Le cinéma classique coréen est toujours un terrain inconnu en dehors de ses frontières. Le festival consacre donc à juste titre une section qui tend à restituer le passé oublié ou trop méconnu du cinéma coréen. Cette année, afin de célébrer les 100 ans du cinéma coréen, avec la section Classiques le 14ème Festival du Film Coréen à Paris nous propose de découvrir cinq films inédits en France et invite une actrice majeure pour retracer, le temps d’une master class exceptionnelle, l’histoire de la diffusion du cinéma coréen en Europe : An Cha Flubacher-Rhim, critique coréano-suisse et ancienne vice-présidente du Festival International du Film de Jeonju (JIFF). On retrouve au programme de cette section, Sweet Dream (1936) de Yang Ju-nam, Aimless Bullet (1961) de Yoo Hyun-mok, Shoot the Sun By Lyrics (1999) de Cho Jae-hong, Barking Dog (2000) de Bong Joon-ho et Gravity of the Tea (2017) de Jung Sung-il. Cinq films comprenant le plus vieux film coréen parlant coréen conservé, deux documentaires, l’un sur le cinéma coréen lui-même, l’autre sur l’un de ses grands maîtres, un film considéré comme l’un des meilleurs du cinéma coréen, et le tout premier film du premier cinéaste coréen à avoir remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes. Cinq films qui proposeront un voyage dans l’histoire du cinéma coréen aux chanceux spectateurs du Festival du Film Coréen à Paris.
Sweet Dreams (1936) de Yang Ju-nam – 47min
Ae-sun a soif de liberté. Cette mère de famille de la classe moyenne ne supporte plus sa condition et néglige ses devoirs d’épouse et de mère, au grand dam de son mari qui la chasse du domicile familial. Elle s’installe alors à l’hôtel avec son amant.
Sweet Dreams est le premier long-métrage du cinéaste Yang Ju-nam, né en 1912. Ce dernier a principalement travaillé comme monteur pendant l’occupation japonaise et est ensuite devenu réalisateur au sein de l’armée coréenne en tournant des films militaires. Yang Ju-nam a pris sa retraite dans les années 60.
Aimless Bullet (1961) de Yoo Hyun-mok – 1h47
Dans une Corée d’après-guerre où blessures et misère règnent, deux frères cherchent leur place dans ce pays en reconstruction. Chul-ho est comptable mais a du mal à nourrir sa famille, tandis que Yong-ho, un vétéran blessé au combat, cherche désespérément du travail.
Yoo Hyun-mok est né en 1924. Il signe son premier long-métrage comme réalisateur en 1956 avec The Crossroad. Également enseignant, Yoo Hyun-mok a dirigé le département cinéma de l’Université Dongguk et a fondé sa propre maison de production pour produire ses films et ceux d’autres cinéastes, comme le film d’animation classique Robot Taekwon V (1976). Yoo Hyun-mok est décédé en 2009.
Shoot the Sun by Lyric (1999) de Cho Jae-hong – 1h30
Le cinéma coréen a construit sa force grâce à une politique de quotas alloués aux films locaux dans les salles coréennes. A la fin des années 90, ce modèle remis en cause, une lutte s’engage de la part de cinéastes, acteurs, producteurs et autres artistes et techniciens du cinéma coréen pour tenter de préserver cette exception culturelle face au lobbying d’Hollywood.
Cho Jae-hong est scénariste et réalisateur de documentaires. Il a remporté un prix du Meilleur scénario au Festival International du Film de Montréal en 1990 et un Prix du Meilleur Documentaire en 1996. Son documentaire Shoot the Sun by Lyric a été présenté au Festival de Berlin en 2000.
Barking Dog (2000) de Bong Joon-ho – 1h46
Professeur à l’université, Yun-ju vit une existence sans encombre avec sa compagne, qui attend un enfant. Mais ce qui l’agace peut-être plus que tout, c’est ce chien aboyant sans cesse dans son immeuble. C’est décidé, Yun-ju va trouver ce chien et s’en débarrasser. Hyun-nam, elle, travaille comme gardienne dans la résidence et surveille les faits et gestes suspects de Yun-ju…
Fer de lance, avec une poignée d’autres grands cinéastes (Park Chan-wook, Kim Jee-woon, Na Hong-jin, Hong Sang-soo, Kim Ki-duk,…), de la vague coréenne qui a su créer et conserver son propre style sans tenir compte des codes imposés par le « cinéma » américain, et qui, depuis maintenant un peu plus d’une quinzaine d’années, nous offre régulièrement de véritables chefs-d’œuvre, Bong Joon-ho s’est fait un nom et une excellente réputation dans le cinéma en général et en Corée en particulier en seulement quelques films ayant chacun obtenu une flopée de récompenses dans les festivals de cinéma à travers le monde entier : Barking Dog (2000), Memories of Murder (2003), The Host (2006), Mother (2009), Snowpiercer (2013), Okja (2017) et Parasite (2019).
