La section Paysage propose un panorama du meilleur du cinéma coréen d’aujourd’hui en 11 films : des films de genre aux films d’auteurs, des films commerciaux aux films indépendants en passant par des documentaires et des films expérimentaux. Dans le prolongement de ce que nous a offert la précédente édition du festival, les films de cette année tendent presque tous vers la thématique commune de la place de la femme dans la société coréenne.
BASEBALL GIRL de Choi Yun-tae
Soo-in vit pour le baseball. Elle est la seule fille de l’équipe du lycée et rêve de passer pro. Sa mère préfèrerait qu’elle trouve un boulot à l’usine, et son nouveau coach qu’elle quitte l’équipe. Mais Soo-in est déterminée à prouver à tout le monde qu’elle est faite pour devenir une joueuse de baseball professionnelle.
Délicat et précis dans le cadre, Baseball Girl (2019) nous montre le combat d’une femme qui cherche à prouver envers et contre tous, qu’elle peut atteindre son rêve. Portrait d’une jeune femme d’aujourd’hui, passionnée et déterminée. Déjà à l’affiche de Jane (2016) de Cho Hyun-hoon et de Jamsil (2016) de Lee Wan-min, diffusés au FFCP, la jeune comédienne Lee Joo-young est une fois encore remarquable dans ce film.
Né en 1982, Choi Yun-tae est diplômé de la Korean Academy of Film Arts. Baseball Girl est son film de fin d’études et son premier long-métrage.
Première européenne, Baseball Girl sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le jeudi 24 juin à 20h et le samedi 3 juillet à 14h30.
COMFORT de Emmanuel Moon-chil Park
Kim Soonak fut une femme de réconfort, dont le corps était offert malgré elle à l’occupant japonais, avant la fin de la deuxième Guerre mondiale et la libération de la Corée. Entre images d’archives, passages animés et entretiens, ce documentaire dresse le portrait d’une génération de femmes sacrifiées aux occupants de leur pays.
Né en 1978 à Toronto au Canada, Emmanuel Moon-chil Park est revenu en Corée du Sud avec sa famille dans les années 1980. Ce dernier étudie le documentaire à la Korean National University of Arts. Documentariste primé pour son premier long-métrage, My Place en 2013, qui suit la vie de mère de sa sœur et l’expérience de sa famille revenant s’installer en Corée après avoir vécu au Canada, il a développé une relation particulière avec le pays de ses origines en interrogeant notamment le lien qui unit les différentes générations de Coréens. Comfort (2020), son troisième long-métrage (il réalise Blue Butterfly Effect en 2017), en est une nouvelle incarnation autour de la figure de cette génération de femmes qui se prostituèrent pour gagner leur vie et survivre d’abord à un occupant, puis à un monde cruel. La parole de Kim Soonak est celle d’une femme qui a tu son histoire et ses souffrances. L’auteur multiplie les audaces formelles pour créer un film qui interroge sur la place des femmes dans une société où le sexisme règne toujours.
Comfort sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le mercredi 30 juin à 17h et le samedi 3 juillet à 17h30.
CRAZY ROMANCE de Kim Han-gyeol
Jae-hoon est au fond du trou : son mariage a été annulé. Pour oublier, il boit chaque soir avec ses collègues, envoyant des textos qui restent sans réponse à son ex. Il travaille dans une petite agence de pub dans laquelle vient d’arriver Sun-young, célibataire depuis qu’elle a largué son mec infidèle. Les étincelles vont vite crépiter entre ces deux fortes têtes qui vivent leur célibat bien différemment…
Avec sa vision cynique des relations humaines et amoureuses, Crazy Romance (2019) est une étonnante comédie romantique qui déjoue brillamment tous les codes du genre. La réalisatrice fait le choix dans ce film de prendre des personnages blasés par la vie. En effet, trompés et alcooliques, ceux-ci dénotent avec les profils que l’on peut habituellement observer dans les romances. A la fois drôle et acerbe dans ce qu’il raconte en filigrane à la fois sur les réseaux sociaux, les problèmes d’alcool qui ronge la société coréenne ou la pression qu’exerce la société sur les femmes trentenaires célibataires qui préfèrent continuer de séduire plutôt que de se « caser », Crazy Romance est surtout marqué par la connivence et l’alchimie que dégage le duo de comédiens Kang Rae-won et Gong Hyo-jin.
Né en 1985, Kim Han-gyeol a étudié le cinéma à l’Université Konkuk. Après quelques courts comme A Perfect Sight et Make Peace, Crazy Romance est son premier long-métrage.
