Rufus Ffolkes (Roger Moore) dirige un commando d’hommes-grenouilles spécialisés dans les interventions périlleuses. Il est appelé à Londres par la Lloyds afin d’élaborer à une stratégie d’intervention en cas d’attaque terroriste sur des plateformes pétrolières. Au même moment, dans le port de Stavanger en Norvège, un groupe de six journalistes embarque sur Esther. Le navire de ravitaillement doit livrer deux plateformes pétrolières en Mer du Nord, Ruth et Jennifer. Rapidement, les journalistes s’avèrent être des terroristes avec à leur tête Lew Kramer (Anthony Perkins). Une fois l’équipage pris en otage, Kramer met à exécution un plan diabolique…
Les Loups de haute mer est un thriller maritime spectaculaire comme le cinéma n’en propose plus depuis longtemps, la formule s’étant semble-t-il perdue dans le vide du pixel. Un scénario solide, des répliques cinglantes, une réalisation efficace et des vedettes et le tour est joué. Les Loups de haute mer date d’une époque où le spectateur réclamait de l’épique et des héros, il en aura pour son argent.
Les Loups de haute mer est la description d’une attaque terroriste en pleine mer. Le scénario est assez ingénieux. La prise de contrôle d’un bateau de ravitaillement se passe pendant la livraison: coller des mines aux piliers, puis exiger une rançon du gouvernement sinon tout sautera. Evidemment, la protection de plateforme de forage en mer est un exercice difficile voire impossible. Toute la mise en place est rendue avec une forte dose de réalisme qui masque les invraisemblances sous un épais vernis.
Pour ce film d’hommes, le casting offre une galerie de beaux personnages. Anthony Perkins, le méchant, donne de à son terroriste une interprétation qui semble le faire sortir tout droit de l’asile psychiatrique de la fin de Psycho. Il faut reconnaître que l’acteur n’est jamais meilleur que dans les rôles de déséquilibrés. Dans Les Loups de haute mer, il est un terroriste sans cause idéologique si ce n’est celle de l’argent.
James Mason, toujours aussi classe, est l’officier de marine idéal tel que le cinéma populaire de l’époque aimait en proposer. A 70 ans, James Mason est un seconde rôle de luxe après une prodigieuse carrière, pêle-mêle : Huit heures de sursis de Carol Reed, L’affaire Ciceron (Five Fingers, 1952) de Joseph L. Mankiewicz, Un étoile est née (A Star is Born, 1954) de George Cukor, Derrière le miroir (Bigger than Life, 1956) de Nicholas Ray, La Mort aux trousses (North by Northwest, 1959) d’Alfred Hitchcok, Lolita (1962) de Stanley Kubrick, Lord Jim (1965) de Richard Brooks, Mandingo (1975) de Richard Fleischer, Croix de fer (Cross of Iron, 1977) de Sam Peckinpah, etc. Mason sortait de son magasin d’antiquités des Vampires de Salem de monsieur Massacre à la tronçonneuse Tobe Hooper quand il embarqua pour cette aventure.
« Je ne savais pas qu’on autorisait les femmes à bord. » Rufus Ffolkes
Dans l’univers des Loups de haute mer, peu de femmes et pour exister, elles doivent faire preuve d’autorité et de détermination. Trois personnages féminins s’y débattent. La première ministre est incarnée par Faith Brook, dont la ressemblance avec Françoise Giroud (pour ceux qui s’en souviennent) est des plus frappantes ; Jennifer Hilary (Sarah, la secrétaire) ne manque pas de répartie face à Fflokes et surtout Lea Brodie (Sanna) la seule femme sur Esther, le bateau pris en otage par les terroristes. Brodie a une vraie présence et apporte une touche d’érotisme bienvenue. Entraperçu dans la série de science-fiction Cosmos 1999, Brodie a eu une carrière assez réduite, on a pu l’admirer aux prises avec une pieuvre géante dans Les 7 cités d’Atlantis (Warlords of Atlantis de Kevin Connors, 1978).
« Si les femmes veulent notre égalité dans la vie, il sera de même dans la mort. » Rufus Ffolkes
Enfin, notre héros Roger Moore, en pleine gloire James Bondesque, se délecte d’un personnage qui accumule les tares. Rufus Excalibur Ffolkes (déjà le nom est tout un programme) est de ces héros que l’on adorait à la fin du siècle passé. Militaire old school, droit dans ses bottes, misogyne à la puissance mille; chacune de ses répliques le rend encore plus pathétique et drôle. Ffolkes déteste les femmes plus que les crapules qui menacent de faire sauter les plateformes pétrolières.
Sa misogynie nous vaut quelques scènes savoureuses et des confrontations directes avec les femmes qui croisent son chemin. Evidemment, sa femme l’a abandonné depuis une belle lurette. Quelle femme aurait pu « survivre » auprès d’un tel homme ? Condamné à une vie sentimentale de reclus, Fflokes s’adonne à ses moments perdus à la broderie. Un pareil personnage a dû faire rire autant le scénariste que Roger Moore. L’acteur en rajoute une bonne couche dans la goujaterie par des mimiques d’exaspérations dès qu’il croise une femme. Un personnage que Roger Moore aimait particulièrement tant il s’éloignait radicalement de ses autres créations.
