Dimanche 09 décembre 2018
Au programme aujourd’hui : Un drôle de super-héros indien ; un « survival » féministe canadien ; Une Séance Culte pour un classique des 80’s aussi violent qu’incontournable ; un choc sur la jeunesse désœuvrée en Hollande et un pamphlet cool et furieux sur le racisme et la lutte des classes pour clôturer cette édition 2018 du PIFFF.
11h00 :The Man Who Feels No Pain (Mard Ko Dard Nahi Hota) – Inde – Hors Compétition – Première Internationale
Surya (Abhimanyu Dasani) naît avec le genre de particularité génétique dont les rêves cinématographiques sont faits : il ne ressent pas la douleur. Cette maladie va naturellement le pousser à s’intéresser aux sports de combat. Élevé devant les films d’arts martiaux et les polars indiens vintage, il se rêve en redresseur de torts, s’entraîne, essuie son lot de déconvenues. Puis, aidé de son amie d’enfance et d’un karatéka unijambiste, Surya part à l’assaut du gang de son quartier avec en ligne de mire une consigne-clé – rester bien hydraté.
Drôle, coloré, foutraque. Ne cherchez plus ! Le chaînon manquant entre Deadpool et Stephen Chow est indien. Bardé de références variées, The Man Who Feels No Pain est un ovni cinématographique, un film de super-héros singulier, humain et attachant dont l’histoire est prétexte aux affrontements toujours plus spectaculaires du héros avec des hordes d’ennemis. Les scènes de combat sans trucage sont spectaculaires. S’appuyant sur les performances de ses comédiens, le cinéaste Vasan Bala filme et réalise ces scènes sans avoir recours par la suite à un montage épileptique. Derrière le personnage principal, on devine l’enfance du réalisateur qui filme de manière remarquable les quartiers populaires de la ville de Mumbai dans lesquels il a grandi. Ce dernier a longtemps travaillé comme scénariste et assistant réalisateur d’Anurag Kashyap, un des chefs de file du cinéma indépendant en Inde qui s’est affirmé comme auteur entre autres en produisant The Lunchbox et en réalisant Gangs of Wasseypur, Ugly ou encore The Mumbai Murders. Après Peddlers, The Man Who Feels No Pain est le deuxième film de Vasan Bala.
Avec Abhimanyu Dasani, Radhika Madan, Gulshan Devaiah, Mahesh Manjrekar, Vijay Sethupathi,… Le film a obtenu le prix du public de la section Midnight Madness au TIFF (Toronto International Film Festival).
14h00 :What Keeps You Alive – Canada – Hors Compétition
Pour leur premier anniversaire de mariage, Jackie emmène Jules dans le coin reculé où son père et elle allaient chasser, quand elle était petite. Personne à la ronde, à part la luxueuse demeure de son amie d’enfance de l’autre côté du lac. Toutes les conditions sont réunies pour un week-end idyllique en amoureuses. Mais pour son premier anniversaire de mariage, le couple lesbien se déchire et plonge dans l’horreur.
Moitié du binôme The Vicious Brothers à l’origine des found footage Grave Encounters, Colin Minihan vole désormais en solo. Et ça lui réussit plutôt bien, si l’on en juge l’excellente direction artistique de What Keeps you Alive qui, sous ses dehors de slasher classique, réserve son lot de belles surprises sadiques. D’apparence simple, le scénario, écrit par Colin Minihan, est original et efficace. Fort de son expérience, le cinéaste va à l’essentiel. Les personnages sont rapidement mis en place et caractérisés. Les magnifiques comédiennes Hannah Emilly Anderson et Brittany Allen, chair à canon du Jigsaw des frères Spierig, se donnent à fond et assument pleinement la folie des personnages pour soutenir la vision du réalisateur qui s’intéresse principalement ici au traitement de la mise en scène pour captiver le spectateur. Le film marque la première collaboration entre l’actrice Hannah Emily Anderson et le réalisateur, mais la troisième avec l’actrice Brittany Allen qu’il a dirigée dans Extraterrestrial et Bloody Sand. Un survival féministe graphiquement somptueux aussi redoutable et brutale que jubilatoire. Aux côtés du couple principal, on retrouve également au casting le comédien Joey Klein (American Gangster) et la comédienne Martha MacIsaac (SuperGrave, Battle of the Sexes,…).
16h15 : Maniac – Etats-Unis – La Séance Culte
Frank Zito est un homme discret qui entretient pas mal de problèmes irrésolus avec sa mère abusive et délurée pourtant décédée. Il vit dans un petit appartement minable dans les bas-fonds de New York et a de terribles pulsions homicides. Véritable psychopathe, il écume les rues new-yorkaises et tuent des jeunes filles de façon atroce. Sa collection de scalps posés sur des mannequins s’agrandit, jusqu’au jour où il rencontre Anna, une photographe. Sa relation avec elle pourrait lui amener le salut.