Première française, Crazy Romance sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le mercredi 23 juin à 19h45 et le samedi 3 juillet à 20h.
DISPATCH; I DON’T FIRE MYSELF de Lee Tae-gyeom
Jeongeun, qui travaille dans une grande entreprise, est envoyée malgré elle dans une petite ville de province afin de travailler pour un sous-traitant de la maison-mère. Elle qui est habituée à travailler en bureau se retrouve dans une petite boîte de maintenance du réseau électrique, loin de chez elle, au milieu d’ouvriers et d’un cadre qui se demandent ce qu’une femme qui ne connaît rien au terrain vient faire parmi eux. Mais Jeongeun ne compte pas baisser les bras.
Ostracisée, moquée et laissée dans son coin, l’héroïne de Dispatch; I Don’t Fire Myself doit vivre au quotidien la discrimination au travail. Malgré cela, cette dernière va de l’avant et fait preuve d’une volonté d’acier pour prouver que son travail et elle valent autant que celui d’un homme. Avec une esthétique très travaillée et des décors naturels sublimes et hypnotiques Dispatch; I Don’t Fire Myself interroge sur la place de la femme dans la société coréenne. La comédienne Yoo Da-in a remporté un prix d’interprétation pour son rôle au dernier Festival International du Film de Jeonju.
Né en 1971, Lee Tae-gyeom a étudié le cinéma et le talchum, la danse théâtrale masquée traditionnelle coréenne. Après le court-métrage The Road Of Revenge en 2005, il a signé son premier long en 2008, Boy Director. Dispatch; I Don’t Fire Myself (2020) est son deuxième long-métrage.
Première européenne, Dispatch; I Don’t Fire Myself sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le dimanche 27 juin à 20h.
DUST AND ASHES de Park Hee-kwon
Fin d’après‑midi, Hae‑su quitte l’usine qui l’emploie pour enchaîner un autre job, dans la cuisine d’un restaurant. C’est seulement la nuit venue que la jeune femme achève sa journée de travail et peut rentrer chez elle. Cependant, Hae‑su a peur de pénétrer dans sa maison, comme si quelque chose d’insoutenable l’attendait. Au fil des jours, elle met progressivement en œuvre un plan pour se sortir d’une situation impossible…
A la fois drame social et thriller, Dust And Ashes est un film dont l’esthétique documentaire minimaliste lui confère une véritable étrangeté. Avec une mise en scène fluide qui suit l’héroïne du film sans rien nous dire de ses émotions ni de ses intentions, le cinéaste prend le parti de développer l’intrigue en suivant celle-ci dans la ville au fil de ses rencontres et de ses choix. Jour après jour, le spectateur suit donc la jeune Hae-su avec une angoisse de plus en plus marquée. Dust And Ashes témoigne de la détresse des plus vulnérables qui, mis au banc de la société, n’ont plus d’autres choix que de sombrer dans l’illégalité.
Park Hee-kwon a travaillé comme scénariste sur de nombreux films, dont Pandémie, de Kim Sang-soo, en 2013. En 2011, il a écrit et réalisé le court-métrage Neighbors. Dust And Ashes (2020) est son premier long-métrage comme réalisateur.
Première française, Dust And Ashes sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le jeudi 1er juillet à 18h et le dimanche 4 juillet à 10h45.
EVAPORATED de Kim Sung-min
Le 4 avril 2000, la petite Joon-woon, 6 ans, a disparu. Elle jouait dans le parc en bas de chez elle et n’est jamais rentrée à la maison. Quinze ans plus tard, son père n’a pas abandonné ses recherches, continuant à coller des affichettes partout et à s’informer auprès de la police. Alors que la famille de Joon-woon est profondément marquée par la tragédie, un nouveau témoignage pourrait relancer l’enquête…
Evaporated est un magnifique documentaire sur l’absence et le deuil. L’absence douloureuse et indicible d’une famille provoquée par son enfant disparu. Comment (sur)vivre, surmonter son chagrin ou faire son deuil après à une telle tragédie ? Au détriment de ceux qui sont toujours présents, le père de famille se consacre corps et âme à la recherche de sa fille disparue. Figure presque invisible mais bouleversante, c’est la fille aînée de la famille qui donne une vie au documentaire. La puissance d’Evaporated, c’est de montrer l’humain au cœur de la tragédie. Drame intime et déchirant, Evaporated est le portrait d’une jeune femme qui cherche sa place dans sa famille et dans sa propre vie.
