7 septembre 1876, un matin comme tant d’autres dans la paisible petite bourgade de Northfield dans le Minnesota. Pourtant, la ville est à quelques minutes d’entrer dans l’histoire de l’Ouest américain. Jesse James a décidé d’entraîner sa bande dans un dernier hold-up, loin de ses terres habituelles. L’attaque de la banque tourne mal, c’est un carnage. La bande est décimée, les frères James, Jesse (Robert Wagner) et Frank (Jeffrey Hunter), ainsi que Tucker se retrouvent avec à leurs trousses le shérif Trump (Robert Adler) et le détective Remington (Alan Baxter). Cachés dans une grotte, les frères remontent le fil de ce fiasco depuis leurs débuts de hors-la-loi…
Le Brigand bien-aimé est un grand western, une œuvre flamboyante, qu’un montage, renié par Nicholas Ray, n’a pas réussi à totalement détruire. Ray rêvait d’un autre film, pourtant ce qui se déroule sous nos yeux est par moments tout simplement magnifique. On voit bien ce qui a intéressé Ray dans l’histoire de Jesse James : la jeunesse, la rébellion contre l’ordre établi, la volonté de liberté. Souvent présenté comme le remake de la version d’Henry King, le film de Ray s’en libère totalement. Ray s’empare du mythe pour faire œuvre personnelle.
L’histoire du Brigand bien-aimé ne fut pas une partie de plaisir pour Nicholas Ray. Ray avait envisagé Elvis Presley pour incarner Jesse James, mais la Fox y oppose un veto absolu. Le studio lui impose Robert Wagner dont elle veut faire une vedette. Ray n’est évidemment pas content par ce choix imposé, mais petit à petit il est séduit par Robert Wagner. Plutôt, qu’une interprétation flamboyante, Wagner opte pour la retenue avec des piques de colère, un comportement adolescent, qui correspond à la vision de Ray. Un être lucide qui sait que le présent n’est rien d’autre qu’un combat désespéré. Jesse James est seul. Les autres personnages, comme son frère, sont convaincus qu’ils peuvent vivre dans le présent. James est revenu de tout: d’une guerre perdue, de l’injustice, de la fausseté des hommes. Il n’attend plus rien. Wagner est parfait.
Nicholas Ray envisageait deux possibilités pour le tournage, soit un tournage entièrement en studio dans une grande stylisation, soit entièrement en extérieur dans les authentiques décors du drame. Là encore, la Fox refuse catégoriquement. Il tourne toutefois le film qu’il a en tête. Mais la Fox refuse le montage de Ray, trop expérimental pour le grand public, avec cette promenade à travers le temps dont le fonctionnement est basé sur les sentiments des personnages. Le studio coupe des scènes et retravaille le film avec des flash-back parfaitement identifiables et ajoute pour être parfaitement claire des voix off. C’est un choix à l’opposé de ceux de Ray. Le Brigand bien-aimé est resté pour Nicholas Ray un immense regret, il n’est donc pas étonnant que son film suivant Amère Victoire soit une coproduction avec la France et tourné loin d’Hollywood. Ray ne tournera plus jamais pour la Fox. Il reste d’immenses moments qui témoignent du génie de Ray, comme la séquence d’ouverture, l’attaque de la banque qui annonce en partie celle de La Horde Sauvage. Il émane du film une nostalgie, une certaine forme de fatalité, où toute action aussi « héroïque » soit-elle porte en elle les gènes de l’autodestruction. Après l’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, pour reprendre un titre célèbre, Ray enchaîne sur un chanteur noir qui scande la légende du hors-la-loi, c’est d’une grande force. L’histoire de Jesse James a toujours fasciné les cinéastes et les auteurs américains, son ombre hante l’histoire des Etats-Unis. Le Brigand bien-aimé en est l’une des plus belles illustrations.
Fernand Garcia
Le Brigand bien-aimé – une édition spéciale limitée combo (DVD + Blu-ray) dans la collection Western de légende de Sidonis / Calysta dans un master haute définition impeccable. Dans les suppléments : Tavernier livre une très belle analyse du « Brigand bien-aimé, un film essentiel, un film qu’il faut voir », et revient sur le remontage du film par le studio et qui « malgré toutes les mutilations, ses blessures, ce massacre, l’esprit de Ray surnage » (20 minutes). Documentaire Le Western, seul genre né aux Etats-Unis, de ses origines à sa réinvention par les Italiens. Interview d’acteurs, James Coburn, Eli Wallach, Robert Vaughn, réalisateurs, Peter Bogdanovitch, Monte Hellman, George Stevens, d’historiens et critiques, Donald Ritchie, etc. Une ballade à travers l’histoire du genre (53 minutes). Une galerie d’affiches et de photos du film et la bande-annonce américaine complètent cette belle édition.
Le Brigand bien-aimé (The True Story of Jesse James) un film de Nicholas Ray avec Robert Wagner, Jeffrey Hunter, Hope Lang, Agnès Moorehead, Alan Hale, Alan Baxter, John Carradine, Rachel Stephens, Barney Phillips, Biff Elliot… Scénario : Walter Newman d’après un scénario de Nunnally Johnson. Directeur de la photographie : Joe MacDonald. Consultant Deluxe : Leonard Doss. Décors : Lyle R. Wheeler et Addison Hehr. Costumes : Charles LeMaire et Mary Wills. FX : Ray Kellogg. Montage : Robert Simpson. Musique : Leigh Harline. Producteur : Herbert B. Swope, Jr. Production : 20th Century Fox. Etats-Unis. 1957. 92 minutes. DeLuxe. CinemaScope. Format image : 2.25 :1. 16/9e. Son VF et VOSTF DTS-HD. Tous Publics.