Elio Perlman, 17 ans, passe ses vacances dans la villa du XVIIe siècle, que possède sa famille en Italie, à jouer de la musique classique, à lire et à flirter avec son amie Marzia. Son père, éminent professeur, spécialiste de la culture gréco-romaine, et sa mère, traductrice, lui ont donné une excellente éducation, et il est proche de ses parents. Sa sophistication et ses talents intellectuels font d’Elio un jeune homme mûr pour son âge, mais il conserve aussi une certaine innocence, en particulier pour ce qui touche à l’amour. Un jour, Oliver, un séduisant américain un peu plus âgé qu’Elio (24 ans), arrive dans la villa. Il prépare son doctorat et vient travailler auprès du père d’Elio. Elio et Oliver vont bientôt découvrir l’éveil du désir au cours d’un été ensoleillé dans la campagne italienne qui changera leur vie à jamais.
Ce thème n’est pas une nouveauté. Cette histoire a déjà été racontée : Brokeback Mountain, la mini-série Man In An Orange Shirt, produite récemment par la BBC… L’histoire se déroule au début des années 80 et rappelle superficiellement À travers le miroir de Bergman; les deux films traitent l’histoire d’un jeune de 17 ans installé avec sa famille lors des vacances d’été. C’est là où la comparaison se termine. L’image de Bergman est très subtile et poétique, l’une des meilleures créations de Bergman qui traite de la recherche de spiritualité et où l’identification aux personnages est facile. Le protagoniste adolescent de Bergman doit non seulement résoudre sa relation avec un père distant, mais aussi aborder la scission obsédante et troublante qu’il ressent entre l’esprit et le corps. Dans Call Me By Your Name, Elio Perlman (Timothée Chalamet) ne souffre pas des scrupules bergmaniens de la psyché. Au lieu de cela, tout tourne autour de sa sexualité un peu comme dans Le Messager (The Go-Between, 1971) de Joseph Losey.
Call Me By Your Name utilise plusieurs langues : la famille Perlman d’ascendance italienne, française et américaine parle trois langues dans un méli-mélo peu convaincant. Une grande quantité de dialogues est en français, ce qui peut s’expliquer en partie par le fait que le film est une coproduction française. Même si le seul acteur convaincant en parlant les trois langues est la comédienne kurdo-russe Amira Casar, qui incarne Mme Perlman.
La première moitié du film oscille entre regards volés, insinuations et signaux contradictoires pendant que chacun essaye de comprendre leurs sentiments mutuels. Quand ils réalisent enfin leur désir l’un pour l’autre, ils deviennent amants. À la fin de l’été, ils doivent se séparer, car Oliver doit retourner en Amérique se marier avec une femme. Le film ne montre aucune homophobie ou intimidation autour d’eux. En effet, les parents cultivés et cosmopolites d’Elio sont à la fois très réfléchis et très accueillants.
Call Me By Your Name s’attarde sur l’aspect de la sexualité d’un jeune adolescent allant bien au-delà du physique. En cela, il dépasse le cliché du film gay. L’intimité des deux protagonistes est bien singulière et va les marquer pour le reste de leur vie.
Le film montre des rapports homosexuels, mais, comme dans Moonlight, il n’y a pas que ça. Selon le réalisateur Luca Guadagnino : « Il s’agit d’un film sur la compassion, la confiance et la sagesse qui sont exprimées dans la conversation entre Elio et son père. » Bien que le film soit gay-themed, Guadagnino ne range pas les personnages dans des catégories familières et refuse de traiter des stéréotypes ou des émotions artificielles « Comme encore dans Moonlight, ce film concerne n’importe quel premier amour, homo ou hétéro, qui ressent des désirs confus et contradictoires« .
C’est aussi un film sans conflit majeur. Luca Guadagnino dirige le chef opérateur Sayombhu Mukdeeprom vers une cinématographie qui apaise et séduit. L’atmosphère est capiteuse avec l’exubérance insouciante de la jeunesse.
Les deux acteurs sont superbes. Armie Hammer, tout en ayant l’air un peu plus âgé que les 24 ans de son personnage, a une présence imposante, avec sa beauté sculpturale et sa voix résonante. Il séduit instantanément le jeune Elio. Michael Stuhlberg et Amira Casar en tant que parents d’Elio sont des forces bienveillantes, mais un peu agaçants en restant constamment anormalement gentils. Le père n’est pas très convaincant. Peut-être trop inspiré des rôles joués par Robin Williams ?
Timothée Chalamet, avec ses grands yeux émus, navigue avec toute la complexité des sentiments émergents d’Elio, avec une sensualité féline et une fragilité émotionnelle parfois naïve.
Les scènes de sexe sont discrètes. On ne sait pas si c’est parce que le réalisateur a choisi plutôt de se concentrer sur l’érotisme, les baisers ludiques et les taquineries, ou si c’est une demande des comédiens. Toutefois, la relation entre Elio et Oliver ne sonne pas juste parfois. Ils sont tous les deux occupés à courtiser les femmes. Rien de mal à être bi ! Et Elio est censé être jeune, se retrouver, etc. Mais un jour, il dit soudain à Oliver qu’il a besoin de lui dire quelque chose. Oliver lui répond qu’il sait ce que c’est. On a le sentiment qu’il n’y a pas assez de preuves de cette accumulation de sentiments. Et pourtant, à deux heures et quart, le film est un peu trop long et lent à décoller.
Les personnages sont un peu stylisés et s’entourent d’un monde d’art pour booster leur ego. La mise en scène est évidente avec les parents. On a l’impression que la mère n’avait jamais fumé une cigarette dans sa vie, mais fume constamment dans le film. On aurait pu la coacher peut être ?
Les aspects techniques fonctionnent pour créer un film que certaines personnes aimeront et d’autres moins. Tout cela semble incroyablement énigmatique, mais c’est un sentiment difficile à cerner et à considérer. « Watchable » (très agréable) mais pas mémorable.
Norma Marcos
Call Me By Your Name un film de Luca Guadagnino avec Armie Hammer, Timothée Chalamet, Michael Stuhlbarg, Amira Casar, Esther Garrel, Victoire Du Bois, Vanda Capriolo, Antonio Rimoldi… Scénario originale : James Ivory. Scénario : Luca Guadagnino et Walter Fasano d’après le roman d’André Aciman. Directeur de la photographie : Sayombhu Mukdeeprom. Décors : Samuel Deshors. Costumes : Giulia Piersanti. Montage : Walter Fasano. Producteurs : Peter Spears, Luca Guadagnino, Emilie Georges, Rodrigo Teixera, Marco Morabito, James Ivory, Howard Rosenman. Production : Frenesy Film/La Cinéfacture – RT Features – M.Y.R.A. Entertainment – Memento Films International. Distribution : Sony Pictures Releasing France (Sortie France le 28 février 2018). Italie – France – Brésil – Etats-Unis. 2017. 132 minutes. Kodak. Couleur. Super 35. Format image : 1.85:1. Tous Publics.