Né en 1982, Kim Sung-min est diplômé de la Korea National University of Arts. Evaporated (2019) est son premier long-métrage.
Première européenne, Evaporated sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le mardi 29 juin à 19h45 et le samedi 3 juillet à 11h.
KIM JI-YOUNG, BORN 1982 (2019) de Kim Do-young
Kim Ji‑young est une épouse aimante et une mère attentionnée. Soucieuse de respecter les traditions familiales sud‑coréennes, la jeune trentenaire a quitté son travail dans une agence de relation publique pour se consacrer entièrement à l’éducation de sa fille. Ces valeurs ancestrales ne lui correspondent cependant pas, et Kim Ji‑young commence à perdre pied.
Adaptation du roman éponyme de Cho Nam‑joo paru en 2016, best‑seller vendu à plus d’un million d’exemplaires en Corée du Sud, l’intrigue de Kim Ji-young, Born 1982 expose la complexité et la difficulté pour une femme ordinaire à concilier aspiration professionnelle, vie privée et traditions dans la société sud‑coréenne d’aujourd’hui. À travers ce premier film, la réalisatrice Kim Do‑young développe un fort propos féministe qui tend vers l’universalisme. Le prénom de son héroïne, Ji‑young, fut d’ailleurs le prénom le plus donné aux filles nées en 1982. Ainsi, derrière cette histoire portée par Jung Yu‑mi et Gong Yoo (tous deux à l’affiche de Dernier Train pour Busan de Yeon Sang-ho), la réalisatrice utilise son personnage principal pour explorer la condition féminine en général et mettre ainsi en exergue le sexisme ordinaire.
Née en 1970, Kim Do-young s’est d’abord fait connaître comme actrice à partir du début des années 2000, depuis Oasis (2002) de Lee Chang-dong, jusqu’à Punch (2011) ou Killer Toon (2013). En 2012, elle écrit et réalise un premier court-métrage, The Visitor, suivi par Nothing (2014) et The Monologue (2017), récompensés dans divers festivals. Kim Ji-Young, Born 1982 (2019) est son premier long-métrage comme réalisatrice.
Kim Ji-Young, Born 1982 sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le dimanche 27 juin à 14h15.
LUCKY CHAN-SIL de Kim Cho-hee
Chan-sil est une productrice passionnée d’une quarantaine d’années qui a consacré sa vie à produire les films d’un seul et unique réalisateur. Aussi, quand celui-ci décède subitement, elle se retrouve seule, au chômage et sans le sou. Entre déménagements, petits boulots alimentaires et rencontres amoureuses, Chan-sil commence une nouvelle vie. Mais le cinéma ne se laisse pas quitter aussi facilement.
Pour son premier long-métrage, Kim Cho-hee allie à la fois réalisme et fantastique avec une maîtrise et une facilité déconcertante. A la fois drôle et dramatique, la liberté de ton et l’ironie dont fait preuve ici la cinéaste retranscrivent brillamment l’état d’esprit de son héroïne en crise. L’interprétation très juste de Gang Mal-geum donne une puissante densité au personnage de cette femme fantasque et attachante, qui, malgré les déconvenues, tente coute que coute de sauver les apparences. À travers Lucky Chan-sil et son personnage-titre, la réalisatrice Kim Cho-hee dresse un bilan doux amer sur le sacrifice d’une vie vouée à la création et à la passion. Lucky Chan-sil a multiplié les récompenses au Festival international du film de Busan et reçu le prix du public au Festival du film indépendant de Séoul.
Né à Busan en 1975, Kim Cho-hee a étudié la littérature française et le cinéma à la Sorbonne, à Paris. Elle a longtemps été la productrice d’Hong Sang-soo avant de passer elle-même derrière la caméra en 2016 avec le court-métrage Ladies of the Forest. Lucky Chan-sil (2019) est son premier long-métrage en tant que réalisatrice.
Lucky Chan-sil sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le dimanche 27 juin à 17h15.
MOONLIT WINTER de Lim Dae-hyung
Yoon-hee reçoit une lettre d’une personne qui fut son premier amour. Leurs vies semblent symétriques à bien des égards. Toutes deux semblent dans une impasse, arrivées à la quarantaine, sans amour véritable. La fille de Yoon-hee, qui a lu la lettre, la pousse à faire avec elle un voyage au Japon, pays où réside le grand amour de sa mère.
