Soirée du nouvel an entre étudiants en Ecole de médecine. La fête bat son plein en âneries de toutes sortes, l’alcool coule à flots, l’ambiance est aux mauvaises blagues. Kenny (Derek MacKinnon), un jeune garçon timide, est encouragé par ses camarades à suivre Alana (Jamie Lee Curtis) dans une chambre pour y tirer sa crampe. C’est une blague, Alana et sa copine Mitchy (Sandee Currie) sont dans la combine. Émoustillé par la voix suave d’Alana, Kenny se déshabille et la rejoint dans le lit. Il s’apprête à l’embrasser quand le malheureux découvre qu’il s’agit du cadavre d’une vieille dame, tout juste sortie de la morgue. Le choc est terrible. Une sale blague ! Trois ans plus tard, les jeunes fêtent leurs diplômes de fin d’études dans un vieux train affrété spécialement pour la soirée…
Terror Train ou Le Monstre du train (son titre pour la sortie en France) se situe à une période précise. Il est dans les rails d’Halloween, le succès monstre de John Carpenter. Impressionné par le film, David Grodnik est un jeune homme traînant dans les arcades du cinéma. Il décide de mettre en chantier un slasher en combinant Halloween a un autre succès, l’excellente comédie TransAmerica Express (1976) d’Arthur Hiller. A l’un, il reprend l’idée du tueur masqué en liberté, à l’autre l’idée d’un train en folie. Résultat, une fête de fin d’année dans un train. Evidemment à l’intérieur le tueur victime d’un traumatisme et dont l’unique but est de tuer les auteurs de son humiliation. Grodnick réussit à convaincre les producteurs Sandy Howard et Harold Greenberg de se lancer dans l’aventure. Ils lui commandent un traitement à partir duquel Thomas Y. Drake, met en place le scénario. La principale faiblesse du film réside dans son principe même, parfois trop schématique. La progression de l’enquête en vue de démasquer le tueur s’accroche tant bien que mal aux wagons du Crime de l’Orient Express d’Agatha Christie. Mais la variété des meurtres apporte un côté divertissant qui accentue le point faible de Terror Train : le peu d’effets gore. A ce niveau-là le film à un train de retard. Au même moment surgit sur les écrans Vendredi 13, autre ersatz d’Halloween, mais jouant à plein sur une surenchère d’effets gore. Terror Train n’a pas la force angoissante d’un thriller horrifique ni la violence d’un slasher sanglant, mais certaines scènes violentes, au tempo impeccable, sont particulièrement réussies comme celle dans les toilettes du train.
Toujours est-il qu’en ce début des années 80, la censure française, n’y va pas de main morte avec Terror Train : En avril 1981, le pauvre convoi écope d’une interdiction aux moins de 18 ans ! Rappelons-nous que le cinéma d’horreur a toujours subi les foudres de la censure, ses membres refusant d’y voir la moindre qualité artistique. Et pourtant Terror Train n’en manque pas. La grande qualité du film est sa photographie. Il faut dire qu’elle est signée par l’un des plus grands, John Alcott. Il est même étonnant de trouver une telle pointure sur un si petit film, le premier surprit fut d’ailleurs son réalisateur, Roger Spoostiswood. Alcott venait de sortir du tournage de The Shining (1980) de Stanley Kubrick quand il se retrouve du côté de Toronto en décors naturels pour Terror Train, après de longs mois en studio. C’est Sandy Howard, le producteur, qui le contacte et le convainc de participer à cette petite production. Howard veut que son film ait une image de première qualité, il a bien raison. La qualité du travail de Alcott (et de son équipe lumière) donne tout son cachet à Terror Train. Alcott travaille dans les bases lumières, avec des noirs profonds, les personnages semblent sortir des ténèbres. Il éclaire avec toutes sortes de spots de couleur et des guirlandes de lumière (source généralement à l’image et en situation). Il utilise des objectifs à très grande ouverte mis au point pour Barry Lyndon afin d’obtenir dans ces conditions limites une image sur la pellicule. Il faut dire qu’avec Stanley Kubrick, il est un habitué des expérimentations et des challenges, depuis 2001 l’odyssée de l’espace (2001 : A Space Odyssey, 1968), où il seconde Geoffrey Unsworth, Orange mécanique (A Clockwork Orange, 1971), Barry Lyndon (1975), – une des photographies les plus extraordinaires de l’histoire du cinéma -, à The Shining. Alcott aux côtés de Kubrick a su innover et marquer les esprits par la puissance de ses images. Ce très grand, entre deux Kubrick, n’a pas hésité à se mettre au service de petits films (par les moyens).
