Avec quelques minutes de retard, Thierry Frémaux, délégué général, accompagné de Pierre Lescure son président, a dévoilé la Sélection Officielle de la 71e édition du Festival de Cannes. L’importance de l’événement dépasse de loin les simples enjeux cinématographiques. Le festival est une sorte de caisse de résonance des problèmes politiques, financiers et sociétaux qui traversent le monde occidental. C’est donc une sélection beaucoup moins glamour et bling-bling que l’année dernière, moins de Stars sur la « red carpet ».
Sélection en contradiction avec les nouvelles règles de projection des films à la presse. Les critiques ne pourront rendre compte des films que le lendemain de la projection de gala. Décision absurde pour les films d’auteur, ceux qui encouraient le plus de « risques » étaient les grosses productions, totalement absent de la compétition cette année. On est même d’avis que cette réorganisation est totalement contre-productive pour un cinéma qui a plus que jamais besoin de soutien immédiat (l’effet Twitter et Cie) même si le film n’arrive sur les écrans que quelques mois plus tard.
Cannes est confronté à un autre problème qui concerne la transformation du mode de production des films avec l’entrée en scène des plateformes SVOD. La plus puissante d’entre elles est Netflix, dont le modèle financier est de produire pour ses abonnés en excluant la sortie salle. Elle tente un passage en force en France tout comme au Etats-Unis afin d’imposé une sortie simultané sur sa plateforme et sur les écrans. La situation semble bloquée de part et d’autre. Le Festival de Cannes interdit désormais l’accès à la compétition d’un film sans distributeur pour la France. J’imagine bien que les 1906 films proposés en provenance du monde entier n’ont pas de distributeurs au moment de leur inscription, au mieux ils ont un vendeur à l’étranger. En même temps, une sélection cannoise donne quasi-automatiquement lieu à un contrat de distribution. Il s’agit là d’un faux problème puisque la très grande majorité des films en compétition sont coproduits par la France (à l’exception des films américains et encore).
Ce blocage est aussi une manière de défendre un mode de production à bout de souffle qui donne encore, mais pour combien de temps, la priorité à Canal +. Il est certain que Netflix ne sortir aucun film en salle tant que la législation française ne l’autorisera à le diffusé que 36 mois après sa sortie ! Ainsi, dans le conflit entre le Festival de Cannes (derrière lequel on retrouve la puissante Fédération des exploitants, membre de son CA) et Netflix, cache-t-il une volonté pour la plateforme d’une réorganisation du mode de diffusion des films en sa faveur. Hélas, par un curieux télescopage du temps, le premier à pâtir de ce conflit est Orson Welles, ainsi The Other Side of the Wind, se retrouve interdit de présentation à Cannes par Netflix (comme cinq autres films).
Autres conflits : celui qui oppose Paolo Branco et Terry Gilliam concernant L’homme qui tua Don Quichotte. Le producteur tente par tous les moyens d’interdire la présentation du film en se présentant comme le détenteur des droits du scénario. Enfin un autre conflit vient de connaître son épilogue : Lars von Trier interdit de Festival à la suite de ses propos lors de la conférence de presse de Melancholia, peut à nouveau revenir. Alors que le jour de l’annonce de la sélection officielle, le conseil d’administration avait bloqué le film de Lars von Trier, au bout de quelques jours il ont dû faire machine arrière. Petit arrangement The House that Jack Built est hors compétition.
Sélection Officielle les films en compétition :
Asako I & II de Ryusuke Hamagushi (Japon – France, 1h59)
Ayka de Sergey Dvortsevoy (Russie – Allemagne – Pologne – Kazakhstan – Chine, 1h40)
BlacKKKlansman de Spike Lee (Etats-Unis, 2h08)
Burning (Buh-Ning) de Lee Chang-Dong (Corée du Sud, 2h28)
Capharnaüm de Nadina Labaki (Liban – France – Etats-Unis, 2h)
Cold War (Zimna Wojna) de Pawel Pawlikowski (Pologne – France – Grande-Bretagne, 1h24)
Les Eternels (Ash is Purest White) de Jia Zhang-ke (Chine – France – Japon, 2h21)
Everybody Knows (Todos Lo Saben) de Asghar Fathadi (Film d’ouverture en compétition, Espagne – France – Italie, 2h12)
Dogman de Matteo Garrone (Italie – France, 1h42)
En guerre de Stéphane Brizé (France, 1h53)
Les Filles du soleil d’Eva Husson (France – Belgique – Suisse – Georgie, 1h55)
Heureux comme Lazzaro (Lazzaro Felice) d’Alice Rohrwacher (Italie – France – Suisse – Allemagne, 2h05)
Leto de Kirill Serebrennikov (Russie – France, 2h06)
Le Livre d’Image de Jean-Luc Godard (Suisse – France, 1h25)
Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré (France, 2h12)
Le Poirier sauvage (Ahlat Agaci) de Nuri Bilge Ceylan (Turquie – France – Allemagne – Bulgarie – Suède, 3h08)
Trois visages (Three Faces) de Jafar Panahi (Iran, 1h40)
Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez (France, 1h40)
Under the Silver Lake de David Robert Mitchell (Etats-Unis, 2h19)
Une affaire de famille (Shoplifters) de Kore-Eda Hirokazu (Japon, 2h01)
Yomeddine d’ A.B. Shawky (Egypte – Etats-Unis – Autriche, 1h37) 1er film
Présidente du jury l’actrice australienne Cate Blanchett, membres : Chang Chen (acteur), Ava Duvernay (réalisatrice, scénariste, productrice), Robert Guédiguian (Réalisateur, scénariste, producteur), Khadja Nin (Auteur, compositeur, interprète), Léa Seydoux (actrice), Kristen Stewart (actrice), Denis Villeneuve (Réalisateur, scénariste) et Andrey Zvyagintsev (réalisateur, scénariste).