Découvert en clôture du Festival International du film de Busan, Moonlit Winter évoque la figure du premier amour. Il décrit l’histoire de deux femmes qui ne purent assumer la force de leurs sentiments à cause du conservatisme d’une société ne tolérant pas, ou que très peu, l’homosexualité exposée au grand jour. Tout en évitant les maladresses qui pourraient être embarrassantes, Lim Dae-hyung expose son intrigue avec pudeur. La lecture qu’il fait de la rigidité de la société coréenne est sans appel : les femmes n’ont aucune liberté dans leurs choix amoureux, sacrifiant leurs sentiments aux convenances. Mais l’espoir va venir d’une adolescente qui marque l’ouverture d’une nouvelle génération plus en phase avec ses émotions et ses sentiments.
Originaire de Keumsan, en Corée du Sud, Lim Dae-hyung est diplômé en cinéma de l’Université Hanyang, à Séoul. Remarqué en 2014 avec son court-métrage primé en festivals The World Of If, il signe son premier long en 2016, Merry Christmas Mr. Mo, projeté à l’époque au FFCP. Moonlit Winter (2019) est son second long-métrage.
Première française, Moonlit Winter sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le jeudi 24 juin à 17h et le dimanche 4 juillet à 13h.
NOT IN THIS WORLD de Park Jung-bum
Jung-cheol vit dans la montagne, observant le monde de loin. Il est fasciné par Ji-soo, jeune femme rêvant de devenir chanteuse mais travaillant dans la petite entreprise familiale de son père. Elle n’en peut plus de ce quotidien. Elle est prête à tout pour s’en extraire et prendre sa vie en main, quitte à basculer dans un univers malsain…
Film poétique qui imprègne les sens, Not In This World continue d’habiter le spectateur bien après sa vision. Le film dénonce avec puissance les conséquences dévastatrices que la violence sociale capitaliste amorale et immorale provoque sur la jeunesse coréenne qui, inconsidérée, aussi bien au sein de la famille que de la société ou encore de l’entreprise, voit ses aspirations et ses rêves disparaitre. Privilégiant l’image aux dialogues, le film de Park Jung-bum est une expérience cinématographique passionnante qui nous emporte aux confins de la psychologie humaine.
Park Jung-bum est diplômé en éducation physique de l’université de Yonsei et en cinéma de l’université Dongguk. En 2010, son premier long-métrage, The Journals Of Musan, lui a valu de nombreux prix à travers les festivals du monde entier. Après Alive (2015) et Height Of The Wave (2019), Not In This World (2019) est son 4ème long-métrage en tant que réalisateur.
Première française, Not In This World sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le lundi 28 juin à 19h et le vendredi 2 juillet à 16h.
WAY BACK HOME de Park Sun-joo
Jeong-won et son mari Sang-u forment un couple heureux. Ils sont sur le point d’emménager dans une nouvelle maison. Mais ce bonheur commence à vaciller quand Jeong-won reçoit un appel de la police l’informant que l’homme qui l’a agressée sexuellement il y a dix ans a été retrouvé. Elle n’a jamais parlé de cette agression à Sang-u, et le passé revient comme une ombre sur sa vie paisible d’aujourd’hui.
Premier long-métrage remarqué au Festival International du Film de Busan de la réalisatrice Park Sun-joo, Way Back Home parle de la force d’un traumatisme enfoui depuis dix ans et qui refait surface chez une femme qui croyait avoir réussi à trouver son équilibre. La violence des souvenirs du personnage principal restant hors-champ, la construction et la force du film reposent sur le mystère qui entoure les ressentiments et les non-dits d’une famille qui n’a jamais réussi à surmonter complètement l’événement en question. D’une grande beauté plastique, Way Back Home est le portrait bouleversant d’une femme et de sa relation avec sa jeune sœur.
Diplômée de l’université Konkuk, Park Sun-joo a passé son doctorat à l’université Hanyang. Elle a réalisé plusieurs courts-métrages, dont 1M, Between You And Me, Graduation Trip et Mild Fever, avant de signer avec Way Back Home (2019), son premier long-métrage en tant que réalisatrice.
Première européenne, Way Back Home sera projeté au Festival du Film Coréen à Paris le samedi 26 juin à 17h05.
Allant du blockbuster au film d’auteur indépendant, la sélection très alléchante de cette quinzième édition du Festival du Film Coréen à Paris met une fois encore à l’honneur un cinéma à l’exception culturelle singulière. Par sa diversité, son éclectisme et sa richesse, cette nouvelle édition s’annonce déjà exceptionnelle. N’hésitez plus! Venez découvrir le meilleur du cinéma coréen d’hier, d’aujourd’hui et de demain !
Steve Le Nedelec