Notons que le metteur en scène a également réalisé Shaking Tokyo (2008), l’un des sketches du triptyque Tokyo !, avec Michel Gondry et Leos Carax, présenté au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. En plus d’être le scénariste de ses films, on doit également à Bong Joon-ho les scénarios de Phantom : The Submarine (1999) de Min Byung-chun, Antartic journal (2005) de Yim Pil-sung ou encore de Sea Fog – Les Clandestins (2014) de Shim Sung-bo qui est le coscénariste de Memories of Murder. Né le 14 septembre 1969 à Daegu, Bong Joon-ho s’épanouit d’abord au ciné-club de l’université de sociologie de Yonsei à Séoul avant d’étudier le cinéma à la Korean Academy of Film Arts (KAFA).
Démontrant déjà ses talents de metteur en scène, son film de fin d’études intitulé Incoherence, une comédie noire critiquant la société coréenne, est sélectionné aux Festivals de Vancouver et de Hong Kong. Fort de ses débuts internationaux, il tourne son premier long métrage en 35 mm, Barking Dog, où son humour empreint de sarcasme le révèle auprès de l’industrie cinématographique coréenne. C’est toutefois grâce au sublime thriller Memories of Murder, sur l’affaire non résolue du premier tueur en série coréen, qu’il connait un véritable succès commercial et critique dépassant alors les frontières de son pays. Il confirme son talent en 2006 avec The Host où il mélange habilement le film de monstre, la chronique familiale et sociale et la comédie satirique. Egalement teinté de réflexion écologique, The Host est présenté à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs et vient renforcer encore plus la renommée internationale du réalisateur.
Une renommée qui lui permet en 2008 de participer au triptyque Tokyo! aux côtés de Michel Gondry et Leos Carax et d’en réaliser le segment intitulé Shaking Tokyo. Tokyo! nous offre les visions de la mégalopole japonaise de ces cinéastes et sera présenté au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Bong Joon-ho nous offre ensuite Mother, le touchant portrait d’une mère tentant de prouver l’innocence de son fils. Projeté à Cannes dans le cadre de la sélection Un Certain regard, le film bénéficie d’un très bon accueil critique. Prouvant une nouvelle fois son éclectisme, il se penche dès lors sur Snowpiercer, la libre adaptation, violente et engagée, de la bande dessinée post apocalyptique Le Transperceneige, créée par les français Jacques Lob, Jean-Marc Rochette et Benjamin Legrand. Pour la production de ce projet international titanesque dont la conception prendra près de huit années, Bong sera épaulé par un autre grand nom du cinéma coréen s’imposant autant en son pays qu’à l’étranger, son confrère et compatriote Park Chan-wook, le réalisateur de l’immense « Trilogie de la vengeance », Sympathy for Mr. Vengeance (2002), Old Boy (2003) et Lady Vengeance (2005) mais également de Je suis un cyborg (2006), Thirst (2009), Stoker (2013), ou encore Mademoiselle (2016).
Bong Joon-ho réalise ensuite Okja (2017) un conte magnifique sélectionné au Festival de Cannes mais « malheureusement » produit par Netflix et donc honteusement et scandaleusement resté inédit dans les salles en France. Après avoir passé les dix dernières années sur ses deux dernières productions internationales (Snowpiercer et Okja) avec Parasite, son septième long métrage, Bong Joon-ho effectue un retour aux sources en retrouvant son pays et sa langue d’origine. Avec ce nouveau chef-d’œuvre, Bong Joon-ho est le premier cinéaste coréen de l’histoire du cinéma à remporter la Palme d’Or au Festival de Cannes. Tout un symbole pour l’année des 100 ans du cinéma coréen !
