Retour à la réalité
Nous sommes en 1979 et Robert Wise est à la tête du projet d’adaptation de la série Star Trek au cinéma. Le film est ample. Ambitieux. Il vient après 2001 : l’odyssée de l’espace, forcément. Heureux de retrouver toute l’équipe de l’Entreprise au grand complet pour une aventure bigger than TVscreen, nous nous lançons à corps perdu dans l’aventure d’une mission périlleuse de protection de notre planète contre une entité extraterrestre hors du commun.
Toute la mythologie science fictionnelle de l’univers Star Trek est là. Stratégie d’approche, menace en compte à rebours, exploration intersidérale, échange dialectiques entre espèces différentes. La magie opère et nous sommes à notre tour, spectateurs, happés par l’aventure et l’inconnu qui nous intrigue et nous angoisse. Cramponnés que nous sommes aux rambardes circulaires du poste de commandement. Puis vient l’identité de notre ennemi : Vger.
Recherche d’information, gain de temps, stratégie d’évitement, apprentissage mutuels. Vger est coriace. Il n’a qu’un but et il est existentiel. L’orgasme narratif est à son apogée pour tout fan de science fiction qui se respecte et j’en fais partie. Mais rien ne m’avait préparé à ça. Rien depuis 2001, ne m’avait questionné de la sorte sur le sens profond de l’existence et par extension, sur le sens de la narration hollywoodienne postmoderne 34 ans avant le Gravity d’Alfonso Cuaron.
En établissant que l’origine du mal qui menace la terre vient du premier satellite lancée par l’homme et dérivant à travers l’espace symbolisant l’effet papillon ultime, L’univers fictionnel de Star Trek affronte son créateur, la réalité scientifique. Il fait face à sa propre archéologie qui à travers cette histoire pénètre de plein fouet sa fiction avec une réalité cauchemardesque de dépotoir à ciel ouvert formant année après année une ceinture orbitale de satellites qui aujourd’hui prend des proportions catastrophique.
A partir du 2e opus, les histoires des films Star Trek retrouveront le chemin de l’imaginaire intergalactique cher aux fans de la série. Niant par là même l’introspection passionnante que soulevait l’existence d’une créature de Frankenstein intergalactique créer par l’homme et abandonnée à son propre sort. En cela, le film de Robert Wise est l’un des films de science fiction les plus passionnants qu’il soit. La raison en est que les interrogations légitimes et nécessaires de l’équipage de l’Entreprise tout au long de l’histoire ne peuvent trouver de réponses logiques à cette menace. Elles se trouvent dans la réalité. Le film de Robert Wise sert à boucler la définition même de science fiction : L’extrapolation de la science au service d’un futur imaginaire mais potentiellement possible.
En 2020, nous pouvons affirmer que l’extrapolation de 1979 est juste et vérifiable. Les outils de la conquête spatiale sont aussi une menace pour l’humanité. La question est de savoir si, comme le scénario le propose, l’humanité échapperait à la catastrophe si elle accepte de s’accoupler avec les machines. Quatre ans plus tard, David Cronenberg en donnera une réponse avec sa nouvelle chaire. Tout est lié incontestablement.
Lionel Fouquet
Star Trek, le film, disponible en Blu-ray, édition remasterisée, chez Paramount Pictures avec en complément : Commentaire audio de Michael & Denise Okuda, Judith & Garfield Reeves-Stevens et Daren Dochterman. Le plus long voyage : écrire le film (10’44 »). Réunion spéciale Star Trek (9’37 »). Brief SCISEC 001 de Starfleet : le mystère V’ger (4’24 »). 11 scènes inédites (8’02 »). Teaser (2’10 »). La Bande-annonce cinéma (2’29 ») et 7 spots pub (3’39 »).
Star Trek, le film (Star trek – The Motion Picture) un film de Robert Wise avec William Shatner, Leonard Nimoy, DeForrest Kelley, James Doohan, George Takei, Majel Barrett,Walter Koenig, Michelle Nichols, Persis Khambatta, Stephen Collins… Scénario : Harold Livingston d’après une histoire d’Alan Dean Foster et les personnages créés par Gene Roddenberry. Directeur de la photographie : Richard H. Kline. Décors : Harold Michelson. Costumes : Robert Fletcher. Montage : Todd Ramsay. Musique : Jerry Goldsmith. Producteur : Gene Roddenberry. Production : Paramount Pictures – Century Associates – Robert Wise Productions. Etats-Unis. 1979. 132 minutes./136 minutes Director’s Cut. Metrocolor. Panavision. Format image : 2.39:1. Son : Version originale et Version française. Dolby Digital EX. DolbyTrueHD. Tous Publics.