Pascal et Pauline reviennent sur les terres de leurs parents du côté d’Orléans. Pauline vit à New York et Pascal à Mexico. Sur place, ils retrouvent leurs amis d’enfance, d’origine plus modeste. Pourtant Pascal et Pauline ne retrouvent plus rien de leur enfance. Ils ont profité et dépensé l’argent de leur père. Aujourd’hui, ils se retrouvent dans l’impossibilité d’honorer les charges qui incombent au domaine familial…
Pour le réconfort est un film profondément français, sur des trentenaires de notre temps. Il est donc question d’héritage et de remise en cause personnelle que du rapport à la société. La grande qualité du film de Vincent Macaigne est d’établir un état des lieux, d’hommes et de femmes d’aujourd’hui. Des personnages archétypes de catégorie sociale: bourgeois (désargentés), petite bourgeoisie et petite classe moyenne.
Une angoisse diffuse est palpable à chaque plan, elle se traduit par de longs monologues ou des confrontations colériques. Colère contre eux, les autres, parce qu’ils ne cherchent que leur bonheur personnel, avec une volonté farouche de réussir leur vie à tout prix. C’est une colère non maîtrisée, non radicale et non politique, en ce sens qu’ils ne remettent pas en cause la société dans laquelle ils vivent. Ils ont une hantise majeure : la vieillesse. Leurs sentiments stagnent et c’est le ressentiment qui surnage. Ils sont alors submergés par leur ressentiment les uns envers les autres. C’est une lutte des classes qui resurgit, qui ne s’est jamais en fait effacé du pays français.
Nous sommes directement interpellés en tant que spectateur. Évidemment ce sentiment vient de cette impression que les personnages s’adressent directement à nous, comme si nous étions pris à partie. Alors notre intérêt va de l’un à l’autre, nous pouvons au cours d’un même échange donner raison à l’un puis à l’autre ou se retrouver totalement en opposition, position inconfortable, par rapport aux standards habituels de la fiction, où nous ne nous attachons à aucun personnage qui puisse être un tant soit peu notre voix, raisonnable et consensuelle. C’est la force du film, ne pas chercher à plaire, mais c’est aussi se mettre en danger. On entre et l’on sort du film presque à chaque séquence. On condamne ou l’on approuve, nous oscillons en permanence entre adhésion et agacement. En fait, Pour le réconfort ressemble à ses personnages et renvoie au public comme sa propre image déformée par un miroir de parc d’attractions. C’est un peu nous sans que nous nous reconnaissions. C’est un monde qui se délite avec des êtres qui se débattent dans la mouise. Ressentiment terrible d’une passation des pouvoirs qui dans leurs têtes ne sait pas faite entre les générations. Lieu commun qui fait dire à Emmanuel (petit petit bourgeois) que l’avenir de la France c’est la vieillesse !
Si Vincent Macaigne colle aux personnages jusqu’à épouser les propos, on sent parfois qu’il s’en éloigne pour porter un regard d’une réelle empathie pour les vieux, abandonnés dans des maisons de retraite. Comme si nous attendions tous la mort comme point final d’une vie dont personne ne se souviendra au-delà des enfants. Qui se souviendra de nous dans 2/300 ans. La peur sourde de vivre un destin minable. De n’avoir, au mieux, qu’une pierre tombale et deux dates, la naissance et la mort. Notre unique trace sur terre jusqu’à l’inscription s’efface.
Vincent Macaigne comme tout metteur en scène de théâtre qui passe au cinéma se rapproche au plus près des visages. Rien d’étonnant alors à ce que le cadre soit en 1,33, même les plans larges enferment les acteurs dans le champ, l’inverse du théâtre où notre œil découpe l’espace. Macaigne retrouve des acteurs avec qui il travaille depuis des années sur scène. Cette proximité joue en faveur du film. Il y a comme un abandon entre ce qui semble parfaitement écrit et ce semble être de l’improvisation sur un thème, une situation donnée. A bien des égards on pense à Tchekhov non dans l’idée d’un monde qui disparaît mais plutôt dans celle d’un monde qui vient, toujours plus effroyable et individualiste. Macaigne et ses comédiens saisissent cette colère qui gronde politiquement indéfini, alors que tout dans Pour le réconfort est politique.
Fernand Garcia
Pour le réconfort un film de Vincent Macaigne avec Pauline Lorillard, Pascal Rénéric, Emmanuel Matte, Laurent Papot, Joséphine de Meaux et Laure Calamy. Scénario : Vincent Macaigne. Image et montage : Mauro Herce. Son : Julien Sicart. Production : CG Cinéma. Coproduction : Les Canards Sauvages. Distribution (France) : UFO Distribution (sortie le 25 octobre 2017). France. 2017. 91 minutes. Format image : 1.33 :1. Son : 5.1. Sélection : Acid, Cannes 2017. Tous Publics.