Taw Jackson (John Wayne), libéré sur parole, revient à Emmett, après trois ans de prison. Emprisonné sur le faux témoignage de Frank Pierce (Bruce Cabot), Jackson découvre que celui-ci a fait main basse sur son domaine. Pierce y exploite un gisement d’or et chaque semaine une diligence blindée, transporte l’or vers la banque à quelques kilomètres. Jackson a un plan pour s’emparer de l’or. Pierce, de son côté, engage un tueur, Lomax (Kirk Douglas), pour tuer Taw Jackson…
Burt Kennedy c’est une carrière totalement dédiée au western. Fils de danseurs de music-hall, il est un héros de la Seconde Guerre mondiale multi décoré quand il débute en 1948 à la radio. Il se consacre à l’écriture toutes sortes de chroniques. Sur les conseils de James Edward Grant, un des scénaristes préférés de John Wayne, Burt Kennedy se lance dans la confection d’histoire de l’Ouest américain.
Kennedy écrit pour Budd Boetticher et Randolph Scott une série de classiques du genre : Sept hommes à abattre (Seven Men from Now, 1956), L’homme de l’Arizona (The Tall T, 1957), L’aventurier du Texas (Buchanan Rides Alone, 1985), La chevauchée de la Vengeance (Ride Lonesome, 1959) et Comanche Station (1960). Ces réussites majeures, le propulsent au panthéon des plus belles signatures du western. Au début des années 60, Burt Kennedy passe à la réalisation. Si ses westerns n’atteignent pas la perfection des mises en scène de Budd Boetticher, ils méritent bien mieux qu’un dédain hautain dont ils font l’objet de la part de bien des « puristes » du genre.
Burt Kennedy dépeint un Ouest post-légendaire où les héros ont de mal à exister et la violence en est devient plus âcre. Il suivra le chemin de tout le western et finira dans la parodie tout en restant respectueux des grands westerns de l’époque héroïque. La Caravane de feu n’est pas un scénario de Burt Kennedy qui se « contente » de la réalisation. Le script est signé par Clair Huffaker d’après un de ses romans. Auteur principalement de westerns, Clair Huffaker a quelques belles réussites à son actif : Les Comancheros (The Comancheros, 1961) de Michael Curtiz avec John Wayne, Rio Conchos (1964) de Gordon Douglas avec Richard Boone, Les 100 fusils (100 Rifles, 1969) de Tom Gries avec Raquel Welch et Jim Brown, Chino (Valdez il mezzosangue, 1973) de John Sturges avec Charles Bronson.
Burt Kennedy et John Wayne se connaissent depuis les années 50. Burt Kennedy avait écrit pour la société de l’acteur, Batjac Productions, une série TV sur un Mexicain, mais qui n’aboutit pas. Wayne épuisé par le tournage de La Prisonnière du désert, refuse le rôle principal de Sept hommes à abattre, Randolph Scott le récupère et Budd Boeticher le réalise, c’est le premier film de ce qu’il est, désormais, connu sous le nom du « Ranown Cycle ». Wayne exprimera de sacrés regrets à la vue du film. Burt Kennedy écrit pour Batjac les deux premiers films de cinéma d’Andrew V. McLaglen : Man in the Vault (1956) un film noir avec William Campbell et Anita Ekberg et Gun the Man Down (1956) western avec James Arness et Angie Dickinson. Il participe au scénario d’Alamo (1960) de John Wayne.
Burt Kennedy a 44 ans et huit films derrière lui quand il se lance dans la réalisation de La Caravane de feu en septembre 1966. Pour la première fois, il dirige John Wayne, ils se retrouveront en 1973 pour Les voleurs de train. C’est la troisième rencontre entre John Wayne et Kirk Douglas, mais leur premier western ensemble après avoir partagé l’affiche dans deux films de guerre : Première victoire (In Harm’s Way 1965) d’Otto Preminger et L’ombre d’un géant (Cast a Giant Shadow, 1966) de Melville Shavelson. L’entente devait être excellente entre les deux acteurs pour faire enchaîner quasiment trois films en trois ans. Le « couple » fonctionne parfaitement dans La Caravane de feu avec un excellent dosage oscillant entre amitiés viriles, filouterie, roublardise et cynisme.
