Des nouvelles statistiques indiquent une montée de la violence urbaine. En cinq ans, les homicides à Los Angeles ont augmenté de 79%, les vols de 68%, les coups et les blessures de 59%, les viols de 61% et les petits délits sont aussi en progression. Geri Nichols (Jill Ireland), animatrice vedette de KBCA radio, s’entretient avec le commissaire divisionnaire, il reconnaît cette recrudescence de la violence criminelle: « la seule façon de remporter la victoire, car il s’agit d’une guerre, est de réagir par l’offensive ». L’émission est enregistrée, Geri a rendez-vous avec son nouvel amoureux, Paul Kersey (Charles Bronson). Ensemble, ils se rendent à une fête foraine avec la fille de Paul, Carol (Robin Sherwood), traumatisée par une violente agression quelques années auparavant. Au cours de la sortie, Paul est bousculé par un groupe de jeunes. L’un des meneurs lui vole son portefeuille…
Un Justicier dans la ville 2 reprend la trame du premier film « dégraissé » jusqu’à l’os de tous les mécanismes psychologiques qui menaient un homme à l’irréparable, à la violence. Ce nouvel opus offre le spectacle d’une vengeance classique, cette fois-ci la violence ne s’exprime pas à l’aveugle à l’encontre des délinquants, mais est dirigée vers les véritables auteurs du délit. Winner reprend quelques références westerniennes, déjà présentes dans Un Justicier dans la ville. Kersey s’isole dans la plaine, comme héros meurtri de l’Ouest, coupe rageusement du bois, fait corps avec la nature sauvage et ressort de la boîte cachée son flingue.
Pour que Kersey reprenne les armes et replonge dans le cauchemar des bas-fonds, il fallait une séquence forte, et là, Winner se surpasse. L’agression chez Paul Kersey par cinq jeunes délinquants est particulièrement corsée. Au viol collectif et à l’assassinat de la gouvernante Rosario (Silvana Gallardo) s’ajoute l’enlèvement de la fille de Kersey, son viol et sa fin tragique. Winner met en scène une sorte de folie collective, d’acharnement bestial et aveugle sur la pauvre gouvernante dans un réalisme des plus crus. Roué de coups, Kersey finit par terre inconscient. Quant à sa fille, sa vie n’aura été qu’un calvaire, traumatisée par sa première agression, elle subira cette deuxième jusqu’à la limite.
Un justicier dans la ville se déroule à New York, dans des quartiers pouilleux, des lieux publics abandonnés la nuit à toutes sortes de trafics dangereux. L’une des grandes qualités du film était ce réalisme documentaire, des rues, des couloirs de métro, etc., authenticité qui donnait un cachet plus qu’angoissant au film. Winner adopte le même principe transposé cette fois à Los Angeles. Quartier encore plus dur où transpire la violence, la misère sociale, le danger. Ville où les inégalités sont criantes tant la différence est patente entre les quartiers riches et les quartiers pauvres à l’abandon.
Un Justicier dans la ville 2 est moins dur que le premier, Winner ajoute quelques touches d’humour noir, le dialogue entre Kersey et Stromper (Kevyn Major Howard) sur lequel il met la main est savoureux : « Tu crois en Jésus ? – Oui. – Tu vas aller le rejoindre. » et il l’abat en explosant son crucifix sur sa poitrine. La critique du christianisme est une constante dans les films de Winner. La critique du christianisme est une constante dans les films de Winner, déjà dans le premier, avant l’agression de la femme et de la fille de Kersey, les deux femmes croisaient un groupe de nonne. Après l’agression la fille était internée dans une institution religieuse où tout espoir de rétablissement était clairement exclus. Dans le second, l’imagerie religieuse est partout, des lieux de prière dans les quartiers les plus pourris, prêche incessant qui confine à la folie. Winner avait réalisé quelques années auparavant le dérangeant La Sentinelle des maudits (The Sentinel, 1977), bien plus explicite sur sa méfiance envers la religion.
Huit ans après le premier volet Winner et Bronson s’allient pour une suite. Winner entre temps réalise quatre films avec des succès divers dont émergent La Sentinelle des maudits, déjà cité, et son remake du Grand Sommeil avec Robert Mitchum. Un Justicier dans la ville 2 le remet sur les rails du box-office et relance sa collaboration avec Charles Bronson. Ils se retrouveront une dernière fois pour le délirant Le Justicier dans New York (Death Wise III) en 1985. Bronson n’a pas chômé entre les deux Justiciers : 12 films dont de très bons, de formidables films d’action, Thrillers ou westerns, Le Bagarreur (Hard Times, 1975), la première réalisation de Walter Hill, le doublé avec Tom Grier, L’Evadé (Breakout, 1975) et Le Solitaire de Fort Humboldt (Breakheart Pass, 1975), le triplé avec de J. Lee Thompson, Monsieur Saint-Ives (1976), Le Bison blanc (1977), Cabo Blanco (1980), Un espion de trop (Telefon, 1977) de Don Siegel, Chasse à l’homme (Death Hunt, 1981) de Peter Hunt, etc. Très gros succès à travers le monde, confirmant l’attraction de l’acteur sur le public, mais des succès moindres aux Etats-Unis en comparaison avec Le Justicier premier du nom. Le triomphe des deux films va définitivement l’enfermer dans son rôle de justicier.
