L’Etrange Festival débute ce 2 septembre 2020 dans un étrange monde. Le Covid a transformé nos relations, imposant une distanciation sociale plutôt qu’une distanciation sanitaire, une sorte de sentiment de suspicion a fini par gagner les populations. La méfiance des uns envers les autres s’est propagée avec plus force que la maladie elle-même. Nous sommes de plain-pied dans un film de David Cronenberg, où l’extérieur, de manière invisible, a contaminé l’intérieur. Par un fait du hasard, l’ombre du grand cinéaste canadien plane sur la sélection de cette XXVIe édition.
Ce siècle à 20 ans et n’a rien d’exaltant, la création est pétrifiée, la déconstruction élaborée au siècle dernier poussé à bout par les élites bien-pensantes a engendré un monde abreuvé de victimisation, de pseudo-démystification, de paranoïa et de violence exacerbée. La culture, et plus particulièrement le cinéma, soumis au politiquement correct, aux sinistres diktats des Cultural Studies et à la Cancel Culture, s’est déconnecté de son histoire et de sa fonction populaire. Des têtes pensantes (qui possèdent les cordons de la bourse) aux pauvres auteurs (scénaristes et réalisateur) en passant par des acteurs qui ne peuvent plus être qu’eux-mêmes sur l’écran, ont transformé un art en un véritable champ de ruines. Des produits (sans auteur) habillés des horribles oripeaux d’une morale destructrice ont envahi les salles telles de métastases annonciatrices d’une mort programmée.
L’imaginaire, le rêve, la transgression, l’amour disparaissent des écrans. Chaque film n’est plus qu’une fastidieuse leçon de morale dans une chapelle de lieux communs égrenés par de petites gens sans qualités à la culture formaté. Dans ce paysage plombé, L’Etrange Festival, né au siècle dernier sous les arcades d’un imaginaire libérateur, pourra-t-il survivre encore longtemps ? Non pas faute de volonté ni de public, mais tout simplement de films. Reste un mince espoir que des marges, un cinéma de résistance, de retour aux fondamentaux, de l’intelligence, du désir et du populaire, puisse ressurgir.
Dans un champ de liberté de création qui se réduit de jour en jour, L’Etrange Festival avec 43 longs métrages et 68 courts, reste un festival de désir, de découverte et de lutte. Alors, en tant que critique et festivalier, il nous faut vivre chaque édition comme la dernière, d’où l’urgence d’être là, où le cœur de la cinéphilie bat encore…
Fernand Garcia