Andrew V. McLaglen est aux commandes des Loups de haute mer après l’énorme succès des Oies sauvages, film de mercenaires où il dirigeait Roger Moore aux côtés de Richard Burton, Richard Harris et Hardy Kruger. Réalisateur solide, un bon raconteur d’histoires, pas de fioriture chez lui, il sait aller à l’essentiel, pas de plan inutile. Fils de l’acteur Victor McLaglen, un des acteurs favoris de John Ford, Andrew débute sa carrière de réalisateur en 1956 en dirigeant Légitime défense (Gun the Man Down), un western contrairement à ce que le titre français pourrait laisser croire. Il se fait la main en réalisant un paquet de séries TV avec une grande prédilection pour le western, il dirige Clint Eastwood dans 6 épisodes de Rawhide, mais surtout 96 épisodes de Gunsmoke avec James Arness entre 1956 et 1965 et plus fort encore Have Gun – Will Travel et ses 116 épisodes avec l’immense Richard Boone en gunfighter (1957-1963). De quoi acquérir de solides bases et une efficacité en temps de tournage à toute épreuve. Tout naturellement John Wayne, un ami de la famille, fait appelle à lui à plusieurs reprises : Le Grand McLintock (McLintock, 1963), Les feux de l’enfer (Hellfighters, 1968), Les géants de l’Ouest (The Undefeated, 1969), Chisum (1970), Les Cordes de la potence (Cahill U.S. Marshal, 1973). Il est, du milieu des années 60 jusqu’au début des années 70, l’un des plus prolixes réalisateurs de westerns américains, genre alors moribond aux Etats-Unis. Apprécié des stars, il faut dire qu’il avait une carrure impressionnante, il dirige rien de moins que James Stewart, Kirk Douglas, Robert Mitchum, Richard Widmark, William Holden, George Peppart, Dean Martin, Charlton Heston, James Coburn, la sublime Raquel Welch et même Maurice Chevalier dans Monkeys, Go Home une comédie pour Disney ! Andrew V. McLaglen, après le western, se spécialisa dans le film de commando et de guerre dont les « valeurs » héroïques rejoignent celle des aventuriers du Far-West avec leurs personnages forts en gueule. Il réalisa plusieurs « improbable » suite de grands succès : La percée d’Avranches (Steiner – Das Eiserne Kreuz, 2. Teil, 1979) avec Richard Burton et Rod Steiger, suite de Croix de Fer (1977), Les douze salopards 2 (The Dirty Dozen : Next Mission, 1985) pour la télévision avec Lee Marvin et Retour de la rivière Kwaï (Return from the River Kwai, 1989) avec Timothy Bottoms, trente-deux ans après le film de David Lean, une sorte de record ! Andrew V. McLaglen et Roger Moore se retrouveront une troisième et dernière fois avec Le commando de Sa Majesté (The Sea Wolves, 1980) avec en co-vedette Gregory Peck et David Niven. McLaglen signe son dernier film en mettant en scène une improbable aventure du Prince Malko, le « héros » de Gérard de Villiers avec SAS – L’œil de la veuve en 1991.
Pour finir signalons les très bons effets spéciaux de John Richardson, grand spécialiste des maquettes et miniatures, on a pu le voir à l’œuvre dans nombre de James Bond : Moonraker (1979), Octopussy (1983), Dangereusement vôtre (1985), Demain ne meurt jamais (1997), Le Monde ne suffit pas (1999), Meurs un autre jour (2002), mais aussi sur Un pont trop loin (1975), Superman (1978) Aliens (1986), Cliffhanger (1993), toute la série des Harry Potter, pour ne citer que quelques films d’une carrière impressionnante. Dans Les Loups de haute mer, on ne peut qu’admirer son méticuleux travail sur les plateformes pétrolières, le bateau, les hélicoptères, le mouvement de la mer, etc. le tout d’un réalisme époustouflant. De quoi avoir le mal de mer.
Allez bon pied marin et à l’attaque !
Fernand Garcia
Les Loups de haute mer, belle édition combo (Blu-ray – DVD) d’Éléphant Films avec en supplément : Le temps des loups, une présentation fort sympathique du film par Julien Comelli (réalisation d’Erwan Le Gac, 13 minutes). La bande-annonce d’époque des Loups de haute mer (2’37) et des films de la collection : Un Hold-up extraordinaire, Chacal, Police sur la ville, et pour terminer une Galerie photos des Loups de haute mer.
Les Loups de haute mer (ffolkes) un film de Andrew V. McLaglen avec Roger Moore, Anthony Perkins, James Mason, Michael Parks, David Hedison, Jack Watson, George Baker, Jeremy Clyde, David Wood, Faith Brook, Lea Brodie… Scénario : Jack Davies d’après son roman Esther, Ruth & Jennifer. Directeur de la photographie : Tony Imi. Supervision des effets spéciaux : John Richardson. Décors : Maurice Carter. Montage : Alan Strachan. Musique : Michael J. Lewis. Producteur : Elliott Kastner. Production : Universal Pictures – Cinema Seven Productions LTD. Grande-Bretagne. 1980. 99 minutes. Technicolor. Panavision. Format image : 1,85 :1. 16/9e Audio : VOSTF et VF DTS HD Master Dual mono 2.0. Master numérique HD 1920×1080 p. Tous Publics.