Dick Richards est un réalisateur né trop tard. Il était fait pour enchainer les films de studio dans les années 30/40, au plus fort de l’industrie Hollywoodienne. Ses films sont toujours un peu en décalage avec leur époque, ce qui n’est pas un tort et ajoute à leur charme un peu suranné. Il exerce dans des genres qui à l’époque ont, à des degrés divers, disparu des écrans : le western avec La poussière, la sueur et la poudre (The Culpepper Cattle Co., 1972) avec Gary Grimes. Le film noir avec Adieu ma jolie (Farewell, My Lovely, 1975) d’après Raymond Chandler avec Robert Mitchum, Charlotte Rampling, Sylvia Miles, John Ireland, Harry Dean Stanton, Sylvester Stallone. Le film d’aventures coloniales Il était une fois… la légion (March or Die, 1977)avec un cast international : l’américain Gene Hackman, la française Catherine Deneuve, l’italien Terence Hill, le suédois Max von Sydow, l’anglais Ian Holm, etc. Des films réalisés dans le style et l’esprit de l’âge d’or hollywoodien qui suscitent aussitôt la sympathie et l’indulgence du cinéphile.
La vallée de la mort arrive sur les écrans en 1982. Dick Richards aborde un nouveau genre : le film d’épouvante. Encore une fois, il se démarque des films de l’époque avec une approche plus douce et moins radicale dans la violence. Le début a de quoi surprendre avec son aspect film Kramer contre Kramer (Kramer vs Kramer, 1979) et sa lumière automnale. Billy, un jeune garçon, quitte son père pour rejoindre sa mère qui l’emmène à Phoenix (Arizona) où elle lui présente son nouvel ami, Mike. Le petit garçon est perdu. Profondément attaché à son père et à sa mère, il se retrouve séparé d’un des deux éléments qui constituent sa vie. Il rejette la ville trop éloignée de son cadre traditionnel : New York. Quant au petit ami de sa mère, malgré ses efforts, il lui est aussitôt antipathique. Il est l’inverse de son père, professeur à Princeton, un vulgaire cow-boy. En bon spectateur du genre, on attend fébrilement les scènes choc. Richards joue sur cette attente avec une séquence très réussie dans un mobil home, ses jeunes érotisés, son couteau et son lot d’allusions sexuelles pour finalement se conclure dans le sang. Malgré ses « effets », La vallée de la mort est un film d’horreur vu à travers les yeux d’un enfant.
La vallée de la mort est un lieu mythique depuis l’éblouissement monstrueux et final des Rapaces d’Erich von Stroheim. Ce désert est instantanément entré au Panthéon cinéphilique. Depuis, le désert s’est « civilisé », avec ses longues routes, ses ranchs isolés, mais son atmosphère étouffante n’en demeure pas moins un lieu de dangers, de fantasmes et de mort. Dans cet espace aride, écrasé de chaleur le jour et pétrifié de froid la nuit, l’homme peut donner libre court à ses penchants pervers et violents, loin de tout, en toute impunité. Le monde des adultes est un territoire tout aussi étrange, c’est ce que découvre le petit Billy. Le film raconte un voyage initiatique, un passage des rives dorées de l’enfance à celles, sombres et inquiétantes, de l’adolescence. Ce passage est un thème important et récurrent dans l’histoire du cinéma tant les possibilités et l’expression des sentiments peuvent être divers et riches de particularismes. L’enfance au cinéma est un grand classique émaillé de chefs-d’œuvre, dont il serait fastidieux de faire une liste, même réduite à quelques titres. La vallée de la mort n’est pas sans défauts, pourtant il gagne en force à chaque vision, comme si sa musique secrète ne se révélait qu’à un spectateur attentif.
