Les cow-boys vivaient librement dans d’immenses étendus avant l’apparition des colons et l’installation des barbelés délimitant des terrains et des propriétés. Dans cet espace désormais réduit par les fermiers, des cow-boys prennent les armes et se transforment en hors-la-loi. La famille la plus célèbre, les Dalton, pille les banques pour survivre. Le 5 octobre 1892, le gang Dalton est pris au piège à Coffeyville (Kansas). Ils ont été trahis par l’un des membres du gang. Bill Doolin, arrivé en retard sur les lieux, découvre le carnage. Bill décide de poursuivre « l’œuvre » des Dalton et crée le gang Doolin… très vite, il a les marshals à ses trousses…
Dès les premières images on est happé par le rythme, la narration, la voix off précise et l’efficacité de la mise en scène. Immédiatement dans l’action, on est heureux de voir à l’écran les mythiques frères Dalton; satisfaction de courte durée puisqu’ils sont aussitôt massacrés dans un guet-apens tendu par les marshals. L’intérêt va-t-il faiblir ? Pas le moins du monde. Bill Doolin va reprendre les colts et constituer un nouveau gang autour de lui. A grande chevauchée, l’action se poursuit de plus belle.
Gordon Douglas, dont la mise en scène est particulièrement inspirée, ajoute de formidables touches d’humour qui ne ralentissent jamais l’action. On peut mettre cela plus au crédit du réalisateur que de Kenneth Gamet, scénariste routinier du western. Douglas donne toute sa saveur à bon nombre de répliques par la mise en scène du dialogue. Des petits clins d’œil entendus et la connivence entre les personnages rendent vivant des dialogues autrement des plus conventionnels. On reconnait dans la séquence de l’église tout le penchant pour le burlesque de Douglas. Doolin, poursuivi par les marshals, trouve refuge dans une église en plein office. Doolin s’assoit auprès d’un enfant au regard particulièrement inquisiteur. La situation est tendue, – Doolin va-t-il échapper aux marshals – mais prend une forme surprenante par l’intervention de cet enfant mettant le sermon du pasteur au second plan.
Cinéaste prolifique, Gordon Douglas a 39 ans quand il réalise Face au châtiment. Il connaît son métier sur le bout des doigts. Il est passé par tous les postes dans l’industrie du rêve, des premiers temps à New York, sa ville de naissance (en 1907) à Hollywood. Employé de bureau, figurant, gagman, scénariste, etc. Gordon devient la cheville ouvrière des productions d’Hal Roach. Il réalise la populaire série burlesque Our Gang interprétée par des enfants. Il restera fidèle au genre en dirigeant tout au long de sa carrière des vedettes comiques : Laurel & Hardy, Harry Langdon, Jerry Lewis… Si Gordon n’est pas considéré comme un auteur, il n’en demeure pas moins que l’on peut reconnaître sa patte assez facilement identifiable. On retrouve un sens de la violence, du détail violent avec de l’intrusion de l’horreur voire de l’épouvante dans la scène. Il s’éloigne souvent des conventions inhérentes aux films de genre et ouvre des chemins de traverse que dynamise sa mise en scène. Sens de l’espace, de le découper par les ombres et la lumière, absence de pathos, nonchalance, mélancolie des personnages et refus de tout sentimentalisme. Tout l’art de Gordon Douglas est déjà dans Face au Châtiment.
Ainsi au cœur d’une action rondement menée, Douglas développe une histoire d’amour entre Doolin et la jeune fille du pasteur Elaine (Virginia Huston). Elles sont si bien mis en scène que jamais elles ne ralentissent le film et en deviennent mêmes poignantes. Leur histoire d’amour est touchante, le jeu de Randolph Scott et de Virginia Huston tout en finesse donne une réelle profondeur à leurs personnages. L’étendue des sentiments en jeu fait que nous sommes dans un western adulte où le côté purement héroïque s’efface au profit d’une mélancolie propre aux personnages dont on devine que leurs futurs sont marqués du sceau des destins brisés.
Il faut aussi souligner l’admirable photographie en noir et blanc de Charles Laughton Jr. Splendides extérieurs, par des jeux de lumière dans les scènes en intérieur, révèlent les sentiments des personnages. Tout est fait avec un tel soin qu’a aucun moment ne nous vient à l’idée que nous sommes devant une petite production de la Columbia.
Face au châtiment est une réelle surprise, un grand western, quatre-vingt minutes de bonheur.
Fernand Garcia
Face au châtiment est édité par Sidonis / Calysta dans la collection Western de Légende. Pour cette édition on retrouve Bertrand Tavernier et Patrick Brion pour trois compléments passionnants. Pour Bertrand Tavernier, Face au châtiment est une très bonne surprise, il analyse l’apport de la mise en scène de Gordon Douglas qui pouvait être très bon par son utilisation de l’espace, sa légèreté et son invention visuelle. Il revient aussi sur différents aspects du film, le scénario, les acteurs, Harry Joe Brown (le producteur) et la vérité historique assez malmenée par l’histoire. Il rappelle que le gang Doolins était appelé La Horde Sauvage (35 minutes). Très bon et intéressant film pour Patrick Brion, l’un des premiers à raconter la lutte entre les fermiers et les éleveurs. Face au châtiment est aussi l’un des premiers très bons rôles de Randolph Scott (9 minutes). Enfin cette édition propose un rapide regard croisé sur Randolph Scott par Bertrand Tavernier et Patrick Brion, réalisé il y a quelques années (5 minutes), et pour conclure, la bande-annonce américaine.
Face au châtiment (The Doolins of Oklahoma) un film de Gordon Douglas avec Randolph Scott, George MacReady, Virginia Huston, Louise Allbritton, John Ireland, Charles Kemper, Noah Beery, Jr., Jock O’Mahoney, Dona Drake… Scénario : Kenneth Gamet. Directeur de la photographie : Charles Lawton, Jr. Réalisateur 2e équipe : Yakima Canutt. Direction artistique : Geroge Brooks. Montage : Charles Nelson. Musique : George Duning et Sawtell. Production : Harry Joe Brown. Production : Producers Actors Corporation International – Columbia Pictures. Etats-Unis. 1948-49. 86 minutes. Noir et blanc. Format image : 1,33 :1 16/9e. Image et son restaurés. VOSTF. Inédit en France. Tous Publics.