Un Justicier dans la ville 2 est une date importante dans l’histoire de la Cannon sous la direction de Menahem Golan et Yoran Gobus. Installés aux Etats-Unis, les deux producteurs signent enfin une production avec une star d’envergure et pour un film dont le succès va faire de la société une mini-major. Ils signent un contrat de plusieurs films avec Charles Bronson, valeur au box-office international. La Cannon est mise sur orbite.
Le scénario est de la main d’un jeune auteur, David Engelbach, dont le seul titre de gloire à l’époque avait été son assistanat aux recherches documentaires sur Les Dents de la mer (Jaws, 1975). Son scénario ne plaît pas à Winner. Il effectue un nombre important de retouches sur le script. Epouvanté dans le résultat final, Engelbach, demande dans un premier temps que son nom soit retiré du générique avant de faire machine arrière. On peut à juste raison douter du talent de Engelbach si l’on se fie à sa maigre filmographie. Sa grande « œuvre » Over the Top certainement plus conforme à ses « convictions » est un phénoménal nanar.
Parmi les voyous, Un Justicier dans la ville 2 permet à Laurence Fishburne de revenir sur le grand écran après plusieurs participations à des séries T.V. Evidemment, tout le monde se souvient de lui en soldat sur le rafiot d’Apocalypse Now (1977-79) de Francis Ford Coppola. Vietnam toujours puisque Kevyn Major Howard impressionne tellement Stanley Kubrick dans Un Justicier dans la ville 2 qu’il l’enrôle pour Full Metal Jacket (1987).
Un Justicier dans la ville 2 est l’avant-dernière collaboration entre Michael Winner et Charles Bronson, six films les ont réunis entre 1972 et 1985, des Collines de la terreur au Justicier de New York.
Un Justicier dans la ville 2 suscita de violentes polémiques lors de sa sortie. Polar sombre, vengeance froide d’une grande efficacité, Un Justicier… est clairement à des années-lumière du politiquement correct et autres aberrations en vogue de nos jours qui rendent ce genre de cinéma populaire infaisable par les temps qui courent. Raison de plus pour le mettre en bonne place dans sa vidéothèque.
Fernand Garcia
Dans les compléments du Justicier dans la ville 2, Sidonis Calysta nous propose un incroyable document : L’analyse d’une émission de la télévision anglaise où Michael Winner doit répondre à une charge critique d’une virulence sidérante. Rob Ager, réalisateur indépendant, décortique et démonte en voix off, le discours haineux, il n’y a pas d’autre mot envers Winner et Un Justicier dans la ville 2. « Il n’y a rien de mal à faire du cinéma populaire » (Michael Winner) et pourtant pour Derek Hobson Le Justicier 2 est à « un niveau d’irresponsabilité rarement atteint par un réalisateur dans la description d’un viol pour de simples raisons commerciales ». La longue scène de viol, coupée en partie en Grande-Bretagne (alors que les autres pays européens diffusent le film en intégralité) est la cause de la colère des « critiques ». Avec un aplomb phénoménal, Anna Raeburn, journaliste radio, crache son venin à la face de Winner. Et ça vole haut «Je pense qu’on parle de viol très gentiment alors que cette scène de viol montre aussi une sodomie. Ce qui n’est déjà pas très agréable si vous aimez votre partenaire et si vous souhaitez être sodomisée. Ce qui est horriblement douloureux si vous êtes déjà une situation traumatique. ». Tout y passe, l’amalgame entre le film et son réalisateur, l’argent, etc. etc. Death Wish II – Zéro tolérance, censure et autres critiques des films « Vigilantes » (58 minutes). Un autre complément tout à fait intéressant : Sur le tournage de Un Justicier dans la ville 2, reportage en extérieur sur le plateau d’une des premières scènes du film. Courte interview de Michael Winner où l’on comprend sa préférence pour les décors naturels. « J’ai toujours tourné en extérieur. Jadis, je tournais des documentaires. Avec une équipe de deux personnes. Le cameraman et moi. La première fois que je suis rentré dans un studio, à Pinewood, censé être très luxueux, c’était horrible. Des décors pourris en carton. (.) Je me suis dit : « C’est à ça que je suis arrivé ? Je préfère retourner d’où je viens ? ». Jill Ireland nous explique comment Winner travaille, jamais la scène en plan-séquence. Un petit document qui permet de voir Winner au travail avec Charles Bronson et dirigeant les figurants (7 minutes). Pour clore la section la bande-annonce d’Un Justicier dans la ville 2, pour le moins efficace (2 minutes).
Un Justicier dans la ville 2 (Death Wish II) un film de Michael Winner avec Charles Bronson, Jill Ireland, Vincent Gardenia, J.D. Cannon, Anthony Franciosa, Robin Sherwood, Ben Frank, Robert F. Lyons, Laurence Fisburne III, Kevyn Major-Howard, E. Lamont Johnson, Silvana Gallardo… Scénario : David Engelbach d’après les personnages crées par Brian Garfield. Directeurs de la photographie : Richard H. Kline & Tom Del Ruth. Décors : William Hiney. Montage : Arnold Crust (Michael Winner) & Julian Semilian. Musique : Jimmy Page. Producteurs executifs : Hal Landers & Bobby Roberts. Producteurs : Menahem Golan & Yoram Globus. Production : Golan – Globus / Landers-Roberts – City Films. Etats-Unis. 1982. 92 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. Master HD. Version original avec ou sans sous-titres en français et Version française. Version intégrale. Interdit aux moins de 16 ans.