Gravity of the Tea (2017) de Jung Sung-il – 2h10
Im Kwon-taek est l’un des grands maîtres du cinéma coréen. Né dans les années 30, sous occupation japonaise, il a commencé le cinéma dans les années 60, et a tourné plus de 100 longs-métrages depuis. Gravity of the Tea suit le cinéaste dans son quotidien, entre deux tournages.
Né en 1959, Jung Sung-il a réalisé son premier long-métrage en 2009, Café Noir, invité à la Semaine de la Critique à Venise. Enseignant, critique, auteur, Jung a ensuite tourné le documentaire Night and Fog in Zona consacré au cinéaste chinois Wang Bin et a enchaîné deux documentaires sur Im Kwon-taek, Cloud Encore et Gravity of the Tea.
Master-Class avec An Cha Flubacher-Rhim : Lundi 4 novembre à 18h15
Introduit petit à petit dans les festivals à partir des années 1980, le cinéma coréen connaît encore aujourd’hui un bel épanouissement à l’échelle européenne et en France en particulier. Afin de célébrer les 100 ans du cinéma coréen, dans le cadre de la section Classiques le Festival du Film Coréen à Paris invite une actrice majeure pour retracer, le temps d’une master-class exceptionnelle, l’histoire de la diffusion du cinéma coréen en Europe : An Cha Flubacher-Rhim, critique coréano-suisse et ancienne vice-présidente du Festival International du Film de Jeonju (JIFF).
Née en Corée du Sud en 1942, An Cha Flubacher-Rhim a suivi des études de journalisme et d’histoire du cinéma avant de devenir critique de cinéma. Dès le début des années 1980, ses articles ont été publiés dans des revues suisses telles que Vorwärts, Film Bulletin et Zoom. En prolongement d’un cycle de projections sur le cinéma coréen en Suisse organisé à son initiative, en 1994, An Cha Flubacher-Rhim publie un premier ouvrage en allemand sur le cinéma coréen (Land der Morgenstille Filme aus Südkorea). La même année, elle intègre le jury de la Caméra d’Or au Festival de Cannes. De 1995 à 2005, elle a été correspondante pour le magazine sud-coréen Cine 21, puis, de 1996 à 2003, conseillère au Festival International du Film de Busan et enfin, vice-présidente du Festival International du Film de Jeonju. En 2019, à l’occasion de sa 20ème édition, le JIFF lui a décerné un Prix d’honneur.
Tour à tour interprète (français, allemand), jurée, organisatrice, programmatrice, consultante dans de prestigieux festivals, son parcours professionnel a notamment commencé par l’entretien avec Bae Yong-kyun à l’occasion du Festival de Locarno en 1989. An Cha Flubacher-Rhim a ensuite accompagné la passionnante diffusion du cinéma coréen d’un festival à l’autre.
Depuis 1994, An Cha Flubacher-Rhim a organisé sept rétrospectives dédiées au cinéma coréen en Europe, parmi lesquelles celle de Im Kwon-taek à la 55ème Berlinale en 2005, un des plus grands fruits de sa persévérance. De plus, durant sa collaboration au JIFF (2004-2008), An Cha Flubacher-Rhim a mené une action afin de faire découvrir des cinémas peu connus en Corée. Le public sud-coréen a ainsi pu découvrir le cinéma contemporain mondial mais aussi le patrimoine cinématographique de Cuba, de l’URSS ou encore du Maghreb.
An Cha Flubacher-Rhim vient spécialement partager cette riche expérience avec les spectateurs de la 14è édition du FFCP. Lors de cette Master-class, le public pourra en effet découvrir les coulisses de l’univers des festivals de cinéma à travers ce parcours exceptionnel marqué par la diversité et la polyvalence.
Allant du blockbuster au film d’auteur indépendant, la sélection très alléchante de cette quatorzième édition du Festival du Film Coréen à Paris met une fois encore à l’honneur un cinéma à l’exception culturelle singulière. De par sa diversité, son éclectisme et sa richesse, cette nouvelle édition s’annonce déjà exceptionnelle. N’hésitez plus! Venez découvrir le meilleur du cinéma coréen d’hier, d’aujourd’hui et de demain !
Afin de ne rien manquer de cet évènement, rendez-vous au Publicis Cinémas du 29 octobre au 5 novembre.
Steve Le Nedelec