Tombstone, 26 octobre 1881, le soleil frappe la ville. Le marshal Wyatt Earp (James Garner) s’avance au milieu de la rue, rejoint par Doc Holliday (Jason Robards), Virgil Earp (Frank Converse), son frère, et son suppléant. Le patriarche Ike Clanton (Robert Ryan), Andy Warshaw (Steve Ihnat), Latigo, Curly Bill Brocius (Jon Voight) patientent au relais, tandis qu’à côté au corral se préparent, Billy Clanton et les McLowery. Tout est en place pour la confrontation. Face à eux, Wyatt Earp leur demande de rendre les armes. Il est déjà trop tard. Billy Clanton tire le premier ! En une poignée de secondes, ce règlement de comptes à O.K. Corral entre dans l’histoire…
Dix ans après, le triomphe de Règlements de comptes à O.K. Corral, John Sturges revient à Tombstone. 7 secondes en enfer, commence à la fin de son précèdent film par la célèbre fusillade revisitée. Celle-ci est différente de la première, le carton générique annonce que le film s’appuie sur des faits réels et raconte avec minutie le déroulé de ce drame. John Sturges aurait aimé retrouver la même distribution, Burt Lancaster et Kirk Douglas, mais le studio s’y est opposé, certainement pour des questions de coût. James Garner et Jason Robards reprennent les rôles de Wyatt Earp et de Doc Holliday.
L’affrontement entre le clan d’Earp et le clan de Clanton a engendré une production cinématographique importante. Wyatt Earp et Doc Holliday sont des légendes de l’Ouest. Earp n’est pas qu’un simple exécutant de la loi, mais un homme avec ses zones d’ombre, moins propre qu’il n’y paraît, tout comme Doc Holliday. L’histoire a fasciné nombre de cinéastes, citons l’incontournable La poursuite infernale (My Darling Clementine, 1946) chef-d’œuvre absolu de John Ford avec Henry Fonda et Victor Mature. Plus près de nous, Tombstone (1993) de George P. Cosmatos avec Kurt Russell et Val Kilmer, Wyatt Earp (1994) de Lawrence Kasdan avec Kevin Costner et Dennis Quaid.
Ce violent règlement de comptes est un moment mythique de l’histoire des Etats-Unis. 7 secondes en enfer, est certainement l’un des meilleurs films de John Sturges, il fait partie aussi de ses films les moins connus. John Sturges cherche dans cette nouvelle variation autour de l’histoire d’Earp et des Clanton à être au plus près de la réalité. Le monde ne se divise plus entre les bons (le clan Earp) et les méchants (le clan Clanton), c’est bien plus nuancé. Le feu des armes laisse place aux joutes oratoires de la salle de tribunal. Désormais, c’est devant la justice que se retrouvent les protagonistes. Argument contre arguments, vérités et mensonges, réalité et légende s’affrontent. Evidemment, en coulisses, tous les coups sont permis, les armes parlent toujours un autre langage.
Le scénario acte le passage d’un Ouest sauvage, à la justice expéditive, à un monde moderne, à l’utilisation de la loi. Le tribunal devient le lieu de l’affrontement. Ainsi, John Sturges quitte petit à petit le western pur pour orienter ses 7 secondes en enfer vers le polar. Le film fonctionne parfaitement et s’avère différent de Règlement de comptes à OK Corral, mais tout aussi passionnant. Ainsi, Wyatt Earp et Ike Clanton sont deux faces d’une même pièce, deux hommes de l’ancien temps, comme dans les films de Sam Peckinpah, ils sont dépassés par l’époque et noyés sous leur propre légende. John Sturges écarte tout romantisme, son approche est froide et méticuleuse. La confrontation entre Wyatt Earp et Ike Clanton se termine « à l’ancienne » dans un face-à-face d’homme à homme, dans un coin perdu où la modernité n’a pas encore surgi. Plus rien ne reste du panache du début, L’Ouest, le vrai, est bien mort.
Le scénario du Règlement de comptes à OK Corral était de Léon Uris l’auteur du roman Exodus, il coche superbement toutes les cases du western classique, Burt Lancaster et Kirk Douglas y étaient admirables. Le film est un exemple de construction dramatique où se déchaînent les passions extériorisées et intériorisées, le romantisme, l’étude psychologique des protagonistes et met en place patiemment le conflit jusqu’à son gunfight final. Le scénario de 7 secondes en enfer d’Edward Anhalt est dans l’après. Il colle au plus près de la réalité même si celle-ci reste l’objet d’affirmations contradictions. Il s’éloigne parfois de la réalité afin de donner forme et sens à son récit.