Découvert par un nombre conséquent de spectateurs dans la crasse visuelle rémanente de son édition VHS René Château des années 1980, le film emblématique de William Lustig, hanté à jamais par la performance glaçante et hallucinée du regretté Joe Spinell, s’offre à vous dans une restauration 4K à même de rendre justice au travail de Tom Savini – ses effets spéciaux et maquillages gores pour le film comptent parmi les plus marquants de sa filmographie (Vendredi 13, Zombie, Trauma,…), pourtant riche en impressionnantes immondices et autres atrocités. Certains effets sont également à mettre à l’actif de Rob Bottin, créateur de The Thing pour John Carpenter. Maniac marque la première collaboration du réalisateur William Lustig avec l’acteur Joe Spinell, également scénariste et producteur exécutif du film. L’interprétation de son personnage marquera la carrière de ce dernier jusqu’à sa mort accidentelle en janvier 1989 alors qu’il était sur le point d’entamer le tournage d’un Maniac 2 qui n’a jamais vu le jour. Extrême violence graphique. Atmosphère poisseuse dérangeante. Ambiance glauque et malsaine. Film Culte.
18h30 :We (Wij) – Hollande / Belgique – Hors Compétition – Première Française
A la faveur du doux désœuvrement estival, les ados d’un village flamand s’abandonnent à tous les excès à leur portée. L’émulation collective les pousse à aller de plus en plus loin, à jouir de l’euphorie du moment sans se soucier des conséquences de leurs actes.
We raconte l’histoire de huit adolescents, quatre filles et quatre garçons qui, un été, s’ennuient et décident de s’occuper… Sous ses faux airs de chroniques trash de l’éternelle jeunesse à la dérive, We révèle de chapitre en chapitre une construction scénaristique implacable. Découpé en quatre parties avec quatre univers musicaux et quatre voix off distinctes, le film suit les événements qui nous sont racontés du point de vue des protagonistes et nous donne quatre versions différentes de la même histoire. La mise en scène, solaire et lumineuse, calée au plus près de ses personnages, renforce l’immersion dans ce récit à la violence physique et psychologique, nourri à la sexualité exacerbée et aux interdits. Adapté du roman éponyme d’Elvis Peeters basé sur des faits réels, avec ce premier long-métrage écrit, produit et réalisé par Rene Heller, ce dernier inscrit We dans la lignée des films « chocs » réalisés par Paul Verhoeven (Spetters) dans les années 1970. Au casting on retrouve entre autres Aimé Claeys, Pauline Casteleyn, Gaia Sofia Cozijn, Vincent de Boer… Un film cru sur l’excès, la manipulation et la perdition qui nous interpelle et nous interroge sur nous et sur notre société en pleine « crise adolescente », en pleine « crise existentielle ».
21h00 : Sorry to Bother You – Film de Clôture – Etats-Unis – Hors Compétition – Première Française
A Oakland, dans des Etats-Unis à peine dystopiques, ravagés par la misère économique et l’esclavagisme rampant du prolétariat, Cassius Green décroche un boulot dans le télémarketing. Il suit les conseils de son voisin de bureau et contacte ses clients déguisé derrière sa « White voice ». Très vite ce dernier bascule dans un univers macabre en découvrant une méthode magique pour gagner beaucoup d’argent. Tandis que sa carrière décolle, ses amis et collègues se mobilisent contre l’exploitation dont ils s’estiment victimes au sein de l’entreprise. Mais Cassius se laisse fasciner par son patron cocaïnomane qui lui propose un salaire au-delà de ses espérances les plus folles. Il va devoir choisir entre révéler le terrible secret de ses supérieurs ou rejoindre la lutte.
Pour son premier long-métrage, Boots Riley, du groupe « The Coup » (présent sur l’excellente bande originale du film), trace sa voie quelque part entre Metropolis de Fritz Lang, Idiocracy de Mike Judge et le cinéma de Spike Lee. Caricature outrancière au discours social ultra-militant et au traitement fun, Sorry to Bother You est un film-cauchemar, un pamphlet burlesque, une œuvre bouillonnante, aussi cool qu’en colère, sur le racisme et la lutte des classes. Au casting, on retrouve Lakeith Stanfield (States of Grace, Dope, N.W.A. – Straight Outta Compton, Get Out,…), Tessa Thompson (Creed,…), Armie Hammer (The Social Network, Lone Ranger, Entourage, Nocturnal Animals,…), Steven Yeun (Okja,…), Jermaine Fowler ou encore Danny Glover (Witness, Silverado, La Couleur Pourpre, L’Arme Fatale, Grand Canyon, La Famille Tenenbaum,…). Après Get Out de Jordan Peele et Blackkklansman de Spike Lee, Sorry to Bother You témoigne des mouvements sociaux des dernières années et confirme le dynamisme et la créativité du cinéma noir américain.
Steve Le Nedelec