Dans la plaine du Far-West, William F. Cody, plus connu sous le nom de Buffalo Bill (Charlton Heston), réussit, à coup de fusil, à repousser une attaque des Indiens de son pire ennemi le chef Yellow Hand (Pat Hogan), mais son cheval est à terre. Au milieu de nulle part, il croise une diligence à son bord. Buffalo Bill fait la connaissance des Hastings, Rance (Michael Moore) et de sa sœur Evelyn (Rhonda Fleming), une célèbre famille de Californie. Le premier arrêt du convoi est Sand Springs où des renégats les attendent…
On trouve peu d’informations sur Jerry Hooper. Imdb plutôt bien informé se limite à deux dates: celle de sa naissance, 29 juillet 1907, et de son décès, 17 décembre 1988, rien d’autre, nada. En fouillant un peu, on trouve sa nécrologie publiée par le Los Angeles Times. L’auteur de la brève signale que Hooper laisse une veuve, l’actrice Dorothy Ellis, 4 fils, 2 files, 15 petits-enfants et 3 arrière-petits-enfants et qu’il a réalisé plus de 600 programmes de télévision ! Un beau chiffre, et en repartant de la filmographie d’Imdb, on peut en déduire que Hooper a dirigé 20 épisodes par an à partir de 1957, date de ses débuts dans ce médium. Seule la maladie l’a arrêté, il décède quelques mois après le tournage du pilote de la série Still the Beaver. 30 années de réalisation TV ininterrompue. Il y a de forte chance que tous les téléspectateurs du siècle dernier aient vu au moins une fois dans leur vie un de ses épisodes. Jerry Hooper devait avoir une sacrée technique pour livrer autant de films. Avant de devenir un réalisateur pour la télévision, Jerry Hooper, de 1930 à 1956, a été un très honorable artisan de la machine hollywoodienne.
Remontons le temps. Au début des années 30, Jerry Hooper débute au département montage de la Paramount. A l’époque, peu de metteurs en scène avaient un droit de regard sur le montage. Ils enquillaient les films et les monteurs n’avaient de compte à rendre qu’au producteur. Hooper fait ses universités dans cette usine à films. Période interrompue par la Seconde Guerre mondiale, il participe au conflit en tant que photographe de guerre. Hooper est blessé lors du débarquement à Leyte dans le Pacifique Sud. A la démobilisation, il est récompensé par la Purple Heart. De retour à Hollywood, il passe à la réalisation et dirige un à deux films par an pour Paramount et Universal. En l’espace de trois ans, entre 1953 à 1956, il dirige à trois reprises Charlton Heston dans l’ordre Le triomphe de Buffalo Bill, puis Le Secret des Incas (Secret of the Incas, 1954) et enfin La guerre privée du major Benson (The Private War of Major Benson, 1955). Le Triomphe de Buffalo Bill reste son film le plus populaire, le plus diffusé.
Hooper s’est passionné pour le médium TV et s’y est investi totalement. Y a-t-il trouvé un fonctionnement qui lui laissait plus de liberté ? Rien n’est moins certain, il ne semble pas qu’il y ait des velléités d’auteur de sa part. Y a-t-il alors retrouvé un fonctionnement proche des studios de cinéma des premiers temps ? Peut-être.
Revenons au bien nommé Triomphe de Buffalo Bill et annonçons tout de suite la couleur: c’est un très bon spectacle avec de l’action, des grands espaces, des grands sentiments, du suspense, une bonne dose d’humour et une touche d’érotisme. Le Triomphe de Buffalo Bill est un western du samedi soir ou, pour ceux qui en garde la nostalgie, un de ceux qui faisait le charme de La dernière séance d’Eddy Mitchell, ce qui revient au même. On retrouve dans cette exaltante aventure deux mythes et pas des moindres de l’Ouest américain, Buffalo Bill – William F. Cody (Charlton Heston) et Wild Bill Hickok (Forrest Tucker), et la fameuse ligne du Pony Express. Le film est une pure fantaisie qui à partir de faits historiques bâtit sa propre histoire, à la réalité, préfère la légende.