La photographie de Lucien Ballard, un des grands chefs-opérateur des grands espaces, est absolument impeccable, aussi bien pour les extérieurs de jour comme de nuit. Le paysage s’intègre parfaitement sans écraser les personnages. Il joue sur une approche géométrique de l’espace avec des cassures de lignes droites, mais aussi avec ses entrées des trains ou dans son utilisation de la lumière naturelle. Ballard est directeur de la photographie attitré d’Henry Hathaway et de Sam Peckinpah, il est autant à l’aise avec les espaces naturels du western que des ambiances claustrophobes du film noir. La musique de Jerry Goldsmith apporte une couleur au film et une dynamique extraordinaire. Elle emporte l’action et souligne les conflits sans pathos. La musique est l’un des éléments les plus importants du film. Une belle réussite de Jerry Goldsmith qui renouvelle le western.
John Sturges n’ayant pu avoir Burt Lancaster et Kirk Douglas, il trouve en James Garner et Jason Robards d’excellents interprètes. Ils sont moins spectaculaires que leurs illustres prédécesseurs, mais tout aussi remarquables. Garner et Robards ne cherchent à aucun moment à se mettent dans leurs pas. James Garner donne une interprétation de grande classe de Wyatt Earp. Jason Robards, en Doc Holliday, n’en rajoute pas dans l’alcoolisme. Il maîtrise ses effets, mais à partir de petites attitudes communique l’essence de son personnage. Robert Ryan est formidable. Il donne une interprétation incroyable d’Ike Clanton. Il n’est plus un patriarche dominant, mais un homme avec ses failles et assez lâche comme dans la séquence du début où il se met en retrait de la scène de fusillade. Un personnage ambigu pas si simple a interprété.
7 secondes en enfer, fut un échec commercial lors de sa sortie. La vision de John Sturges en s’éloignant de l’héroïsme et du panache désorienta peut-être les spectateurs. Il n’en reste pas moins un magnifique western, une œuvre charnière entre grands classiques et les relectures qui se profilent à l’horizon, La Horde sauvage (The Wild Bunch, 1969), Willie Boy (Tell Them Willie Boy Is Here, 1969), Little Big Man (1970), Soldat Bleu (Soldier Blue, 1970). 7 secondes en enfer, 34 coups de feu, 3 morts, est un magnifique western.
Fernand Garcia
7 secondes en enfer, une édition Sidonis Calysta dans la collection Silver de Western de légende, (combo Blu-ray – DVD) Master HD restauré image et son. En compléments : Une présentation du film par Bertrand Tavernier : « J’aime énormément Hour of the Gun », il retrace l’histoire du film et évoque les différentes hypothèses concernant le gunfight d’O.K. Corral, mais « dans l’ensemble le film paraît plus juste, plus mesuré et surtout beaucoup plus intéressant » (42 minutes). « Il y a des films qui laissent souvent un souvenir impérissable… » Jean-François Giré renchéri, dans sa présentation de ce western « qui se démarquait totalement de la production hollywoodienne » (21 minutes). Patrick Brion : « 7 secondes en enfer, porte déjà à sa manière une espèce de relecture de l’Ouest », sur Wyatt Earp « le film se rapproche de la vérité » (8 minutes). Et pour finir cette section, la bande-annonce d’époque (2 minutes).
7 secondes en enfer (Hour of the Gun) un film de John Sturges avec James Garner, Jason Robards, Robert Ryan, Albert Salmi, Charles Aidman Steve Ihnat, Michael Tollan, William Windom, Lonny Chapman, Larry Gates, Jon Voight, William Schallert, Richard Bull, Bill Fletcher, Sam Melville, Charles Swenson… Scénario : Edward Anhalt. Directeur de la photographie : Lucien Ballard. Décors : Alfred C. Ybarra. Montage : Ferrris Webster. Musique : Jerry Goldsmith. Producteur : John Sturges. Production : The Mirisch Corporation – Kappa – United Artists. Etats-Unis. 1967. 97 minutes. DeLuxe. Panavision Format image : 2,35 :1. 16/9e Son Version originale avec ou sans sous-titres français et Version originale. DTS-HD. Tous Publics.