiennent encore la route. La dernière partie de sa carrière est moins intéressante. De retour aux Etats-Unis, McLaglen reprend le chemin du petit écran avec une série d’unitaires de luxe dont le dispensable Les Douze salopards 2. Il remplace John Guillermin sur Sahara, un en sablage pathétique avec Brooke Shields et Lambert Wilson, sous la bannière en berne de la Cannon. Il se charge d’un autre projet aberrant : une suite au Pont de la rivière Kwaï de David Lean, au titre plutôt étrange : Retour de la rivière Kwaï (Return from the River Kwaï, 1989) avec Timothy Bottoms. Son dernier film : SAS – L’œil de la veuve (1991) une coproduction internationale est une bien médiocre adaptation des livres de Gérard de Villiers. Andrew V. McLaglen, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’était pas américain mais d’origine anglaise, il était né en juillet 1920 à Londres. Il est décédé en 2014. McLaglen n’était pas un auteur, mais un cinéaste qui savait tenir un budget et ses stars, grand spécialiste des tournages en extérieur. Curieusement, le film préféré d’Andrew V. McLaglen n’était un western, ni un film de guerre, mais le méconnu Le Rendez-vous des dupes (Fool’s Parade, 1971) comédie policière se déroulant dans les années 30, avec James Stewart, George Kennedy, Anne Baxter et Kurt Russell.
La force des Feux de l’enfer, se loge dans les impressionnants geysers de feu, du cinéma avec des effets réels, rien que pour cela le film d’Andrew V. McLaglen mérite le détour.
Fernand Garcia
Les Feux de l’enfer, une édition Éléphant Films, combo (Blu-ray + DVD) ou à l’unité, master HD impeccable avec en complément de programme : Y a pas le feu ! présentation du film par notre critique helvète préféré : Julien Comolli. «… ce film est une pièce de musée (.) un film qui appartient à une certaine époque » (22 minutes). La bande-annonce d’époque d’un film (3 minutes environ) et celles des autres films de la collection : Un cri dans l’ombre, L’Empire du Grec, La Triologie du Milieu et Tobrouk, commando pour l’enfer.
Les Feux de l’enfer (Hellfighters) un film de Andrew V. McLaglen avec John Wayne, Katherine Ross, Jim Hutton, Vera Miles, Jay C. Flippen, Bruce Cabot, Edouard Faulkner, Barbara Stuart, Edmond Hachim, Valentin de Vargas, Laraine Stephens… Scénario : Clair Huffaker. Directeur de la photographie : William H. Clothier. Décors : Alexander Golitzen et Frank Arrigo. Costumes : Edith Head. FX Matte Painting : Albert Whitlock. FX : Fred Knoth. Coordination des cascades : Hal Needham. Montage : Folmar Blangsted. Supervision musicale : Joseph Gershenson. Musique : Leonard Rosenman. Producteur : Robert Arthur. Production : Universal Pictures. Etats-Unis. 1968. 121 minutes. Technicolor. Panavision anamorphique. Format image : 2,35 :1. Son : DTS-HD Dual Mono 2.0 – DTS-HD Stéréo. Version originale avec ou sans sous-titres français et Version française. Tous Publics.