Buffalo Bill, avec son ami Wild Bill Hickok, met sur pied un service rapide afin d’acheminer le courrier entre l’Est et l’Ouest. Le but est de désenclaver l’Ouest. Buffalo Bill doit mettre en place la ligne avec ses stations-relais et des chevaux achetés aux Indiens. Le problème est que le tracé du Pony Express traverse le territoire indien et surtout que les riches notables de la côte Ouest, favorables à la sécession de la Californie, manœuvrent en coulisses pour faire du Pony Express un terrible échec.
Toutes ses intrigues, politique, conflit avec les Indiens, rivalité amoureuse, etc. s’emboîtent harmonieusement. Le scénario de Charles Warren Marquis, un habitué du western autant qu’auteur et réalisateur, est des plus malins et gagne en efficacité au fur et à mesure que l’action avance. Les séquences d’action sont fort bien menées: attaques d’Indiens, combat à mains nus, chevauchés dans de magnifiques décors extérieurs, gunfight final et au milieu de toute cette action une stupéfiante scène de bain douche, stupéfiante car d’une surprenante sensualité, où Rhonda Fleming (pour qui j’ai une légère préférence) et Jan Sterling se testent pendant leur bain. On ne voit rien, mais la séquence est troublante et particulièrement érotique. De quoi pimenter agréablement l’univers du western.
Charlton Heston n’est pas encore le héros plus grand que nature des fresques bibliques et historiques. Son Buffalo Bill a un naturel et moins figé que ses grandes interprétations. Il est très bon et joue parfaitement le second degré des dialogues. Ses scènes avec Forrest Tucker (Wild Bill Hickok) sont savoureuses, en premier lieu, leur duel dans la rue. On reste surpris quand Buffalo Bill évoque l’homosexualité de Wild Bill Hickok, très étonnant pour l’époque. Savoureuses aussi ses scènes avec ses deux amoureuses. Rhonda Fleming est impeccable, femme fatale rousse perdue dans l’immensité de l’Ouest. Quant à Jan Sterling, elle incarne un garçon manqué fortement influencé par Calamity Jane. Deux caractères féminins totalement opposés fort bien incarnés.
Le Triomphe de Buffalo Bill , c’est le plaisir du western, tout simplement, allez, en selle !
Fernand Garcia
Le triomphe de Buffalo Bill est édité dans la collection Western de légende par Sodonis Calysta dans beau report HD avec en bonus : deux présentations. Bertrand Tavernier apprécie particulièrement cette œuvre plaisante, il évoque longuement la carrière du scénariste (et réalisateur) Charles Marquis Warren, Charlton Heston « excellent » et « Rhonda Fleming une des belles justifications du cinéma en couleurs » (21 minutes). Patrick Brion, comme à son habitude revient sur les sorties westerns de 1953, une très bonne année. Le triomphe… est un film attachant au scénario très habile. Brion rappelle que Charlton Heston fut avec Paul Newman et Marlon Brando, l’un des rares acteurs blancs à manifester contre la ségrégation et pour les droits civiques des noirs américains (10 minutes). Enfin, un documentaire Charlton Heston, acteur polyvalent, portrait de l’acteur avec témoignage, photos personnelles et extraits de films, de quoi connaître un peu mieux l’acteur (46 minutes).
Le Triomphe de Buffalo Bill (Pony Express) un film de Jerry Thorpe avec Charlton Heston, Rhonda Fleming, Jan Sterling, Forrest Tucker, Michael Moore, Porter Hall, Richard Shannon, Henry Brandon, Stuart Randall… Scénario : Charles Marquis Warren d’après une histoire de Frank Gruber. Directeur de la photographie : Ray Rennahan. Consultant Technicolor : Monroe W. Burbank. Décors : Albert Nozaki & Hal Pereira. Costumes : Edith Head. Montage : Eda Warren. Musique : Paul Sawtell. Producteur : Nat Holt. Production : Nat Holt Productions – Paramount Pictures. 1953. 101 minutes. Technicolor. Format image : 1.37 :1. Son VO avec ou sans sous-titre français et VF. Tous Publics.