Terror Train est pour la jeune et belle Jamie Lee Curtis son deuxième slasher après Le Bal de l’horreur (Prom Night, 1980) de Paul Lynch qu’elle enchaîne au Canada, terre promise des petits budgets d’horreur. Actrice idéale pour le genre, elle sait parfaitement exprimer les sentiments extrêmes, terreur, peur, dégoût, angoisse, d’une femme plongée dans une spirale de l’horreur, tout en restant d’une grande subtilité dans l’expression de sentiments plus intimes, compassion, regrets, etc. Dans Terror Train, elle croise David Copperfield, oui, l’authentique, le vrai magicien. Incroyable de le retrouver dans un film d’horreur, et pourtant à l’époque il n’était pas encore la superstar des tours de passe-passe à grande échelle. Roger Spottiswoode filme de véritables tours de magie, ce qui est toujours moins onéreux que d’avoir recours à des effets spéciaux.
A côté de ces jeunes, une légende du western, Ben Johnson, compagnon de route de John Ford, de Sam Peckinpah, est un vrai cow-boy. Engagé par Howard Hughes à la fin des années 30 pour s’occuper de ses chevaux, Johnson devient rapidement cascadeur et double John Wayne, Gary Cooper, et tant d’autres. John Ford lui donne son premier rôle dans Le fils du désert (3 Godfathers) en 1948. Une solide amitié va lier les deux hommes. Ford en fait la vedette du Convoi des braves (Wagon Master) en 1950. Mais ce que Ben Johnson aime par-dessus tout c’est le rodéo. Après L’homme des vallées perdues (Shane, 1953), Johnson, quitte le cinéma, malgré les bons cachets, pour partir sur la route des tournois. Après un intermède de près de trois ans, Johnson reprend le chemin des studios. Il ne les quittera plus pour afficher à la fin de sa vie plus de 300 films au compteur ! Terror Train est sa seule véritable incursion dans le film d’horreur. Lui l’homme des grands espaces campe un contrôleur des plus crédibles. Il détestait les longues tirades et préférait l’attitude et les silences aux paroles inutiles. En 1972, il est récompensé par l’Oscar du meilleur second rôle pour son interprétation de Sam the Lion dans La dernière séance (The Last Pictures Show, 1971) de Peter Bogdanovitch.
Terror Train est la première réalisation du canadien Roger Spottiswoode, ex-monteur de Sam Peckinpah (Les chiens de pailles, Pat Garrett et Billy the Kid). Réalisateur tous terrains, on lui doit l’excellent Under Fire (1983) sur les photographes de guerre et un James Bond, période Pierce Brosnan, le fort honorable Demain ne meurt jamais (Tomorrow Never Dies, 1997).
Le train de la terreur n’attendant pas, il est grand temps de prendre confortablement sa place…
Fernand Garcia
Terror Train / Le Monstre du train une belle édition combo Rimini avec en supplément deux interviews. La première du réalisateur Roger Spottiswoode. Il évoque la conception du film et son travail avec John Alcott, pour qui il a une grande admiration « Je l’idolâtrais » et le tournage du film (16 minutes). La seconde de la scénariste Judith Rascoe et son apport au film (5 minutes). Deux personnalités fort sympathiques et enfin un portrait de Jamie Lee Curtis. Le parcours de l’actrice par elle-même et ses proches, ses parents, Janet Leigh et Tony Curtis, etc. (26 minutes). Enfin, un livret très complet : Le Monstre du train, la vie duraille par Marc Toullec, pour tout connaître l’histoire du film, entre cow-boy, magicien et Drag-Queen (20 pages)
Terror Train / Le Monstre du train un film de Roger Spottiswoode avec Ben Johnson, Jamie Lee Curtis, Hart Bochner, David Copperfield, Sandee Currie, Timothy Webber, Derek Mackinnon, Anthony Sherwood… Scénario : T.Y. Drake (et Judith Rascoe non crédité). Dialogues : Caryl Wickman. Directeur de la photographie : John Alcott. Décors : Glenn Bydwell. Montage : Anne Henderson. Musique : John Mills-Cocknell. Producteurs : Harold Greenberg et Sandy Howard. Production : Astral Bellevue Pathe Production – Sandy Howard Productions Corp. / Daniel Grodnik – Triple T Productions (Astral) Ltd. – 20th Century Fox. Canada. 1979. 97 minutes. Couleur. Format image : 1,85 :1. Son : VF et VO avec ou sans sous-titre. Interdit aux mois de 16 ans.