Un fort perdu entre les montagnes du Hoggar et le Sahara. Le lieutenant Saint-Avit (Jean-Pierre Aumont) repose à l’infirmerie. Il est le premier et le seul soldat à être réapparu trois mois après le départ d’une expédition qui s’avérera tragique. Petit à petit, les souvenirs remontent à la surface: le capitaine Morhange (Dennis O’Keefe), son ami, le sang, le désert, une cité, la reine Antinéa (Maria Montez)… Remis sur pied, Saint-Avit s’accuse du meurtre du Commandant Morhange…
Les Sirènes d’Atlantis est produit par Seymour Nebenzal exilé pour cause de Seconde Guerre mondiale aux Etats-Unis. Ce grand producteur allemand, après un passage par la France de 1933 à 1940 où il produit entre autres Anatole Litvak et Max Ophuls, poursuit sa carrière à Hollywood. Il débute par de petites productions de série B loin du faste de ses productions européennes. Nebenzal est détenteur des droits de L’Atlantide, le roman de Pierre Benoit, dont il avait produit une adaptation dirigée de main de maître par G.W. Pabst. Le film sorti en 1933 est un énorme succès en Europe, Nebenzal espère avec cette nouvelle version renouveler « l’exploit » aux Etats-Unis et de redevenir un producteur important. Il s’attelle à mettre le film sur de bons rails et pour mener à bien l’entreprise, il propose à Douglas Sirk d’en assurer la réalisation. Sirk avait réalisé ses deux premiers films aux Etats-Unis : Hitler’s Madman (1942) et L’aveu (Summer Storm, 1944) pour Nebenzal. Mais le cinéaste refuse la proposition ne voyant pas comment faire mieux que Pabst. Nebenzal ne se décourage pas et réussit à le convaincre de travailler sur le scénario. Il annonce le film à grand renfort de publicité en le présentant comme une superproduction exotique. Il engage Arthur Ripley à la réalisation duquel il avait produit Prisonier of Japan (1942), sa première production américaine, et L’évadée (The Chase, 1946), l’un des rares films américains avec Michèle Morgan.
L’Atlantide de Pabst était un gros budget et pour sa nouvelle version Nebenzal à du mal a réunir l’argent nécessaire à une superproduction et jour après jour Ripley doit revoir ses ambitions artistiques à la baisse. Malgré nombre d’aménagements, Arthur Ripley s’en tire et livre un film conforme aux possibilités financières mis à sa disposition. Des previews sont organisés et les retours sont mauvais. Le public américain ne comprend rien à l’histoire. Nebenzal décide de faire réécrire certaines scènes et d’en ajouter des nouvelles pour être plus lisible par le public américain. Ripley est débarqué et c’est John Brahms qui se charge de l’ensemble des retakes. Nebenzal obtient un nouveau montage. Arthur Ripley renie le film et refuse d’être crédité au générique comme réalisateur tout comme John Brahms. C’est donc le monteur Gregg Tallas qui se retrouve crédité. Tallas a-t-il réalisé d’autres scènes ? Le mystère reste entier. Toujours est-il que Gregg Tallas passera à la mise en scène quelques années plus tard et terminera sa carrière de réalisateur dans son pays de naissance : la Grèce.
Nebenzal engage le couple Jean-Pierre Aumont – Maria Montez pour donner corps au couple d’amoureux tragique de l’Atlantide. Choix judicieux, les deux acteurs ont une bonne renommée et pour Maria Montez, elle est libre de tout engagement envers Universal, le studio pour lequel elle était sous contrat.
Jean-Pierre Aumont personnifie le commandant Saint-Avit, militaire perdu dans les dédales de la cité de sable. L’acteur français débute sa carrière dans les années 30 et devient un visage familier du public en donnant la réplique à des vedettes de premiers plans comme Annabella ou Jean Gabin. En 1939, il s’enrôle dans les troupes blindées en 1941, il est démobilisé et gagne les Etats-Unis. Rapidement, il devient une vedette se partageant entre le cinéma et le théâtre. Il participe aux combats de la Libération de la France. Après-guerre, Jean-Pierre Aumont jouera autant dans des productions hollywoodiennes que françaises. Dans Les Sirènes d’Atlantis, il partage pour la première fois l’affiche avec sa seconde épouse, la sublime Maria Montez.
