Robert Graves, médecin psychiatre, est associé à un mystérieux patient, Charles Crossley, pour comptabiliser les points d’un match de cricket organisé pour occuper l’après-midi des pensionnaires d’un hôpital psychiatrique anglais. Laissant le soin à Graves d’officier, Crossley se lance dans l’évocation de son passé. De retour dans le Devon d’un séjour de 18 ans chez les Aborigènes Australiens où il découvrit la sorcellerie et tua ses deux enfants, il investit la maison et la vie des Fielding, un couple anglais sans histoires. Menaçant ceux-ci d’user de son « Cri du Sorcier » censé tuer quiconque l’entend à la ronde, il prend possession de la demeure du couple, à la fois fasciné et répugné par cet homme au charisme et aux pouvoirs captivants…
Troisième réalisation en Angleterre pour le cinéaste polonais qui, après le succès de Deep End (1970) et Roi, Dame, Valet (1972) son adaptation de Nabokov, avec Le Cri du Sorcier, signe assurément son film le plus singulier.
Adapté d’une nouvelle de Robert Graves dont Skolimowski fait l’un des personnages du film, interprété par le comédien Tim Curry (The Rocky Horror Picture Show (1975), Annie (1982), Legend (1985),…), Le Cri du Sorcier envoûte le spectateur avec sa forme surprenante et sa puissante esthétique picturale qui rappelle dans ses tons, ses perspectives et ses références l’œuvre de Francis Bacon.
Porté par un trio de comédiens hors pair, le film permet à Alan Bates (Zorba le Grec (1964), Loin de la foule déchaînée (1967), Le Messager (1970), Quartet (1981), Gosford Park (2001),…) d’imposer son jeu et son talent par sa seule présence physique. Il donne un de ses premiers vrais grands rôles à l’épatant John Hurt (L’Etrangleur de Rillington Place (1971), Midnight Express (1978), Alien, le huitième passager (1979), Elephant Man (1980), Osterman week-end (1983), Melancholia (2011), Snowpiercer (2013)…) et confirme le talentde Susannah York (On achève bien les chevaux (1969), Jane Eyre (1970),…) dont l’interprétation est une fois de plus ici remarquable de finesseet d’ambiguïté. Notons également que l’effroyable cri du film est doublé par Skolimowski lui-même.
La bande originale du film qui fut l’un des premiers à utiliser le nouveau procédé de système sonore Dolby, est composée par Tony Banks et Mike Rutherford, membres du groupe Genesis dont le leader était, après Peter Gabriel, Phil Collins.
Présenté au Festival de Cannes en mai 1978, Le Cri du Sorcier a remporté le Grand Prix du Jury.
Steve Le Nedelec
Le Cri du Sorcier est édité (en combo DVD + Blu-ray) dans une magnifique restauration par Éléphant films dans la collection Cinéma Master Class, avec en complément de programme une présentation par Jean-Pierre Dionnet.
Le Cri du Sorcier (The Shout) de Jerzy Skolimowski avec Alan Bates, Susannah York, John Hurt, Tim Curry, Robert Stephens, Julian Hough, Carol Drinkwater, Jim Broadbent, Susan Wooldridge, Nick Stringer, Colin Higgins… Scénario : Michael Austin et Jerzy Skolimowski d’après la nouvelle Le Cri de Robert Graves. Directeur de la photographie : Mike Molloy. Montage : Barrie Vince. Musique : Tony Banks et Mike Rutherford. Producteur : Jeremy Thomas. Production : Jeremy Thomas Productions – RPC (Recorded Picture Company) – The Rank Organisation. Grande-Bretagne. 1978. 83 minutes. Couleur (Eastmancolor). Panavision. Format image : 1.85 :1. 16/9e. VOSTF et VF. Interdit aux moins de 12 ans.
Jerzy Skolimowski – Invité d’honneur – Toute la mémoire du monde – 7ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 13 au 17 mars 2019 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».