C’est un régal de voir Wayne et Douglas réunis dans un western. Kirk Douglas compose un tueur à gages, as de la gâchette, hédoniste, porté sur l’exotisme, attiré par les belles étrangères. Lomax (tel est le nom de son personnage) loge dans un saloon, à la décoration sino-japonaise, entouré d’une horde de charmantes Asiatiques. C’est pour le moins cocasse. Il faut le voir parader en kimono noir devant Wayne en pyjama une pièce rose. Par la suite, il opte pour une chemise noire en cuir du meilleur effet. Aussi doué pour dégainer que pour faire vaciller les femmes, Lomax n’hésite pas à utiliser ses dons de dragueur auprès d’une belle mexicaine afin d’obtenir des renseignements tandis que son partenaire Taw Jackson, s’échine à faire parler de pauvres péons. Le film joue à plein sur une opposition traditionnelle entre progressiste (Douglas) et conservateur (Wayne), les deux caractères s’additionnant pour le plaisir du spectateur.
La Caravane de feu se situe dans la carrière de John Wayne entre El Dorado, magnifique variation sur Rio Bravo par Howard Hawks et sa deuxième réalisation Les bérets verts (1968). Burt Kennedy avoue avoir laissé Wayne se diriger lui-même, mais était-il besoin de lui en dire plus, après tant de westerns ? Wayne est dans son élément. Il n’a qu’à entrer dans le champ pour charrier toute une histoire mythologique de l’Ouest tel que façonné par le cinéma. On peut comprendre le plaisir qu’a Kennedy à le filmer.
De très bons acteurs entourent les deux stars : Howard Keel, en Indien, Robert Walker, Jr., Keenan Wynn, Bruce Dern, Gene Evans, « El Indio » Emilio Fernandez. Bruce Cabot est le méchant de l’histoire. Découvert dans King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, Bruce Cabot, d’origine française, est né sous le nom de Etienne Pelissier Jacques de Bujac au Nouveau-Mexique. Irving Thalberg lui donne l’occasion de faire du cinéma à la MGM. Bruce Cabot n’atteindre jamais la célébrité, mais suivra un parcours d’acteur de complément particulièrement prisé des réalisateurs de films de gangsters. Il se lie d’amitié avec John Wayne sur le plateau de L’Ange et le mauvais garçon (Angel and the Badman, 1947), ni une ni deux, il intègre la « troupe » du Duke pour onze films.
La Caravane de feu est un western particulièrement divertissant, spectaculaire et sympathique. Les paysages mexicains sont magnifiquement rendus par le CinemaScope de William H. Clothier. Une pointure dans la direction de la photographie des grands espaces. Une carrière quasi intégralement consacrée au western. Pas moins de 21 films avec John Wayne comme acteur ou producteur, depuis Le Massacre de Fort Apache de John Ford en 1948 jusqu’au Voleur de trains en 1973, son dernier film. Wayne lui avait confié la photo d’Alamo.
D’excellentes scènes d’action parsèment l’histoire de La Caravane de feu. Aussi curieux que cela puisse paraître certaines séquences sont scénaristiquement un peu faible, entre autres, le retour de Taw Jackson chez lui pendant que Lomax vole la nitro. Burt Kennedy se rattrape sur l’action. L’attaque de la diligence blindée avec sa mitrailleuse dans la tourelle et l’explosion du pont sont de beaux moments de bravoures. S’ajoutent un humour de chaque instant et un final, avec de la farine, des plus réjouissants. Du spectacle avant tout pour un vrai moment de cinoche.
Fernand Garcia
La Caravane de feu, une édition collection Silver (Combo DVD + Blu-ray) pour Western de légende chez Sidonis Calysta, dans un magnifique Master Haute Définition. En complément : une présentation du film par Jean-François Giré : « un western traité sur le ton de la comédie »(9 minutes) et un document d’époque : Anatomie de l’action, sur le tournage du film (7 minutes).
La Caravane de feu (The War Wagon) un film de Burt Kennedy avec John Wayne, Kirk Douglas, Howard Keel, Robert Walker Jr., Keenan Wynn, Bruce Cabot, Joanna Barnes, Valora Noland, Bruce Dern, Gene Evans, Terry Wilson, Emilio Fernandez, Don Collier, Ann McCrea… Scénario : Clair Huffaker d’après son roman. Réalisateur 2e équipe : Cliff Lyons. Directeur de la photographie : William H. Clothier. Décors : Alfred Sweeney. Costumes : Oscar Rodriguez. FX visuels : Albert Whitlock. Montage : Harry Gerstad. Musique : Dimitri Tiomkin. Producteur : Marvin Schwartz. Production : Batjac Productions – Marvin Schwartz Productions – Universal Pictures. Etats-Unis. 1967. 101 minutes. Technicolor. Panavision Anamorphique. Format image : 2.35 :1. 16/9e Son : Version originale avec ou sous-titres française et Version française. DTS-HD. Tous Publics.