La fête bat son plein sur le campus. Jeff (Peter Barton), Marti (Linda Blair), Seth (Vincent Van Patten) et Denise (Suki Goodwin) rêvent d’être admis dans l’association estudiantine Alpha Sigma Rho. Pour y entrer, ils doivent participer à un rite initiatique bien particulier : passer une nuit dans le manoir Garth, réputé hanté depuis l’assassinat d’une famille douze ans auparavant. Il s’agit, dans l’esprit du maître de cérémonie, Peter (Kevin Brophy), d’une blague. Aidé par deux amis, May (Jenny Neumann) et Scott (Jimmy Sturtevant), Peter a mis en place tout un tas de systèmes qui commandent des effets macabres destinés à terroriser durant la nuit nos quatre prétendants… sauf que le manoir est réellement hanté !
Hell Night est un fleuron oublié de l’âge d’or du slasher du début des années 80. L’histoire reprend le thème du manoir abandonné et hanté du cinéma gothique hollywoodien, mais le romantisme élisabéthain est subverti par la violence du slasher naissant. Aux oubliettes les âmes en quête d’absolu et les fantômes bienveillants. Le scénario de Randolph Feldman s’inscrit dans la filiation de Black Christmas (1974) de Bob Clark, œuvre pilier du genre. Exit le romantisme et le surnaturel, le manoir cache dans ses entrailles une belle brochette de dégénérés cloîtrés depuis une épouvantable tuerie. La légende urbaine prend vie et la confrontation entre les jeunes et les Troglodytes va tourner au jeu de massacre.
Hell Night est l’œuvre de Tom DeSimone, plus connu sous le pseudo de Lancer Brooks, spécialiste du cinéma porno gay américain des années 70. Entre deux films X, il dirige un « tradi » : Prison Girls (1972) tirant parti des formes avantageuses de son casting entièrement féminin pour les besoins de la 3D. Toutefois, pendant une dizaine d’années, Tom DeSimone ne réalise, à de rares exceptions près, que des pornos gays. Hell Night va lui permettre d’aborder d’autres rivages du cinéma d’exploitation (avec une prédilection pour les femmes en mode vigilante) et même d’entamer une carrière à la télévision. Ce « va-et-vient » entre pornos et films d’horreur n’est pas une nouveauté et aura permis à quelques réalisateurs de se faire la main. Les plus célèbres se nomment Wes Craven (Freddy, les Scream…) ou William Lustig (Maniac, Vigilante…).
Tom DeSimone soigne particulièrement sa mise en scène de Hell Night, mais on le sent parfois dépassé par l’ampleur d’un tournage de nuit. Il est aidé dans sa tâche par le directeur de la photographie Mac Ahlberg. C’est le producteur Irwin Yablans (celui d’Halloween), impressionné par l’image d’un film suédois, Fanny Hill, vu à la télévision, qui contacte son directeur de la photographie (qui est aussi son réalisateur) Mac Ahlberg et le fait venir à Hollywood. Son travail est limite dans les basses lumières. On devine sans peine l’énergie qu’il a fallu déployer pour éclairer ces grandes plages extérieures, et le temps pour régler chaque mouvement d’appareils et le déplacement des acteurs au cœur de la nuit. Résultat, le tournage va prendre un retard considérable sur le plan de travail, ce qui dans le cadre financièrement limité d’une petite production est toujours problématique. Toutefois, le résultat à l’écran est payant par ses qualités esthétiques, Hell Night sort du tout-venant de la série B industrielle américaine de l’époque.
Le film de Tom DeSimone gagne même en puissance au fur et à mesure que le film avance. Une fois la mise en place expédiée, l’action se déploie en un suspense particulièrement bien mené. Une petite déception : l’érotisme trop discret du film. Curieusement, les réalisateurs ayant œuvré dans le film de cul, sont souvent atteints d’un excès de pudeur dès qu’ils abordent un autre genre, comme si le sexe devait être confiné dans le porno. Reconnaissons à Tom DeSimone une certaine malchance avec sa grande scène de sexe. Vincent Van Patten refuse d’aller trop loin avec sa partenaire, la délicieuse Suki Goodwin, afin de ne pas nuire à son père, Dick Van Patten, acteur vedette de séries télé pour la famille ! La scène est assez bizarre avec son couple en ombre chinoise. Il ne reste plus à DeSimone qu’à mettre en valeur le décolleté de Linda Blair. Dur pour un gars à l’imagination sexuelle débordante. Il avait signé une étrangeté soft, Le sexe qui chante (Chatterbox, 1977), où une jeune coiffeuse devenait une étoile d’Hollywood grâce à son vagin parlant ! Signalons, une fois n’est pas coutume, que les Français ont fait plus fort, du moins plus explicite, avec le cultissime X : Le Sexe qui parle (1975)de Claude Mulot.
Linda Blair est évidemment la star de Hell Night. Son nom reste indissociable de L’Exorciste où elle incarne la petite Regan possédée par une entité diabolique. Elle reste associée au genre et à toutes les diableries du genre, même si elle est apparue dans d’autres films, 747 en péril (Airport 1975, 1974) ou Victoire à Entebbé (Victory at Entebbe, 1976). Son air poupin, qui lui donnait un visage à la limite disgracieux, ne joue pas en sa faveur. Pourtant Linda Blair pouvait donner une véritable consistance à ses personnages, bien que pour celui-ci son jeu ait été parfois moqué. Dans Hell Night, elle donne le meilleur d’elle-même dans les scènes où elle est seule.
Evidemment dans Hell Night, la mort frappe par surprise, violemment, mais sans excès gore, dans une tension qui va crescendo. Tom DeSimone tient son film, sa course-poursuite dans les souterrains du manoir a de quoi terroriser les spectateurs les plus blasés. Le meilleur est dans l’enchaînement de la dernière demi-heure, laissant Linda Blair seule, en panique, dans les jardins de la maison jusqu’à la confrontation finale, un grand moment de cinéma.
Quentin Tarantino considère Hell Night comme l’un des meilleurs slashers du pays de l’Oncle Sam.
Fernand Garcia
Hell Night est disponible (en combo) chez Rimini Editions en supplément : La Beauté de l’horreur, une interview de Linda Blair. L’actrice de l’Exorciste livre un beau témoignage sur le film et accessoirement sur le déroulement d’un tournage de série B à Hollywood au début des années 80 (35 minutes). Nuits en enfer, interview de Tom DeSimon devant l’impressionnante villa du film (27 minutes). La Conception gothique, interview de Steven G. Legler, chef décorateur, sur les différents décors de Hell Night (22 minutes). Cette belle édition s’accompagne du livret très complet sur la création et les différents artisans de Hell Night par Marc Toullec (20 pages).
Hell Night un film de Tom DiSimone avec Linda Blair, Vincent Van Patten, Kevin Brophy, Peter Barton, Jenny Neumann, Suki Goodwin, Jimmy Sturtevant… Scénario : Randolph Feldman. Directeur de la photographie : Mac Ahlberg. Décors : Steven G. Legler. Costumes : Lennie Barin. Montage : Tony Di Marco. Musique : Dan Wyman. Producteurs exécutifs : Joseph Wolf et Chuck Russell. Producteurs : Irwin Yablans et Bruce Cohn Curtis. Production : BLT Productions Ldt. Etats-Unis. 1981. Metrocolor. Format image : 1,85 :1. Son : Version Française et Version originale avec ou sans sous-titres français. Sélection Festival du Film Fantastique de Paris, 1981.