18 avril 1942, des bombardiers B-25 décollent des porte-avions de la marine américaine. Leur mission : bombarder plusieurs villes japonaises: Tokyo, Yokohama, Kawasaki et Yokosuka. C’est une riposte à l’attaque japonaise sur Pearl Harbor six mois auparavant. A Hiroshima, l’amiral Isoruku Yamamoto (Toshiro Mifune) est aussitôt informé de l’attaque. Cela conforte l’amiral dans l’idée que le Japon n’est pas à l’abri d’une attaque et relance son projet d’une offensive de grande ampleur dans le Pacifique contre des postes stratégiques de l’armée américaine. L’opération M.I. ne fait pas l’unanimité parmi les amiraux… pourtant, en grand secret, l’armada japonaise se met en route vers la base américaine de Midway, en plein cœur du Pacifique…
Jack Smight venait de tourner 747 en péril, le second film de la franchise Airport, quand le producteur Walter Mirisch lui propose la réalisation de La Bataille de Midway. Smight est un homme de télévision. Il réalise à partir des années 50 un nombre considérable d’épisodes et d’unitaires. Au milieu des années 60, il dirige son premier film pour le grand écran Deux fiancés sur les bras (I’d Rather Be Rich, 1964), une comédie avec Sandra Dee. Avec Détective privé (Harper, 1966), il connait son premier grand succès avec un impérial Paul Newman, excellent polar adapté par William Goldman (Marathon Man) de Ross Macdonald. Smight tourne dès lors exclusivement pour le cinéma dont deux œuvres pour le moins étranges avec Rod Steiger Le refroidisseur de dames (No Way to Treat a Lady, 1968) et The Illustrated Man (Inédit, 1970). Au début des années 70, il reprend le chemin des séries TV à l’Universal, il dirige Peter Falk dans Columbo, l’adaptation TV d’Un Flic à New York entre autres et une intéressante transposition du roman Mary Shelley : Frankenstein : The True Story (1973) avec James Mason, Michael Sarrazin (la créature), David McCallum et Leonard Whinting. Le succès important de 747 en péril le conduit tout naturellement à revenir au cinéma. Il retrouve Charlton Heston pour La Bataille de Midway. C’est une grosse production qui demande un sacré bagage technique et une réelle habileté à diriger des stars. Technique parce que la reconstitution des combats aériens et navals est une gageure.
Pour réduire les coûts de production, Walter Mirisch opte pour l’insertion de plans d’archives dans le film. Cela demande un énorme travail de recherche au sein des archives filmées de la marine et un méticuleux travail de pré-montage. Tout doit être mis en place pour être parfaitement raccord. Jack Smight synchronise ses scènes sur la durée de ses plans en transparence. Il doit aussi effectuer des opérations techniques assez délicates comme le gonflage des stock-shots 16 mm en 35 mm anamorphique sans une augmentation importante du grain et une trop grande perte de définition. Pour obtenir une uniformisation de l’ensemble, le directeur de la photographie Harry Stradling Jr. (Little Big Man…) atténue légèrement la qualité de l’image. Même si l’on peut faire la différence entre les différents éléments, le résultat final est bluffant. C’est un formidable travail de montage mélangeant les scènes avec l’acteur, celles tournées sur le théâtre des opérations et des plans issus d’autres films de guerre comme ceux de Tora, Tora, Tora (1969) de Richard Fleischer, reconstitution de l’attaque de Pearl Harbor ! L’un des monteurs n’est autre que Frank J. Urioste qui par la suite deviendra le monteur attitré de Paul Verhoeven (Robocop, Total Recall, Basic Instinct) et un grand spécialiste du film d’action (Piège de cristal, Cliffhanger…). La Bataille de Midway est une impressionnante leçon de montage.
Auteur principalement de western pour le petit écran, Donald S. Sanford débute au tout début des années 50, dix-huit ans après des dizaines de scripts, il signe successivement de trois films de guerre pour le grand écran : Le Raid suicide du sous-marin X1 (Submarine X-1, 1968) de William A. Graham, The Thousand Plane Raid (inédit en France, 1969) et Opération V2 (1969) de Boris Sagal. Le scénario de La Bataille de Midway parvient jusqu’à Walter Mirisch, l’un des plus importants producteurs hollywoodiens. Mirisch a le sens du spectacle et du public avec des scénarios, des stars et de solides réalisateurs, il a enchaîné les triomphes au box-office: Certains l’aiment chaud, West Side Story, Les Sept mercenaires, La Grande évasion, la série des Panthère Rose, L’Affaire Thomas Crown… Il voit dans le récit de Sanford un vrai potentiel commercial. Le scénario est dans un triomphalisme mesuré, loin des productions du même type des années 60; le spectateur qui n’a plus la même naïveté et le regard sur la guerre est devenu de plus en plus critique. Sanford égrène les faits historiques, il met en scène les principales figures du conflit et les lie les uns aux autres par l’intermédiaire d’un personnage de fiction – le Capitaine Matt Garth interprété par Charlton Heston. Cela lui permet de fluidifier le récit et d’ajouter une sous-histoire, dramatique et intime, entre le Capitaine, son fils et sa fiancée japonaise.