Maria Montez avait fait carrière chez Universal en tête d’affiche de ses productions exotiques saupoudrées d’érotisme. Surnommée « le cyclone des Caraïbes », Maria Montez était née en République Dominicaine (île d’Haïti) le 6 juin 1920, fille d’un vice-consul honoraire espagnol et d’une mère irlandaise. Elle est engagée à Hollywood après avoir amorcé une carrière de mannequin à New-York. Brune aux yeux de braise, elle impose très vite son talent dans les années 40. Ses tenues moulantes et échancrées sont la promesse d’un érotisme torride. Ses productions en technicolor sont durant la Seconde Guerre mondiale de gros succès. Elle devient l’une des actrices les mieux payées du studio. Le public est sensible à ce mélange d’exotisme, de fantastique et de merveilleux qui l’éloigne de la dure réalité. Mais, petit à petit, les spectateurs se désintéressent de ce type d’aventure. Les Sirènes d’Atlantis, qui curieusement n’est pas en technicolor, arrive peut-être trop tard sur les écrans et est un échec aux Etats-Unis avant de connaître un gros succès en Europe et plus particulièrement en France. C’est le dernier film hollywoodien de Maria Montez. Elle suit Jean-Pierre Aumont en France et entame une carrière en Europe où elle décroche quelques beaux rôles. Hasard du cinéma, elle retrouve en Italie John Brahms pour Le Voleur de Venise (The Thief of Venise, 1950), très plaisante série B de cape et d’épée. Une belle carrière s’ouvre à elle dans le cinéma italien. Le destin en décida autrement. Le 7 septembre 1951, dans sa maison de Suresnes, elle est victime d’un malaise cardiaque dans son bain et se noie dans sa baignoire. Maria Montez est la mère avec Jean-Pierre Aumont de l’actrice Tina Aumont.
Malgré ces nombreux problèmes de production, Les Sirènes d’Atlantis est un film qui se déguste avec plaisir. L’ambiance fantastique imprègne le spectateur dès le début avec la découverte de la cité. Maria Montez est une majestueuse reine Antinéa, elle a ce pouvoir magnétique qui fait chavirer le cœur des hommes. Ses tenues sont particulièrement suggestives dévoilant ce qu’il faut de chair. Ses scènes sont particulièrement bien écrites et au charme vénéneux de l’actrice s’ajoute une aura de mystère qui la rend fascinante. Au crédit du film, la séquence du meurtre à coups de marteau est des plus saisissantes. Les Sirènes d’Atlantis reste dans ses grandes lignes particulièrement fidèle au roman de Pierre Benoît. De quoi se perdre dans les monts ensablés du Hoggar à la recherche de l’Atlantide…
Fernand Garcia
Les Sirènes d’Atlantis – L’Atlantide est édité dans la collection Les Classiques d’Artus Films. Le sympathique éditeur ne propose pas de compléments, mais uniquement les bandes-annonces des films disponibles dans la collection.
Les Sirènes d’Atlantis – L’Atlantide (Atlantis the Lost Continent – Siren of Atlantis) un film de Gregg G. Tallas et non crédité Arthur Ripley & John Brahms avec Maria Montez, Jean-Pierre Aumont, Dennis O’Keefe, Morris Carnovsky, Henry Daniell, Alexis Minotis, Milada Mladove, John Shelton… Scénario : Rowland Leigh et Robert Lax. Dialogue additionel : Thomas Job d’après le roman de Pierre Benoit. Directeur de la photographie : Karl Struss. Décors : Lionel Banks. Effets spéciaux : Rocky Cline. Montage : Gregg Tallas. Musique : Michel Michelet. Producteur : Seymour Nebenzal. Production : Atlantic Productions, Inc – United Artists. Etats-Unis. 72 minutes. Noir et blanc. Format image : 1.37 :1 compatible 16/9e Son : VOSTF et VF. Tous Publics.