Le film est produit par Elliott Kastner, ex-agent devenu producteur au milieu des années 60. Il s’agit de sa deuxième production sur trois avec Dick Richards à la réalisation après Adieu ma jolie et avant Un homme, une femme et un enfant (Man, Woman and Child, 1983). Son beau carnet d’adresses lui permet de monter des films sur des stars : Paul Newman, Détective Privé (Harper, 1966), Richard Burton et Clint Eastwood, Quand les aigles attaquent (Where Eagles Dare, 1968), Elliott Gould, Le Privé (The Long Goodbye, 1973), Charles Bronson, Le solitaire de Fort Humboldt (Breakheart Pass), Marlon Brando et Jack Nicholson, Missouri Breaks (1976), Richard Burton, Equus (1977), Robert Mitchum, Le grand sommeil (The Big Sleep, 1978), Roger Moore, James Mason et Anthony Perkins, Les Loups de haute mer (North Sea Hijack, 1980), Franck Sinatra et Faye Dunaway, De plein fouet (The First Deadly Sin, 1980), Mickey Rourke et Robert De Niro, Angel Heart (1987), etc. Elliott Kastner a toujours privilégié des scénarios s’inscrivant dans une mythologie hollywoodienne avec des touches de modernité dans l’air du temps, ce qui a permis à la grande majorité de ses productions de passer le barrage du temps. Il fut par ailleurs un des premiers producteurs américains à installer ses bureaux en Europe (Angleterre).
Dick Richards était un photographe de renommée mondiale avant de devenir responsable de campagne publicitaire pour de grandes marques américaines : Coca-Cola, Polaroid, General Motors, etc. Son travail est primé dans les grandes manifestations dédiées à la publicité. Il passe à la réalisation en 1972 avec La poussière, la sueur et la poudre. Richards est aussi producteur de Tootsie (1982) immense succès de Sidney Pollack avec Dustin Hoffman. Dick Richard s’est toujours entouré de techniciens de grand talent. Pour La Vallée de la mort, à la photo, Stephen H. Burum qui signe par la suite deux Coppola esthétiquement fabuleux : The Ousiders (1983) et Rusty James (Rumble Fish, 1983) avant de devenir le chef op attitré de Brian De Palma : Body Double (1984), Les Incorruptibles (The Untouchables, 1987), Outrages (Casualties of War, 1989), L’esprit de Caïn (Raising Cain, 1992), L’Impasse (Carlito’s Way, 1993), Mission : Impossible (1996), Snake Eyes (1998) et Mission to Mars (2000). Joel Cox débute comme monteur sur Adieu ma jolie de Dick Richards, avant de monter l’année suivante L’inspecteur ne renonce jamais (The Enforcer, 1976) troisième aventure de Dirty Harry réalisé par James Fargo. A partir de ce film, Joel Cox devient le monteur de tous les films de Clint Eastwood et ce jusqu’à ce jour.
La vallée de la mort, l’horreur sous le soleil…
Fernand Garcia
La Vallée de la mort une édition Éléphant Films, pour la première fois en Blu-ray, combo (blu-ray-DVD) et unitaire, master HD, avec en complément : La vallée à des yeux, une présentation du film par Julien Comelli de ce « film rare qui avait complètement disparu de l’ère de la VHS » (13 minutes). Une galerie photos et la bande annonce du film et enfin les films dans la collection : Extra Sangsues, La Ferme de la terreur, Enfer mécanique, La Sentinelle des maudits, Le Beau-père, Le Beau-père 2, Massacre dans le train fantôme, L’Île sanglante, La Nurse et Le fantôme de Milburn.
La Vallée de la mort (Death Valley) un film de Dick Richards avec Paul Le Mat, Catherine Hicks, Stephen McHattie, A. Wilford Brimley, Peter Billingsley, Edward Herrmann… Scénario : Richard Rothstein. Directeur de la photographie : Stephen H. Burum. Décors : Allen H. Jones. Montage : Joel Cox. Musique : Dana Kaproff. Coproducteurs : Stanley Beck et Richard Rothstein. Producteur : Elliott Kastner. Production : Universal Pictures. Etats-Unis. 1982. 88 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. Son : Version Française 2.0 ou Version originale avec ou sans sous-titres français en 2.0 ou en 5.1. DTS-HD Master audio. Interdit aux moins de 12 ans.