Une des qualités à mettre au crédit du film est de ne pas passer sous silence le sort réservé aux Nippo-Américains (et de manière plus large aux Asiatiques) après l’attaque de Pearl Harbor. Une vague de racisme matinée de paranoïa s’empara des Etats-Unis qui aboutit à la mise en place de camps où furent entassés des centaines de Japonais. Cet aspect peu reluisant de l’histoire est évoqué sans faux-semblant dans le film, et c’est tout à son honneur. En 1990, le cinéaste anglais Alan Parker y consacra un film Bienvenue au paradis (Come See the Paradise).
La grande idée de Walter Mirisch est d’avoir vendu La Bataille de Midway comme un film catastrophe. Le film est renforcé par le procédé Sensurround qui fait trembler la salle de cinéma à la moindre attaque. Le procédé avait été utilisé avec succès sur Tremblement de terre (Earthquake, 1974) de Mark Robson déjà avec Charlton Heston. Comme tout film catastrophe, le casting regorge de stars, de figures extrêmement populaires, outre Charlton Heston, on retrouve dans les principaux rôles de gradés: Henry Fonda, Glenn Ford, James Coburn et Robert Mitchum, ainsi que de solides acteurs de seconds rôles: Cliff Robertson, Robert Wagner, Hal Holbrook et pour le commandant de la flotte japonaise, l’immense Toshiro Mifune, l’un des acteurs fétiches d’Akira Kurosawa des années 50/60.
La Bataille de Midway est l’un derniers grands spectacles hollywoodiens de guerre.
Fernand Garcia
Eléphant Films Classics nous gâte avec cette magnifique édition de La Bataille de Midway (combo DVD-Blu-ray) avec une section de compléments particulièrement fournis :
Making of : la réalisation de La Bataille de Midway, Charlton Heston, Walter Mirisch, Jack Smight, Frank J. Urioste, John Williams et Lydia Clarke Heston évoquent la création du film, des témoignages intéressants sur la mise en production et la réalisation d’un film hollywoodien en 1976. Scénario, coût, acteur, problèmes de logistique, montage des images d’archives, exploitation, etc. un survol complet du film (Réalisation : Laurent Bouzereau, 2001, 38 minutes).
Le film par Mathieu Macheret rappelle des faits historiques et analyse du film par un journaliste du Monde (13 minutes).
Scènes coupées : Quatre scènes d’intimité entre Matt (Charlton Heston) et sa future femme, des scènes en longueur où on se rend compte de la qualité du jeu des acteurs. Un montage différent de la séquence finale avec la femme de Matt qui comprend qu’il ne reviendra pas de sa mission.
Ils y étaient, documentaire (promotionnel) présenté par Charlton Heston de l’invention des porte-avions à la bataille de Midway, témoignages des vétérans mis en relation avec leurs personnages à l’écran. « Espérons que la Marine ne doive plus jamais entrer dans une telle bataille. Il ne faudra jamais oublier Midway » conclut Charlton Heston (6 minutes).
L’Enregistrement sonore de Midway, avec des interventions de John William, Walter Mirisch, Charlton Heston, Jack Smight & Frank J. Urioste sur l’impact du procédé multidimensionnel Sensurround « Si réel que vous pouvez presque le sentir » (Réalisation Laurent Bouzereau, 2001, 4 minutes).
La musique de Midway, entretien avec le compositeur John Williams « Walter Mirisch m’a permis de lancer ma carrière dans les années 70 » (Réalisation Laurent Bouzereau, 2001, 6 minutes).
Et pour finir, la Bande-annonce américaine d’époque de La Bataille de Midway (2’57’’) et une très belle Galerie de photos d’exploitation et d’illustrations pour l’affiche. De quoi satisfaire autant les passionnés de films de guerre que les néophytes.
La Bataille de Midway (Midway / The Battle of Midway) un film de Jack Smight avec Charlton Heston, Henry Fonda, James Coburn, Glenn Ford, Hal Holbrook, Toshiro Mifune, Robert Mitchum, Cliff Robertson, Robert Wagner, Robert Webber, Ed Nelson, James Shigeta, Christopher George, Christina Kokubo, Edward Albert, Pat Morita, Dabney Coleman, Tom Selleck… Scénario : Donald S. Sanford. Directeur de la photographie : Harry Stradling, Jr. Direction artistique : Walter Tyler. Montage : Robert Swink & Frank J. Urioste. Musique : John Williams. Producteur : Walter Mirisch. Production : The Mirisch Corporation – Universal Pictures. Etats-Unis. 1976. 130 minutes. Couleur. Technicolor. Panavision anamorphique. Format image : 2,35:1. Full HD 1920 x 1080p. 16/9e. Son VOSTF et VF en DTS HD 2.0 et Sensurround. Tous publics.