Un lion sème la terreur parmi la population dans la région du Bonan au Kenya. George Adamson (Bill Travers), garde-chasse en chef, est sur les traces du mangeur d’hommes. Il finit par l’abattre ainsi qu’une lionne, sa « compagne ». A quelques pas, il découvre que la lionne protégeait ses trois lionceaux. George les ramène au ranch. Sa femme Joy (Virginia McKenna) décide de les élever. Ils les baptisent Elsa, La Grande et Lastika. Le temps passe et les lionceaux grandissent… jusqu’au jour où ils doivent se séparer d’eux…
Vivre libre est l’un des meilleurs films d’un genre prisé des spectateurs anglo-saxons, le film animalier. Le film est l’adaptation d’un livre autobiographique de Joy Adamson vendu à plus de 50 millions d’exemplaires. Le producteur Carl Foreman s’empare des droits d’adaptation. Producteur et scénariste, il est l’un des artisans Des Canons de Navarone (The Guns of Navarone, 1961), énorme succès du film de guerre. Lester Cole se charge de l’adaptation. Inscrit pendant de longues années sur la liste noire (comme Carl Foreman), Cole signe le scénario sous le nom de Gerald L.C. Copley.
Le film débute sous la direction de Tom McGowan, réalisateur de documentaires animaliers, de productions pour Disney et d’un long-métrage se déroulant dans la forêt amazonienne Manhunt in the Jungle (1958). Au bout de quelques jours de tournage, Foreman se rend compte que cela ne fonctionne pas. Il débarque McGowan et le remplace par James Hill, autre réalisateur venant du documentaire, mais à caractère plus social. Hill a une solide expérience de la direction acquise en dirigeant entre autres des épisodes du Saint avec Roger Moore. Il terminait tout juste l’excellent Sherlock Holmes contre Jack l’éventreur (A Study in Terror, 1965), abandonnant le fog londonien pour le soleil de la savane.
Vivre libre narre donc l’aventure d’un couple installé au Kenya, les Adamson, de manière romancée, mais avec une juste mesure de réalisme. James Hill, afin de rendre parfaitement crédibles les différentes péripéties qui accompagnent cette histoire, renonce à utiliser des animaux dressés et opte pour des animaux semi-sauvages. On imagine sans peine la dose d’efforts qu’il a fut pour mettre en boîte certains plans. Toujours dans un souci de réalisme, Hill tourne sur les lieux mêmes de l’histoire et dans différentes réserves du Kenya, avec comme conseiller technique le véritable George Adamson. Le tournage s’éternise et le budget explose. Débuté en 1964, le dernier tour de manivelle est donné 9 mois plus tard en 1965.
Pour donner chair au couple Adamson, la production opte pour un véritable couple à la ville, les acteurs Virginia McKenna et Bill Travers. Choix payant, l’énergie qui émane de ce couple apporte une authenticité qui renforce le sentiment d’union et lutte commune pour la sauvegarde d’animaux sauvages et de leur environnement. Engagement que McKenna et Travers poursuivront bien après le tournage et qui aboutira à la création de la Born Free Foundation en 1984. Activité qui mettra leur carrière quelque peu entre parenthèses.
James Hill particulièrement fière de ce qu’il a en boite débute le montage. De son côté, Foreman avait pris contact avec John Barry pour la musique du film dès le début des prises de vue. Le compositeur a fait merveille sur les James Bond et a le vent en poupe. Le tournage de Vivre Libre ayant dépassé les délais, Barry avait d’autres engagements, qu’importe, Foreman n’est plus à un mois près et attend patiemment que John Barry termine ses partitions pour le 4e James Bond Opération Tonnerre (Thunderball, 1965)de Terence Young et pour La Poursuite impitoyable (The Chase, 1966) d’Arthur Penn. Le sujet de Vivre Libre avait emballé Barry; libre à son tour, il compose une musique ample caractéristique de son style. Elle déplaît à Hill qui la refuse sous prétexte qu’elle est trop proche des films animaliers de Disney et en contradiction avec le réalisme du film. La situation entre les deux hommes empire à tel point que Foreman vire James Hill. Et c’est désormais la production qui se charge de la postproduction.
John Barry ajoute une chanson finale avec des paroles écrites par Don Black et chantées par Matt Monro. Cette fois-ci Foreman n’est pas convaincu par le texte trop éloigné de la vie sauvage et retire la chanson. Le film sort sur les écrans Anglais puis Américains sans fameuse chanson. Pourtant, elle va survivre à ce retrait. Repris par un pianiste américain en version instrumentale, l’enregistrement est un véritable hit aux Etats-Unis, ce qui déclenche un nombre considérable de reprises avec les paroles. Foreman se dit qu’il a peut-être eu tort, la chanson est un mode de promotion du film des plus efficaces, il a encore en mémoire l’impact de celle du Train sifflera trois fois qu’il avait produit. Il fait machine arrière et demande à la Columbia de retirer toutes les copies en exploitation et de les remplacer par celle avec la chanson finale. Excellente initiative puisque le film va réussir un doublé historique pour un compositeur en remportant l’Oscar pour la meilleure musique et de la meilleure chanson.
Vivre Libre fonctionne toujours aussi bien. L’astuce du scénario est d’avoir calqué la relation des Adamson et des lionceaux sur celle de simple parent. Tout y passe, les biberons, l’apprentissage de la vie, le premier amour et pour finir le départ du domicile. L’ensemble est renforcé par la très bonne utilisation de la voix off de Joy Adamson et lié par le somptueux thème de John Barry.
Vivre libre est un classique dont le charme, l’humour et l’émotion feront le bonheur des petits et des grands, à voir (en boucle) en famille.
Fernand Garcia
Vivre libre est disponible en Blu-ray dans un report HD magnifique, chez Rimini Editions avec en supplément John Barry, un compositeur opiniâtre et visionnaire par Olivier Desbrosses, rédacteur en chef d’UnderScores, le magazine de la musique de films. Très intéressante évocation de la carrière de John Barry de ses débuts comme arrangeur aux James Bond et de son travail sur Vivre libre (25 minutes).
Vivre libre (Born Free) de James Hill avec Virginia McKenna, Bill Travers, Geoffrey Keen, Peter Lukoye, Omar Chambati, Robert Young… Scénario : Gerald L.C. Copley d’après le roman de Joy Adamson. Directeur de la photographie : Kenneth Talbot. Montage : Don Deacon. Musique : John Barry. Producteurs : Carl Foreman, Sam Jaffe et Paul Radin. Production : Open Road Films Ltd – Atlas – Columbia Pictures. Grande-Bretagne. 1966. 95 minutes. Technicolor. Panavision anamorphique Format image : 2,35 :1. Son : VO stf et VF. Tous Publics.